Chapitre 11

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À bout de souffle, mon corps réclamait une pause. Juste après le décompte, Jack détala derrière nous. Il ne se cachait pas : il voulait en finir et vite. Mille questions s'entrechoquaient ; je ne parvenais pas à comprendre ! Avait-il un motif contre nous que j'ignorai ? Le fait qu'il puisse juste être fou m'apparaissait injuste : il devait forcément y avoir une raison, sinon, c'était moi qui allait devenir cinglé !

En reprenant mon souffle, j'observai rapidement les alentours. Nous n'avions que peu de temps devant nous, Jack nous suivait de près. Tania avait elle aussi du mal à respirer et regardait en arrière pour s'assurer de notre avance.

Notre course nous mena sur un sentier protégé. Un petit écriteau en bois indiquait que des espèces menacées vivaient ici, surtout des volatiles. Une grille délimitait le périmètre. Nous avions le choix : continuer sur le sentier principal au risque que Jack nous rattrape, ou nous cacher dans cette réserve naturelle.

  • John, regarde, il y a une cabane en bois, derrière !

Effectivement, à l'intérieur de l'enceinte, j'aperçus un abri en hauteur qui dépassait d'entre les feuilles. Les essences d'arbres y étaient différentes de la Pinède, pour maintenir la biodiversité. Là où les pins n'offraient qu'une mince couverture végétale, les feuillus permettraient potentiellement de nous cacher.

Sans plus attendre, j'aidai Tania à grimper par-dessus le grillage. C'était dur, car j'avais beau la pousser vers le haut de toutes mes forces, elle n'avait aucune prise, tant le grillage était resserré. Je dus la prendre sur mes épaules pour la faire passer de l'autre côté. Elle sauta courageusement à terre et retomba agilement sur ses jambes fléchies.

À peine toucha-t-elle le sol, que déjà, un bruit de course nous parvint. Livide, je compris que je n'aurais pas la même chance que Tania...

  • Cours te cacher ! Je vais essayer de trouver une autre entrée !

Elle ne demanda pas son reste et détala immédiatement. Déconcerté de ne pas à avoir à argumenter plus, je me mis néanmoins à courir également. La peur décuplait mes forces et je piquais un nouveau sprint. Mais jusqu'à quand ? Je ne comptais plus les points de côté et mes baskets me faisaient affreusement souffrir. N'étant pas un grand sportif, je ne changeais que très rarement mes chaussures de sport : celles-ci étaient trop petites ! Je devais rejoindre Tania au plus vite...

Après un virage, le grillage se transformait en petit muret. Prenant mon élan, je sautai bras tendu dessus et tentait de me hisser. Mais mes muscles, trop peu développés, n'arrivèrent pas à me soulever. J'entendais nettement la course de Jack qui serait sur moi en un rien de temps. Seul le virage, que je venais de dépasser, me dissimulait de son champ de vision. Je renouvelais l'expérience, la peur au ventre. Allez, encore un effort !

Je pris un deuxième élan et sautai le plus haut possible pour me donner une meilleure prise sur le muret. Cette fois, je parvins à me hisser. Je fis passer ma jambe gauche d'abord, quand une main m'agrippa violemment mon autre jambe ! Je poussai un cri de surprise.

  • Salut John. Je t'ai manqué peut-être ?

Jack avait un regard glacial. Rien à voir avec le numéro de théâtre que nous avait joué Tania, quelques instants plutôt. Il parlait d'une voix calme et posée, la même que celle avec laquelle il s'était présenté. C'était très déconcertant, car il ne semblait pas souffrir d'une quelconque schizophrénie. Sa main retenait toujours ma jambe et resserrait son emprise à chaque fois que j'essayais de l'enlever.

  • Lâche-moi, sale taré !

Je lui décochai un coup de pied une fois ma jambe libérée. Il recula en titubant, car il avait reçu le coup dans le thorax, ce qui coupa momentanément sa respiration. Il jura entre deux toux et me lança froidement :

  • Tu le regretteras John ! Je te tuerais en dernier, lentement, en prenant tout mon temps.

Mais déjà j'avais sauté à terre et m'élançai vers la cabane. Je l'aperçus vite et fus soulagé de constater qu'une échelle permettait d'y accéder. Je grimpais rapidement et atteignis le sommet. Tania m'y attendait ; elle m'avait observé depuis ce refuge.

  • Il ne t'a pas suivi ? Dis-moi qu'il ne nous trouvera pas !
  • Non, je l'ai laissé derrière le muret. Mais il m'a vu passer de l'autre côté...

Tania était en état de choc, au bord de la crise de nerfs. Mais pendant ma courte absence, elle n'était pas restée inactive. Elle avait ramassé deux branches robustes qu'elle taillait activement avec une grosse pierre. L'une d'elles avait déjà un embout aiguisé. Malgré son angoisse, elle était beaucoup plus réactive que moi.

Après le premier choc de la vue de Jack "gisant" au sol, et maintenant, l'image bien réelle de celle de Mike, je n'arrivais plus à ordonner mes idées. Dès que je fermais les yeux, l'expression de son regard sans vie me revenait sans cesse. Rien ne pourrait l'effacer : ses yeux exorbités resteraient à jamais gravés et hanteraient mes nuits.

