Chapitre 6

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Tania se rapprochait inéluctablement, je pouvais clairement entendre ses pas, crissant sur le sol recouvert d'épines de pins. Essuyant mes larmes d'un revers de main j'essayais de garder mon sang froid. Que faire ? Je me sentais perdu et abandonné. Pendant une fraction de seconde j'aurais voulu être à la place de Mike pour éviter de prendre une décision. Mais, en le voyant infirme à ce point, je délaissais bien vite ce souhait.

J'inspirais à fond puis tirai d'un coup sec et sortit le bâton de sa jambe. À mon grand étonnement et soulagement, Mike vira de couleur mais ne fit aucun bruit. Lorsque je lui enlevais le paquet de la bouche, je vis ses traces de dents qui avaient perforé les mouchoirs. Il me remercia du regard, mais ne parvint pas à émettre de son. J'improvisais rapidement un garrot avec le tissu le plus propre restant et serrait le nœud. Passant son bras autour de mon cou, je le hissais comme je pus pour nous mettre à l’abri. Je pris alors conscience du poids de Mike, qui n'était pas négligeable.
Je peinais à le déplacer. En plus, à cause de sa douleur, il se cramponnait à mon épaule jusqu'aux os ! Je lui aurais bien demandé de desserrer sa prise, mais mon esprit était ailleurs.


Tania n'avait pas dû nous entendre car elle pestait un peu plus loin sur la gauche en fouillant activement le sous-bois. J’allongeais Mike sur le sol et, prudemment, j’arrachai quelques fougères et les dispersai sur lui de façon naturelle et hétérogène. Il ne fallait pas qu'un amoncellement artificiel et grossier attire l'attention de Tania.

Je chuchotais à Mike :

  • Ne bouge pas de là – comme s'il (le) pouvait – je vais chercher de quoi te faire une atèle.
  • D'accord – comme s'il pouvait ne pas l’être – mais dépêche-toi je t'en supplie, je n'ai pas envie de rester seul avec elle !
  • Promis !

Ce dialogue me donnait la migraine, il n'avait servi qu'à annoncer des choses futiles et m'avait gâché un temps très précieux. D'un autre côté je me voyais mal partir sans le prévenir.

Je me glissais alors silencieusement sur la droite, à demi accroupi, cherchant désespérément du regard des morceaux de bois assez grands et robustes pour fabriquer l’atèle. Ne trouvant rien de solide, je changeai de lieu et m'éloignais progressivement de Mike. Fichue pinède ! Me sentant un peu moins en danger, je m'autorisais une nouvelle analyse de la situation.

Pourquoi étais-je parti en réalité ? Était-ce réellement pour la jambe de Mike ? Ou bien la raison était-elle moins glorieuse ? Après tout, j'aurais aussi bien pu le prendre avec moi. Mais j'avais peur, à juste titre, qu'il me ralentisse. Une fois de plus mon instinct de survie m'ordonnait de courir un dernier sprint...

Non ! Et comme pour ancrer ma décision dans la réalité, j'attrapais fermement un bout de bois, puis un autre, jusqu'à avoir un petit fagot. Déchirant un morceau de mon t-shirt, je l'enroulais rapidement en cordelette fine pour lier les bouts entre eux. Il ne me restait plus qu'à revenir auprès de Mike pour les lui attacher à sa jambe.

Mais alors que je revenais sur mes pas, un cri de douleur retentit. Je reconnu la voix de Mike ! Je couru par réflexe, puis, me remémorant la mort de Jack, je me stoppais net et tendis l'oreille. Tania attendrait sûrement que je revienne. Ou bien, vu que Mike venait de crier, elle déciderait de venir me chercher.

Tremblant de tout mon corps, j'essayais de garder ma respiration constante. Surtout : pas d'affolement ! Mais une question me hantait ; était-ce le dernier cri de Mike ? Était-il lui aussi… Ce n'était pas envisageable. Je n'avais rien pu faire pour Jack, je n'allais pas une fois de plus laisser un de mes compagnons mourir ! Elle avait sûrement dû le relever brutalement, sans savoir qu'il était blessé. Oui mais dans ce cas, pourquoi ne l'entendais-je pas, elle qui s'esclaffait dès que l'un de nous souffrait ? Une chose était sûre : elle n'avait pas utilisé son flingue, aucun bruit n'avait précédé le cri.


Un léger craquement se fit entendre derrière moi. Je me jetai à terre par réflexe, les mains sur la tête. J'attendis environs une minute avant d'oser me relever pour me rendre compte que ce ne devait être qu'un animal, car il n'y avait rien. Pas de rires, pas de tarée avec son flingue, pas même Mike... Où était-il ? Il n'avait pas le droit de m'abandonner ! Je me sentais affreusement coupable. Il m'avait demandé de ne pas le laisser seul trop longtemps, et moi, je m'étais laissé aller à des réflexions pseudo-phsycanalytiques ! Il était peut être mort par ma faute en cet instant ! Je devais arrêter cette furie sur le champ. Je repensais à la première impression qu'elle m'avait faite. Ah, j'étais beau à voir ! Complètement sous l'emprise de son charme, j'avais refusé de suivre mon instinct ! Mais qui aurait pu soupçonner que sous ce joli décolleté se cachait un 9 millimètres ?

Trêve de réflexion, je devais trouver la folle pour retrouver Mike. Me relevant avec précaution, je prêtai à nouveau l'oreille. Il me fallait une arme moi aussi. Je devais la contourner et frapper cette cinglée au bon moment pour lui remettre les idées en place.

Je trouvais un bâton à ma taille. Galvanisé par ce morceau de bois à moitié pourri, mon assurance me revint peu à peu. Si bien que je ne prêtais plus trop attention au bruit que je pouvais faire. C'était simple en fait, il suffisait que j’abatte ce bâton sur elle... Cela faisait beaucoup de suppositions. Et plus j'y pensais, plus je me rendais compte que j'avais vraiment peur. Je n'aurais qu'une chance. Une seule ! Sinon, c'était finit pour moi. Je n'avais pas le droit d’échouer et surtout, je n'en avais pas envie.

Réfléchi à un plan ! C'est vrai que je ne pouvais quand même pas me ramener en face d'elle avec pour seule défense ce vulgaire morceau de bois ! Tania avait une arme à feu et savait viser, bien que Jack se tenait juste à deux pas quand elle avait tiré. Avec un peu de chance, elle raterait ses tirs si je maintenais une certaine distance. Mais comme je le disais, cela restait à prouver, et je ne désirais pas vérifier ma théorie.

Ce fut donc d'un pas moins assuré que je m'avançais dans la pinède dans l'espoir de retrouver Mike.

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