Chapitre 7

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Une pie s'envola dans un battement d'aile qui me fit sursauter. Le bâton serré dans mes mains, je me concentrais sur mon objectif. Focalisé sur les bruits, je guettais le moindre indice qu'aurait pu me laisser Mike, témoignant ainsi qu'il serait toujours en vie !

La bouche sèche, je scrutais les environs. Où pouvait-il bien être ? Il ne pouvait même pas se lever seul tout à l'heure. Mike n'était donc pas parti sans l'aide de quelqu'un, ou sans Tania ! Pourvu qu'elle ne lui ait rien fait !

Reste calme. En effet, si j’avais bien appris une chose sur cette fille, c'est que depuis le début elle prenait un malin plaisir à me voir souffrir, impuissant. Du coup elle ne ferait sûrement rien à Mike en mon absence. Mais je n'étais quand même pas rassuré. Je devais le retrouver et vite.

La forêt me paraissait de plus en plus oppressante. Les arbres s'étaient comme resserrés et je progressais péniblement à travers les fougères. Je ne pouvais pas prendre le sentier bien tracé : Tania m'y guetterait sûrement. Je coupais donc à travers ce sous-bois épais et dense.

Je me servais du bâton pour me frayer un chemin, en prenant garde au moindre bruit. C'était difficile, car les aiguilles des pins jonchaient le sol et mes baskets crissaient en passant dessus. J'avançais néanmoins prudemment, en essayant de chasser mes mauvaises pensées qui minaient mon moral. L'idée d'être le dernier survivant me glaçait le sang ; ce n'était pas envisageable. Tiens bon Mike, j'arrive !

Les fougères n'étaient pas mon seul ralentisseur, il y avait ici et là des petits buissons épineux qui m’empêchaient de voir derrière eux. Pour couronner le tout, ma gorge en feu me criait de lui donner de l'eau et j'avais du mal à avaler ma propre salive depuis notre sprint. Les dernières gouttes avaient disparu avec le garrot de Mike, pour tenter de ralentir son hémorragie. Je regrettais amèrement de ne pas avoir pris une gorgée à ce moment-là. Heureusement, la pinède ombragée et les épais nuages garantissaient une température acceptable, bien qu'humide.

Autour de moi, le décor semblait le même et j'avais peur de ne pas retrouver le départ. Où était l'arrivée de cette fichue course ? Nous n'avions croisé aucun panneau pour les promeneurs depuis que cette folle nous avait guidés ici. Et de toute façon, ce n'était pas dans le sentier hors-piste que j'allais en trouver.

Soudain, un craquement retentit sur ma gauche. Je me stoppais net et levai le bâton, comme pour donner un coup à quelqu'un ou frapper une balle invisible. Je n'avais aucune visibilité et ne savais d'où venait le bruit car le sous-bois était trop dense.
Je me risquais à faire un pas de plus quand quelque chose m’agrippa la jambe.

Oubliant toute précaution, j'hurlais comme un fou. Une main sortait des buissons et retenait mon pied. Sans réfléchir, j'abattis le morceau de bois dessus de toutes mes forces.
« Aie ! » Je reconnu de suite le timbre de voix fluet : c'était Mike !

Je lâchais mon bâton et lui portais secours. Ce ne fut pas chose facile de le sortir de là, car les buissons piquaient de leurs feuilles en formes d'aiguilles. De plus, il n'arrivait pas à se hisser tout seul à cause de sa jambe. Comment avait-il réussit à arriver jusque-là ? Chaque chose en son temps. Ce qui était impératif, c'était de nous cacher rapidement ailleurs, car les bruits avaient dû alerter Tania. Chaque seconde que nous passions ici la rapprochait de nous.

  • John c'est toi ? Il posait la question tout en me dévisageant, mais c'était plus pour se persuader que j'étais vraiment là. Il avait dû avoir très peur tout seul, sans pouvoir fuir...

On se prit dans les bras. Je me sentais à la fois soulagé qu'il soit en vie et heureux de ne plus être seul. Cela m'avait reboosté le moral.

  • Tu as trouvé du bois pour mon atèle ?

