Chapitre 20 - Le chasseur devient la proie

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Pétunia ouvre la fenêtre. L’air froid du dehors envahit la pièce, apportant un peu de fraîcheur. La sorcière noue le mot qu’elle vient d’écrire, à la patte du corbeau, lui embrasse le bec, et le regarde s’envoler en direction de Tourloing. Quelques minutes plus tard, le volatile trouve son destinataire.

Thomas, en compagnie du séduisant Steve (qui n’est autre que le prince charmant), aide les sept nains après l’éboulement de la mine de diamant dans laquelle ils travaillent. L’oiseau se pose sur le chasseur qui remarque de suite le papier attaché à sa patte. Il le déroule et hoquète de surprise. Se penchant par-dessus son épaule, son ami lit en même temps que lui : Thomas, j’ai enlevé Agatha. Elle est prisonnière dans le château. Si tu veux la revoir, viens la sauver. Pétunia.

— Que vas-tu faire ? questionne le prince charmant.

— Je n’ai pas le choix, je dois y aller. Surtout, ne dis rien à Angéline, invente quelque chose.

— Ne t’inquiète pas, je trouverai bien une demoiselle en détresse à qui tu as du porter secours.

— Merci.

Thomas laisse son ami avec les nains, tous préservés du danger, et grimpe, non pas sur son blanc destrier, mais sur son tout nouveau rutilant skate rouge, qui grâce à la magie, flotte légèrement au-dessus du sol. Le chasseur est bien décidé à sauver sa fille ! En quelques secondes à peine, il arrive devant la grille du château, et descend de la planche qui s’arrête en émettant une jolie fumée écarlate. Il franchit le portail ouvert, traverse d’un pas rapide la longue allée de cailloux que les mauvaises herbes ont envahie, et sans prendre la peine de frapper, pénètre dans la demeure.

— Agatha ! Agatha ! hurle Thomas.

L’adolescente lui aurait volontiers répondu, mais le dragon au corps lourd darde sur elle un regard malfaisant qu’elle comprend parfaitement.

— Crie et je t’enflamme.

Aussi la jeune fille s’abstient-elle. Elle prie silencieusement, pour que son père la trouve et qu’ils ne leur arrivent rien à tous les deux.

À l’étage au-dessus, Thomas considère Pétunia, vêtue d’une longue robe à fuseau d’un mauve presque noir, descendre les marches à demi-brisées des escaliers. La sorcière a tenté de se faire jolie et n’a réussi qu’à faire une permanente aux boucles mollassonnes tandis que son rouge à lèvres dessine sur son visage un sourire cramoisi.

— Thomas, je suis si heureuse de te voir ! s’exclame-t-elle lui tendant les bras.

— Comme si j’avais eu le choix, rage ce dernier.

— Oui, hum, toussote Pétunia. Je t’ai peut-être un peu forcé la main, c’est vrai. Mais je souhaitais tellement que tu me rendes visite et c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour t’y obliger.

— Pourquoi tenais-tu tant à me voir ?

— C’est difficile à expliquer, roucoule l’ensorceleuse.

— Tu détiens ma fille, j’ai tout mon temps.

— Je voulais juste savoir…

Pétunia marque une pause et semble hésiter, incertaine tout à coup. Elle reprend :

— J’aimerais qu’on parle c’est tout.

— Nous aurions pu le faire sans que tu enlèves Agatha, objecte Thomas.

La sorcière tape du pied par terre, comme une enfant en colère.

— Tu dis ça, mais c’est faux ! Auparavant oui, peut-être, mais depuis que tu as épousé Angéline, tu es devenu comme tous les autres… tu me hais.

— Non, je ne te hais même pas, rétorque le chasseur d’une voix basse. Tu m’es juste indifférente.

— Je crois bien que c’est pire ! se récrie Pétunia la main sur le cœur et la bouche formant un o d’horreur consterné.

— Peut-être, articule Thomas, incertain. Qu’espères-tu de moi ?

— Tu te souviens, il y maintenant plusieurs années, un après-midi devant la patinoire, je t’avais donné rendez-vous ?

— Oui.

— Mes sentiments n’ont pas changé, confesse la sorcière avec presque du charme dans le regard.

— Tu m’aimes toujours ?

Thomas ignore s’il doit se montrer flatté ou horrifié.

— Oui. Oh ! Je ne me fais pas d’illusion, je sais bien que tu n’éprouves pas la même chose à mon égard. Tu as ton épouse, une famille… mais je me demandais… s’il n’y avait pas eu Angéline, crois-tu que tu aurais pu être épris de moi ?

La répartie qui vient aux lèvres de Thomas est « Non, mais ça va pas, jamais je n’aurais pu t’aimer ! », mais il pense à Agatha prisonnière de l’horrible femme, et il se dit que ce n’est sans doute pas la réponse qui convient. Il réfléchit longuement, anxieux à l’idée de prononcer des paroles qui pourraient rendre son interlocutrice furieuse.

— Je ne sais pas, se hasarde-t-il à réagir. Il se trouve qu’Angéline fait partie de ma vie et je n’imagine pas qu’il puisse en être autrement, mais probablement que j’aurais pu…, Thomas n’arrive pas à sortir les mots que son admiratrice attend.

— Éventuellement, nous aurions pu faire un bout de chemin ensemble, est tout ce qu’il parvient à articuler.

Cela a l’air de suffire à Pétunia qui rayonne littéralement de bonheur.

— J’en étais certaine ! Je savais que tu avais dû éprouver des sentiments pour moi, tu étais tellement gentil !

Le chasseur se garde bien de la contredire et esquisse un sourire qu’il espère enjôleur et non pas répugné. Avec effroi et retenant un geste instinctif de recul, Thomas laisse Pétunia l’enlacer, la tête posée contre son torse.

L’homme, les mains le long du corps, fait plus penser à une statue qu’à un amant fou de désir.

— Oh Thomas, susurre Pétunia, puis fermant les yeux et entrouvrant ses lèvres, elle attend le baiser de conte de fées.

Mais son prince… pardon, son chasseur, ne peut contenir une moue de dégoût. Là, c’est au-dessus de ses forces. Qui peut lui promettre qu’en embrassant la sorcière, il ne va pas se transformer en grenouille ? Il l’a repousse et tente d’expliquer.

— Peut-être qu’il y aurait pu y avoir quelque chose, mais ce n’est pas le cas. J’aime Angéline. Je suis désolé, j’espère que tu comprends.

Le visage rouge de honte par l’humiliation subie, Pétunia frémit de colère.

— Tu vas me payer cet affront ! hurle-t-elle hystérique.

Et à l’aide de mouvements compliqués avec les mains, elle lui jette un mauvais sort. Lorsqu’elle se rend compte du résultat obtenu, la méchante femme éclate d’un rire malheureux.

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