Chapitre 13

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Seul...

J'étais seul face à Jack, laissé en pâture pour permettre à la belle de s'échapper. Un sacrifice que je n'avais pas vu venir et dont je me serais bien passé ! Je n'étais pas un héros et ne m'en cachais pas. Je vivais simplement, en croisant les doigts pour ne pas avoir à le démontrer.

Dans le pire des cas, je m'étais dit que Tania m'indiquerait la mauvaise direction. Mais jamais je n'aurais imaginé qu'elle puisse, de sang-froid, me laisser là, sans la moindre chance ! Quelle garce ! Si je m'en sortais, on allait avoir une petite discussion elle et moi.

Pour creuser un peu plus mon désespoir, la pluie s'abattit d'un coup. Le tonnerre déchira le ciel dans un éclair blanc aveuglant. Il n'y avait pas eu de décalage entre les deux : l'orage était sur nous ! Un véritable rideau d'eau tomba devant mes yeux que j'essuyais par réflexe, tout en sachant ce geste parfaitement inutile.

Je courais presque à l'aveuglette sous une douche glaciale. Moi qui avais terriblement soif, voir toute cette eau tomber sans pouvoir boire était un véritable supplice. Mais ce n'était rien comparé aux horreurs que me réservaient Jack. Qu'allait-il faire de moi ? Est-ce que Tania arriverait à prévenir les secours à temps ? Il fallait que je tienne jusque-là : elle était maintenant mon seul espoir...

  • John ! John, arrête-toi ! Je commence à en avoir marre de ce jeu du chat et de la souris, surtout qu'on sait très bien comment ça va finir. N'est-ce pas Mike ? Oh mince, j'oubliais, il ne peut plus parler !

Et Jack reparti dans un fou rire diabolique risible, qui se perdait dans le vacarme assourdissant de la pluie. J'étais glacé jusqu'aux os et ma mâchoire n'arrêtait pas de trembler, faisant claquer mes dents de façon incontrôlable. Si seulement j'avais emporté avec moi un des bâtons de Tania, j'aurais eu de quoi me défendre !

Le muret continuait inlassablement. Je ne pouvais tenter de l'escalader, car Jack me talonnait. Un point de côté refit surface. "C'est pas le moment !", lâchais-je pour moi-même. Il fallait à tout prix que j'arrive à sortir de la réserve !

Comme si ma prière avait été entendue, le muret s'effaça pour laisser place à l'entrée principale. Elle n'était faite que d'une vulgaire barrière en bois, pas plus haute que ma taille. Sans prendre le temps de ralentir, je sautais par-dessus... Ma condition sportive n'étant pas exemplaire, mon pied s'agrippa je ne sais comment à la barrière et je me rétamais par terre. "Merde !". Ma tête atterrit dans une flaque de boue, malgré mes mains posées, trop tardivement, de chaque côté de ma tête. Mes réflexes avec la fatigue, semblaient m'avoir eux aussi abandonné. Comme Tania !

Je me relevais avec peine quand quelque chose me sauta dessus.

  • Outch !
  • T'es aussi nul en sprint qu'en saut en hauteur à ce que je vois, ah ah !

Jack me plaquait la tête dans la boue et m'empêchait de respirer. Ses bras puissants ne me laissaient aucune possibilité. De l'air, il me fallait de l'air ! Je luttais avec mes dernières forces, c'est-à-dire pas grand-chose, sans résultat. Jack relâcha finalement sa prise et me regarda avec dégoût :

  • Pff, je n'appelle pas ça un combat. Allez, lève-toi et bats-toi !

Je m'exécutais quand Jack me flanqua un coup de pied dans l'estomac en riant. Le souffle coupé et la bile dans la bouche, je tombai à genoux, incapable de crier.

  • Regardez-moi ça ! Une vraie chiffe molle. Ta mère aurait dû t'abandonner après t'avoir mis au mo...

Ne le laissant pas finir, je bondis sur lui et le renversa. La colère avait réveillé un instinct combatif que je ne me connaissais pas. Il me repoussa violement, mais je revins à la charge - plus décidé que jamais - et je parvins à le maintenir à terre. Cette fois, j'avais le dessus, le plus dur serait de le garder. Il fallait que je tienne !

Ses gesticulations menaçaient à tout moment de faire pencher la balance de son côté. Mon regard tomba alors sur la machette qui était accrochée à sa ceinture. Si je voulais l'atteindre, ma main droite devrait, à elle seule, plaquer Jack. Je n'aurais pas la force nécessaire et je le savais. Mais je ne pouvais pas non plus rester comme ça indéfiniment. Je devais agir, maintenant !

