Chapitre 9 - Silas

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Je suis dans une sorte de brume. Une seule chose se distingue. Un visage. Des traits fins. Presque angéliques. Une femme. Et pas n'importe laquelle. Elle est sublime. Vraiment magnifique. Mais je n'arrive pas à me souvenir de son nom. Ni si je la connais. En revanche, tout mon corps peut ressentir ce lien qui m'attache à elle. Mon corps crie son manque. Il ressent sa présence à proximité, lutte pour la rejoindre. Mes muscles sont tendus au possible. Quelque chose se passe. Je le sens. Je le sais. Mon instinct est aiguisé. Ma force décuplée. Mon envie de la retrouver irrépressible. 

D'un coup, une odeur m'alerte. C'est lui. Qui? Je l'ignore. Mais ses intentions sont claires. Il transpire l'assurance et la détermination. Il la veut. Elle est en danger. Je n'ai plus qu'un objectif. Une seule idée en tête. La protéger. 

Au moment où j'inspire pour tenter de retrouver mon calme. Une image s'imprime devant mes yeux et la rage me gagne. Ses lèvres sur les siennes. Un cri puissant et bestial sort de ma gorge au moment où je brise les sangles qui m'emprisonnaient. Je me rue hors de la pièce, écume aux lèvres et rage au ventre. Je dois la retrouver. Rapidement. 

Du personnel soignant me dévisage surpris et appeuré. Ils prennent leurs jambes à leur cou. C'est ça, fuyez. J'hume l'air. Son odeur me guide. Tout comme notre connexion. Je ressens tout ce qu'elle ressent et elle est terrorisée. 

J'arrive devant une porte où l'odeur est plus forte. Je sens sa présence. Lui aussi. Je défonce la porte et fonce sur lui. Je l'attrape à la gorge et l'envoie valser de l'autre côté de la pièce. Je me place devant elle, prêt au combat. Il se relève le regard noir. Des boules d'énergie noires se forment dans ses mains, mais ça m'est égal. Je mourrais pour elle. Pour la protéger quoi qu'il arrive. Je rugis à en faire trembler les murs, alors que des hommes en treilli pénètrent dans la chambre me tenant joue. Il s'est calmé à leur entrée. Plus de boules d'énergie. Juste une colère sourde et le regard noir.

Avant que j'ai pu faire quoi que ce soit, une silhouette fine se place devant moi, comme un bouclier. Impossible. Elle est tellement menue. Et belle à en crever. Je me damnerai pour elle. Je grogne sourdement et l'attrape pour la ramener derrière moi. 

-Qu'est-ce que c'est que ce bordel? Hurle une voix connue. Lieutenant MacGregor, lâche le Commandant Miller surpris, qu'est-ce que vous foutez là?

Je grogne à nouveau, incapable de répondre. 

-Il agresse le personnel soignant, crache l'intrus de l'autre côté de la pièce.

-C'est faux, répond une magnifique voix derrière moi. Il est venu à mon secours parce que cet homme s'est jeté sur moi. Il m'a sauvée.

Le commandant nous scrute, surpris par la réponse apportée et par cette la voix mélodieuse qui lui a répondu. Il regarde l’autre comme s'il attendait une réponse de sa part. Un ordre? Putain, oui. Il attend des instructions.

-Mais enfin, qu’est-ce qui se passe ici?

Un inconnu entre, suivi de près par Parker.

-J'exige des explications Commandant Miller, assène l'inconnu furieux.

Nous sommes beaucoup trop nombreux dans cet espace réduit. Avec lui. Il pourrait s'en prendre à elle à n'importe quel moment et faire un carnage. Une irrésistible envie de la soulever et de l’emmener loin de tout me prend aux tripes. Mais je sais qu'il ne me laissera pas faire. Les risques sont trop importants pour tenter quoi que ce soit. Il engagerait un combat à mort sans se soucier des conséquences. Elle pourrait être gravement blessée ou pire. Hors de question de prendre ce risque. Nous sommes séparés depuis bien trop longtemps.

-Monsieur l'ambassadeur, nous essayons encore d'éclaircir la situation. Il semblerait que le lieutenant MacGregor vienne d'agresser un membre du personnel soignant.

Je cherche le regard de Parker. Lorsque nos regards se croisent, il comprend. Nous n'avons pas besoin de mots. 

-Faux. Totalement faux, père, argumente cette douce voix. Cet homme, poursuit-elle en désignant l'autre qui la fusille du regard, s'est jeté sur moi et a tenté de m'agresser. Le lieutenant MacGregor n'a fait que me défendre.

