Chapitre 9

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Je n'avais rien senti. Étais-je mort ? Une brise légère me fit frissonner. J'ouvrais les yeux. Tania me regardait, fière d'elle, un sourire moqueur aux lèvres.

  • Bienvenue au Paradis, dit-elle en riant gentiment.

Sa voix lumineuse et claire n'avait rien à voir avec toutes celles qu'elle avait eu jusqu'à présent. Calme et bienveillante, elle guettait ma réaction.
Qu'est-ce que cela signifiait ? Je n'étais sûr que d'une chose : je n'étais pas mort ! Comme pour m'en assurer je passais mes mains sur mes bras et mon corps. J'étais bel et bien là ! J'étais V-I-V-A-N-T !

Je respirai goulûment une bouffée d'air pour reprendre mes esprits. Je ne comprenais rien à la situation, mais en cet instant, cela n'avait pas d'importance. Le fait de respirer passait avant les innombrables questions qui suivraient.

Elle reprit doucement, me sortant ainsi de ma rêverie :

  • John, c'était... une blague...

Je la regardais sans comprendre. Voyant mon incompréhension flagrante elle continua :

  • C'était pour rire. C'est pas un vrai ! Elle agitait le flingue devant moi.

Comme elle s'approchait pour me le montrer je reculais instinctivement et me tint à l'écart. Était-ce encore un de ses jeux grotesques ? Gagner ma confiance pour prendre plaisir à me tuer par la suite ?

  • John, c'est une réplique, il n'y a jamais eu de balle et Jack est vivant ! C'était une farce. On en fait tous les ans dans des écoles différentes pour fêter Halloween. Mais cette fois je dois avouer que c'était beaucoup plus abouti...

Je marquais un temps d'arrêt. Mon expression, à ce moment-là, devait vraiment être drôle, car elle se retint visiblement de rire. Tout se bousculait dans ma tête et je revoyais le début de notre rencontre en essayant de comprendre. Un détail m'empêchait d'y croire :

  • Et la mare de sang ? répliquais-je. Elle m'a semblé bien réelle !

Ce n'était pas du faux sang comme on en trouve dans un magasin de farces. Ma méfiance ne diminuait pas. Je me souvenais clairement de ce liquide rouge bordeaux qui s'élargissait sur le sol.

  • C'ÉTAIT du sang. Les parents de Jack sont bouchers, enfin étaient... Il a insisté pour prendre du sang de bœuf. On a juste eu à remplacer le contenu de la poche achetée en magasin par du sang d'animal. Il voulait que ça "fasse vrai".

Comme je ne disais rien, elle poursuivit :

  • Ensuite je n'ai eu qu'à tirer avec ce pistolet à pétard et il s'est écroulé en écrasant la poche sous lui. Tu as bien vu, je n'ai même pas chargé le flingue devant vous. Et Jack était de dos afin que vous ne puissiez pas voir qu'il sortait la poche.

Me remémorant la scène choquante qui s'était déroulée un peu plus tôt dans la matinée, je ne pus que reconnaître que cela tenait la route. En y réfléchissant bien, Jack avait bien fait un mouvement avant que Tania ne tire. Mais cela n’expliquait pas tout.

  • Et tes mains gelées ?
  • Ah ! Ça c'était mon idée. J'ai laissé mes mains dans une pochette de glaçons et elles étaient encore froides quand je t'ai pris le bras. Elle paraissait fière d'elle. Tu as cru que... ?

Elle me regardait sans finir sa phrase, un léger sourire moqueur aux coins des lèvres. Honteux et les joues en feu, je ne lui avouais pas que le paranormal m'avait un instant traversé l'esprit. Pour passer ma gêne, je demandais :

  • Et Mike ? Il faisait parti de tout ça ? Pourquoi se serait-il blessé dans ce cas ?

Cette fois, elle parut sincèrement surprise et l'inquiétude se lisait sur son visage :

  • Blessé ? Comment ? Non, non, il n'était pas au courant non plus. Comment est-ce arrivé ?
  • À ton avis ! On était vraiment mort de peur Tania, enfin, si c'est ton vrai nom ! On courait, il a trébuché et il s'est empalé sur un morceau de bois.