C'est alors que Jack parvint à appuyer sur ma blessure à l'épaule. J'hurlais : la brûlure remonta dans mon bras jusqu'à me vriller le cerveau. Je reculais en me tenant le bras, la douleur lancinante ne diminuait pas. Jack en profita pour se saisir de sa machette.

  • Tu vas payer John. Pour tous !

Je ne comprenais rien à son charabia, mais je le laissais divaguer pour gagner du temps. Tania avait-elle déjà atteint les habitations ? Je répondis, réellement surpris :

  • Pour tous ?
  • Fait pas l'innocent, t'as l'air encore plus bête ! me lança-t-il, l'air hargneux.
  • Mais on ne se connait que depuis ce matin !
  • Ouais, mais nos parents se connaissaient !

Hébété, je restais sans voix. Que venaient faire mes parents dans cette folie ? Mon père ne vivait même plus avec nous... Et nous avions emménagé il y a seulement trois ans dans la région ? Il dut voir mon regard perplexe, car il poursuivit :

  • Ta mère a fait fermer notre boucherie familiale !

L'entendre employer le terme "boucherie" après ce qu'il avait fait à Mike, me glaça le sang. Mais au-delà de ça, je n'y comprenais toujours rien.

  • Pff, non mais faut vraiment tout t'expliquer ? Ta mère fait partie d'un comité luttant contre la violence faite aux animaux.
  • Oui, et ?
  • Et ils ont monté un complot contre mes parents et ont inventé de fausses preuves pour nous pousser à fermer boutique ! On a perdu le procès. Ta mère y a participé, tout comme le père de Mike. Vous êtes tous coupables !

Ma mère m'avait bien raconté une fois que le mouvement dont elle faisait partie, avait gagné "une bataille dans la lutte pour la protection des animaux", ou quelque chose dans ce genre. Mais je n'avais jamais cherché à en apprendre davantage, car ces histoires ne m'intéressaient pas vraiment. Je savais qu'elle s'était inscrite à ce comité pour suivre la mouvance actuelle et être bien vue de ses collègues. Si ce qu'elle défendait semblait juste, je connaissais la vraie raison de ses combats : gagner plus de bataille qu'elle n'avait réussit contre mon père.

Mais bref, Jack agissait de façon paranoïaque et dans une situation moins dangereuse, je lui aurais suggéré d'aller voir quelqu'un. Il s'agaçait de mon silence et voulait vraisemblablement poursuivre sa "tragédie familiale".

  • T'as perdu ta langue ?
  • Rien ne pourra justifier ce que tu as fait, Jack.

Je retins mon souffle de peur d'avoir été trop vindicatif : je ne savais pas comment il allait réagir.

  • Ah oui ? Et bien figure-toi que j'en ai de très bonnes. Après la fermeture de notre affaire, la police a soupçonné que mon père dealait. Sauf que c'est faux ! Il se servait juste de l'entrepôt pour cacher de la drogue.
  • Ah ouais... Je vois la nuance...
  • Joue pas au malin, ça te va pas. Bref, mon père a été arrêté, sauf qu'on devait de l'argent à beaucoup de personnes, notamment aux dealers !

Il parlait d'une voix forte, emplie d'émotion, avec une voix légèrement plus aiguë que d'ordinaire. Visiblement, cette histoire l'avait traumatisé, mais je me demandais s'il était déjà fou avant.

  • Ils ont tué mon père en prison, à coup... de brosse à dents dans le nez ! Il est mort d'hémorragie et les gardiens chargés de la sécurité ont étouffé l'affaire en parlant de "suicide".

Je réprimais difficilement mon dégoût. Je ne voulais pas en entendre davantage. J'avais horreur du gore.

  • Jack, ce que tu as vécu a dû...
  • Ta gueule ! Je m'en fous de ta compassion, et en plus j'ai pas fini ! Après ça, ma mère a commencé à ramener des mecs à la maison. Mais... ça ne suffisait pas pour l'argent : j'ai dû faire... des choses horribles !

Sa façon de chercher ses mots à chaque phrase paraissait étrange, surtout que son histoire à dormir debout paraissait plus que loufoque. Disait-il la vérité, ou venait-il d'inventer un bobard pour tenter de se justifier ? Je m'en fichais pas mal en fait, du moment qu'il me fasse gagner du temps.

La pluie s'était arrêtée depuis un moment et les nuages au-dessus de nous semblaient enfin vouloir bouger. Courage ! pensais-je pour moi-même.

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