-Je souhaitais simplement vous ausculter, lâche l'autre, avant que le lieutenant n'entre en trombe, me saisisse à la gorge et me propulse contre le mur.

Je grogne face à son explication.

-M'ausculter? Raille-t-elle en se plaçant à mes côtés, en fourrant votre langue dans ma bouche et vos mains partout sur moi. Drôle de manière de procéder !

Face à l'attitude de plus en plus hostile de l'autre que je fixe en grognant, je tends mon bras devant elle et la remet doucement derrière moi, de peur que son opposition et sa résistance ne déchaîne sa rage.

Doucement, Parker avance vers moi, mains en l’air devant lui. J'hume l'air. Son odeur a changé. Il est différent. Il a quelque chose d’autre. Quelque chose sur lequel je n’arrive pas à mettre un nom. Mais avant que je n’ai le temps de faire le moindre mouvement, une douleur fulgurante me transperce la nuque, alors j'entends Parker et une voix douce hurlaient mon nom. 

Égypte, Le Caire 552 avant JC :

-Oh mon fils!

Je sens une tendre caresse sur mon visage et quelque chose de doux et humide à la fois.

-Osiris, mon amour, pourquoi est-ce qu'il ne revient pas à lui?

-Je l'ignore ma douce. Je l'ignore. Mais persévère, il est fort.

Je sens à nouveau l'humidité d'un linge que l'on passe avec délicatesse sur mon front et une chaleur irradie et se répand dans tout mon corps. C'est comme un baume réparateur. C'est doux et agréable.

J’ouvre doucement les yeux, mais la lumière est tellement aveuglante que je les referme aussitôt. Un sanglot de soulagement se fait entendre. 

-Mon fils, dit une voix douce avec soulagement. Enfin. 

Lentement, j’ouvre à nouveau les yeux. Ils papillonnent un moment, le temps de s'habituer à la clarté. Je croise un regard d'une beauté à coupe le souffle, d'un bleu céruléen, dont les larmes renforcent la profondeur. Petit à petit des traits fins, d'une douceur sans égale se dessinent devant moi. Un nez droit, des lèvres sur lesquelles s'étirent un sourire rassurant.

-Mon fils, j’ai eu tellement peur, me dit-elle.

Une silhouette masculine s'approche. Mais je la distingue mal.

-Notre fils est solide, ma douce Isis. C'est un guerrier. 

Je me redresse tant bien que mal. Bordel, j’ai comme l’impression qu’un troupeau d’éléphants m'ait passer dessus. Mais cette voix me paraît tellement familière et pourtant si lointaine. Des images me frappent avec violence. Mon père. Osiris. Sa mort. Ma douleur. Ma rage. Seth. Son attaque. Les souvenirs me submergent. Puissants. Violents. L'émotion me terrasse. Qu'est-ce que... 

Je relève la tête et crois rêver. Il est là, devant moi. Osiris, mon père... Impossible.

-Père, mais...

Je me retourne, perdu, vers celle que j'identifie comme étant ma mère. Mais comment est-ce possible ? J'ai un père et une mère dans la réalité que je n'ai pas vu depuis des mois. Je dois être en train de rêver. Ils ont dû me filer des trucs qui me font délirer.

Pourtant Osiris, mon père, est là devant moi et je ressens une joie démesurée, mais comment est-ce possible? 

-J'ai des hallucinations. Je vois père, soufflé-je abasourdi.

Un rire grave résonne. Celui de mon père, suivi d'un moins puissant, mais aussi familier, alors que ma mère sourit doucement.

-Tu n'hallucines pas, fils. Je suis bien là. Toujours mort, mais l'esprit bien vivant. Il ne faut jamais sous-estimer les pouvoirs de l'amour, lâche-t-il en regardant ma mère. Il m'était impossible de vous laisser en pareilles circonstances, poursuit-il plus grave. Seth n'arrêtera jamais. Il a perdu la raison. 

-Il est blessé. La trahison de notre sœur le fait souffrir, comme nous tous, murmure ma mère.

Des images me reviennent. Des souvenirs. Ma tante prenant l'apparence de ma mère pour séduire mon père. La jalousie déjà dévorante de mon oncle Seth à l'égard de mon père avant ça. Sa rage ensuite. La guerre. La mort de mon père. Sa souveraineté dans l'au-delà. Ok là, je crois que je suis en plein délire. Je me rallonge et ferme les yeux espérant me réveiller dans ce putain de lit d'hôpital.