Raconté en accéléré comme cela, la situation était quelque peu comique, et la gêne grandissante s'installait peu à peu dans la discussion.

  • Je... Je suis vraiment navrée, il faut vite le retrouver !

C'était elle maintenant qui était honteuse, elle regardait le sol en s’excusant :

  • Je suis sincèrement désolée... Et, oui, Tania c'est mon vrai nom.


Je bouillais de colère. Une blague ! Non mais je devais rêver ! Qui était assez dérangé pour avoir ce sens de l'humour ? Et elle osait me demander comment Mike avait pu se blesser ? C'était la meilleure. Je me demandais comment il réagirait en apprenant que c'était un canular.

  • Et Jack il est où en ce moment ? Pendant tout ce temps il observait en riant c'est ça ? Il a bien dû voir que Mike saignait !

Je la regardais d'un air accusateur et ma voix tremblait. J'étais sur le point d'exploser. Trop. S'en était trop. J'étais passé par presque tous les stades de sentiments en une matinée, de la peur, à la résignation de mourir. Et là on m'apprenait que tout ça n'était qu'une mascarade de collégiens à l'esprit tordu, qui s'amusaient chaque année à traumatiser d'autres élèves « juste pour rire ».

  • Jack était censé rester caché pour faire durer la blague.

Elle parlait le nez toujours baissé, comprenant que leur farce était allée beaucoup trop loin.

  • Quand vous êtes partis en courant, il s'est relevé et vous a suivis pour que je puisse faire le décompte tout en sachant où vous étiez. Il m'a ensuite envoyé un texto pour m'indiquer votre emplacement. Vu qu'on connaît bien cette Pinède, ça n'a pas été difficile de vous trouver. Après, on s'est séparé pour s'assurer de la réussite du canular.

Elle se passa une main dans les cheveux, les secouant légèrement et soupira. Elle marqua une pause comme pour se remémorer tout ce qui venait de se passer.

  • C'était... stupide. D'habitude ça se passe plutôt bien. Mais cette fois, Jack a voulu que ce soit vraiment réaliste. Il en était presque pénible. C'est lui qui a eu l'idée de se faire passer pour mort. C'est aller trop loin ; Mike n'aurait jamais dû être blessé... On va sûrement avoir des ennuis à cause de ça.
  • Et ça sera bien mérité !

Je n'avais pas pu retenir ma pensée. Mais c'était vrai, ils l'avaient bien cherché. J'espérais sincèrement que ça leur servirait de leçon. Elle acquiesça tristement, comprenant la gravité de la situation. Alors qu'elle me tendait mon téléphone, je demandais :

  • Tu as essayé d’appeler Jack sur son portable ?
  • Oui, plusieurs fois même, mais il ne me répond pas. Il n'a peut-être plus de batterie, se hasarda-t-elle.
  • Ou de réseau.
  • Bon, allons trouver Mike. Le pauvre doit être mort de peur... Je ne voulais en aucun cas qu'il se blesse, tu sais John... C'était juste une blague.

Elle paraissait vraiment confuse et triturait nerveusement une de ses longues mèches de cheveux.

  • Tu ne sais vraiment pas où il est ?

Je secouais la tête négativement. La dernière fois qu'on s'était séparé, on avait convenu qu'il ne bougerait pas d'ici. Mais en revenant sur nos pas, nous ne l'avions pas vu. La possibilité que je me sois trompé de chemin n'était certes pas à exclure, mais j'étais pourtant sûr d'avoir pris l'exact trajet inverse. Nous aurions dû le trouver à cet emplacement. Les branchages étaient comme pliés sous le poids de quelqu'un qui s'était tenu là.

Une pointe d’appréhension commençait à grandir en moi. Où-était-il ? Me rappelant maintenant qu'il n'y avait pas de danger, je portais mes mains en coupe et criais son nom de toutes mes forces. Tania se joignit à moi :

  • MIKE !

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