Je sortis frénétiquement mon portable et l'allumais. Une seule barre, qui devait déjà être bien entamée, puisque j'avais reçu deux alertes batteries. Dépité, je restais bloqué sur l'autre symbole qui ne s'actualisait pas.

  • J'ai pas de réseau...
  • T'as essayé l'appel d'urgence ?!

Son ton pressant et condescendant m'énerva profondément :

  • Je ne suis pas stupide, Tania !

Je n'étais pas très convaincant, car j'avais quand même cru à sa "blague". Mais la colère que je n'avais pu exprimer, à cause des événements, sortait maintenant. Je poursuivis, en essayant de radoucir mon ton :

  • J'ai essayé l'appel d'urgence, ça ne marche pas ! Il faut qu'il y ait au moins un opérateur qui couvre la zone.
  • C'est pas vrai ! Tu vas me faire croire qu'il n'y en a pas au moins un dans cette fichue Pinède ?

Tout en me tendant le premier bâton pointu, elle me demanda de passer par la 4G.

  • Ben... j'ai pas...
  • La 3G sinon.
  • J'ai pas Internet Tania ! Ma mère ne veut pas payer pour rie...
  • Mais je suis tombée sur la poisse en personne, ce n'est pas possible ! Qui n'a pas Internet de nos jours ?
  • Ne me fais pas de morale s'il te plait ! Moi au moins, la 4G ne m'a pas bouffé toute ma batterie ! Tu es aussi fautive que moi. Et puis, il ne t'est pas venu à l'esprit que ça pouvait coûter cher, par hasard ?

Si l'échange avait été houleux, nous n'avions pas pour autant élevé la voix. Jack avait à tout moment pu escalader le muret, même moi j''y étais arrivé ! Nous devions rester discrets.

Soudain, sa voix retentit :

  • Vraiment, une cabane ? Vous ne pouviez pas trouver plus discret ? Même Mike blessé s'est débrouillé pour que sa cachette soit difficile.

Mes cheveux se dressèrent sur la tête et mon sang ne fit qu'un tour ; regardant Tania, je n'osais plus bouger.

  • On n'aurait jamais dû monter ! me souffla-t-elle paniquée.

Jack prenait son temps. Il devait sûrement être arrivé en dessous de nous, mais on ne l'entendait plus. Stressés et nos sens en alerte, nous attendîmes la suite. Que pouvions-nous faire ? Tania allait se pencher pour voir, mais je l'en empêchais vivement. Jack aurait très bien pu la blesser avec un caillou ou je ne sais quoi. Elle se ravisa, prit sa lance improvisée, maintenant terminé, et la pointa vers l'entrée.

Tchoc, tchoc...

Notre observatoire vacilla d'un coup. Hébété, je ne comprenais que trop tard que Jack s'attaquait au poteau en bois retenant la cabane.

Cette fois, nous nous penchâmes : Jack se servait d'une énorme machette de boucher pour tailler de biais le poteau avec une efficacité exemplaire. Il releva la tête et nous décocha un sourire carnassier.

  • Jack, pourquoi fais-tu ça ? lançais-je. On ne t'as rien fait ! Mike non plus... et tu l'as...
  • Tué. Oui j'ai mis fin à sa misérable vie et je mettrais bientôt fin à la vôtre. Il n'y a pas de quoi discuter pendant une heure.

J'étais choqué. Il pensait vraiment ce qu'il disait et n'avait pas l'air de transpirer la démence. Si on enlevait sa machette, j'avais l'air beaucoup plus dérangé en cet instant qu'il ne l'était. Mes cheveux en bataille, mes yeux cernés et ma bouche pâteuse, contrastaient avec son attitude posée et son costume impeccable. Tania n'était pas mieux. Elle avait attaché grossièrement ses cheveux en queue de cheval qu'elle resserrait très souvent, car de nombreuses mèches en dépassaient. Son sang semblait avoir quitté son visage tant ce dernier était pâle et elle n'arrêtait pas de bouger de tous les côtés.

Tchoc, Tchoc, Crr, Tchoc. La cabane allait bientôt céder sous notre poids à cause de l'entaille qui s'agrandissait dangereusement. Une idée me traversa l'esprit, mais on ne devait pas rater notre coup.

  • Tu es forte en javelot ? lançais-je.
  • Hein ?
  • On a une chance de le frapper avec ce bâton ! Si on le rate, il nous restera toujours le tien.

Elle n'hésita pas une seconde, s'empara de mon arme et visa Jack. Celui-ci pivota sur lui-même et évita de justesse d'être empalé. Son bras, effleuré, avait néanmoins une légère blessure. Jack pesta de douleur et, perdant son calme, abattit un énième coup de machette. Le bruit sec fut différent des autres. Il assena alors un coup de pied juste au-dessus de l'entaille. Crrraaaack !

Le poteau céda ! Tania me prit la main et, pétrifiés, nous regardâmes impuissant notre habitacle pencher à la verticale, pour finalement, s'écraser au sol...

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