-Seth a toujours été d'une jalousie maladive. Mais ce n'est pas la trahison de sa femme qui le guide ou encore sa jalousie. Non. C'est son orgueil blessé. Qu'elle ait choisi de le trahir. Et qu'elle l'ait fait pour être avec moi, ça le rend fou. Il ne s'arrêtera pas à cette attaque. Ce qu'il veut c'est sa revanche, pleine et entière. Il veut le trône. Et la mort d'Horus pour asseoir sa domination.

Je me relève soudainement à ces paroles. Oh putain, j'ai mal partout et ce foutu mal de crâne qui persiste. Les images se succèdent comme les souvenirs d'ailleurs. En est-ce vraiment? Le trône. Horus. Je fronce les sourcils. Tout est confus. Réalité? Fiction? Qu'est-ce que...

-Doucement mon frère. Le combat fût rude. Et notre oncle sans pitié. Même si mère fait des miracles, tu dois te reposer.

Mon frère? Euh, aux dernières nouvelles, je n’ai pas de frère. Je regarde tout autour de moi sans vraiment comprendre. Bordel de merde, mais où est-ce que je suis? 

Devant mon regard hagard, la femme qui me couve de ses yeux bleus bienveillants tente de me rassurer.

-Tu as été blessé mon fils. Sévèrement. En nous protégeant de ton oncle Seth. Mais tu es chez toi. Chez nous. Et par Osiris, tu vas mieux.

Mieux? Pas sûr ! J'ai clairement des hallucinations. Ou est-ce réel? Non, impossible.

-Tu connais mère, mon frère, elle s'est inquiétée, lâche en souriant un jeune homme proche de nous. Beaucoup trop comme chaque fois que ça touche ses fils, sourit-il.

-Cette guerre n'a que trop duré. Elle s'éternise depuis des millénaires et fait beaucoup trop de morts, lâche la femme dans un sanglot. Imentet est épuisée. Les âmes se présentent dans un flot ininterrompu. Heureusement qu'Hathor lui vient en aide.

-Isis, dit père en la prenant dans ses bras.

Il passe un bras autour de ses épaules et la conduit sur l’immense balcon qui fait face aux pyramides. L’homme qui prétend être mon frère s’approche un peu plus de moi. 

-Tu t’es vraiment battu vaillamment mon frère. Sans toi, nous serions morts. Mais il est absolument hors de question de laisser Seth prendre le pouvoir. Dès que tu iras mieux, nous devrons étudier toutes les options qui s'offrent à nous. Pour vaincre Seth. Et notre demi-frère par la même occasion.

-Demi-frère?

L’homme me regarde étrangement. Comme si je venais de lui dire quelque chose de dingue. Mais la situation m'échappe complètement.

-Anubis. Il faut vraiment que tu te repose et te rétablisses, mon frère. J’ai bien peur que ton esprit n’ait souffert plus que père ne le pense. Pourtant, j'ai tant besoin de toi à mes côtés.

-Mon esprit se porte à merveille. Et je serai là. Quoi qu'il m'en coûte, m'entends-je répondre. Cette guerre est aussi la mienne.

-Je ne voulais guère t’offenser en disant cela. Tout comme nos parents, j'ai craint de te perdre. Et sans toi à mes côtés, j'ignore si je pourrais prendre le dessus sur notre oncle et Anubis.

Je le regarde sérieusement, et plus je l'observe, plus je perçois son inquiétude pour moi. Pour l'avenir également. Le nôtre, mais aussi et surtout celui de l'humanité. Seth répandra mort et désolation si personne ne s'interpose. Avec Anubis dans son sillage, l'humanité est condamnée.

-Je vous dérange, nous interpelle une voix douce sui m'est familière.

Lorsque je me détourne de mon frère, deux magnifiques yeux me percutent. Elle. Dieu qu'elle est belle. Ma queue approuve et se met au garde à vous. Merde.

-Imentet. Non. Bien sûr que non. Comment vas-tu? Lui demande aimablement Horus.

-Epuisée, avoue-t-elle sans que nos regards ne se lâchent une seconde.

-Comment vas-tu? Me demande-t-elle alors qu'Horus s'éclipse sourire aux lèvres.

Aucun mot ne réussit à sortir de ma bouche. Je suis hypnotisé par ses yeux. Elle est d'une beauté à couper le souffle. Nom de dieu.

D'un coup, elle semble soucieuse. Mes sourcils se froncent.

-Anubis, lâche-t-elle comme si elle avait lu dans mes pensées. Outre son insistance en public, il se glisse dans ma chambre la nuit. Dans mon lit.

Bordel de merde.

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