Pris sur le vif, je ne répondis pas de suite et feignais d'avoir entendu du bruit pour qu'il se taise. Je n'en étais pas fier du tout. L'atèle ! J'avais complètement oublié l'atèle ! Après la disparition de Mike, j'avais tout laissé tomber pour le retrouver, en oubliant ce pourquoi j'étais parti à la base. Ma tête bouillonnait et j'avais toujours du mal à respirer. Comment avais-je pu être aussi stupide ?

Je bredouillais, honteux :

  • J'en ai trouvé... mais quand je suis revenu, tu n'étais plus là. Je... J'ai paniqué et suis parti directement à ta recherche. Je t'ai entendu crier !
  • Juste après que tu m'aies laissé, j'ai entendu des bruits et j'ai rampé jusqu'ici. Tania nous a appelés en riant, mais je n'ai pas répondu. Je me suis caché dans ces buissons, car même s'ils piquent, j'étais à l’abri. Ce n'est qu'ensuite que j'ai réalisé que tu essayerais de me retrouver et que je ne pourrais pas crier... Désolé de t'avoir agrippé le pied. J'avais tellement peur que tu ne me retrouve pas !
  • Ne t'en fait pas. On va s'en sortir. Mais pour ça, on doit bouger, et vite ! Nous avons trop traîné ici. La fin de la course ne devrait plus tarder et on s'apercevra forcement de notre absence.
  • Et Tania ? Elle est toujours dans les parages, comment allons-nous lui échapper ? Je ne suis pas en état de courir et je n'irais pas loin sans atèle !

Il y avait une pointe de reproche dans sa voix, mais je ne pouvais pas lui en vouloir. Il avait raison. Et le pire, c'est que je n'avais aucune idée pour nous sortir de cette pinède vivants.
Il fallait rester méthodique : Mike ne pouvait pas marcher sans atèle. Donc la première chose à faire, si nous voulions bouger, était de trouver des branches à nouveau. Cette fois, je ne ferais pas la même erreur et resterais proche de Mike.

Je me levai donc tout en m'assurant que Tania n'était pas là et je fouillais le sol du regard. Mais les fougères gênaient ma vue. J'en arrachais quelques-unes et plongeais ma main à l'aveuglette. Lorsque l'on ne voit pas on dit que nos autres sens s'éveillent, et dans mon cas, c'était celui du toucher. Sauf que j'aurais mille fois préféré voir sans toucher !

Mes doigts rencontraient des insectes rugueux ou mous, et d'autres choses que je ne pouvais reconnaître. Je manquais de crier au contact d'une limace. Mais à part la vie animale qui grouillait la dessous et les aiguilles de pins qui recouvraient tout le sol, il n'y avait pas de morceau de bois. Désespéré, je me retrouvais dans la même situation que tout à l'heure. Je vivais un cauchemar éveillé ! Il fallait changer de tactique et devancer Tania.

C'est là que je pris une folle décision : j'allais trouver moi-même Tania. Apparemment, elle avait l'air depuis le début de jouer à un jeu, certes sadique, mais un jeu quand même. Il fallait juste en trouver les règles pour la piéger à son tour. La prendre de court avec l'effet de surprise semblait être une bonne tentative, surtout dans l'état de Mike. De toute façon, elle ne nous lâcherait pas.

Je fis part de mon plan à Mike, dont les yeux s'agrandirent.

  • Mais tu es devenu fou ? Elle va te descendre ! Comme pour...

Ne le laissant pas finir, je le coupai sec :

  • Je connais les risques ! Crois-moi, c'est la meilleure chose à faire, surtout dans ton état. Il ne t'arrivera rien, je te le promets. Tu resteras caché jusqu'à ce que les secours viennent, d'accord ?

Il avait détourné le regard, mais finit par acquiescer, silencieusement.

  • D'accord, mais sois prudent, tu sais de quoi est capable cette folle.
  • Promis.

Je regrettais de lui avoir dit mon plan, car ces paroles avaient comme zébré tout mon courage. Les failles de la peur se frayèrent un chemin en moi et je devais me concentrer pour ne pas fondre en larmes.

Bien sûr que je connaissais les risques ! La vraie question était plutôt : est-ce que j'étais prêt à les prendre ? En sachant que l'un d'eux était la mort...

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