Chapitre 4

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Combien de temps s'était écoulé depuis le début de la course ? Je n'aurais su le dire. Mike et moi n'avions pas compté les secondes qui nous séparaient de Tania. Cela nous aurait inutilement ralentis.

La peur décuplait mes forces. Mike était un peu derrière moi mais je regardais droit devant pour ne pas trébucher. Si l'un de nous tombait, l'autre ne l’attendrait pas. Et même si pour le moment mon souffle semblait illimité, je savais très bien qu'il me serait impossible de reprendre le même rythme effréné après m'être arrêté. À tout moment, l'adrénaline pouvait me quitter, mes muscles me lâcher et les nausées s'emparer de moi.

Hors de question ! Je devais continuer coûte que coûte et distancer le plus possible Tania, sachant que tôt ou tard je m’arrêterais fatalement, faute d'endurance.
Et puis, de toutes les manières, Mike faisait tellement de bruit en respirant que je n'avais pas besoin de me retourner. On aurait dit une véritable machine à vapeur. Si ça se trouve il était asthmatique ! Il ne manquait plus que ça ; je serais peut-être obligé de l'abandonner pour ma propre survie.

Pendant cette course infernale, mon cerveau bouillonnait, analysant minutieusement les enjeux, le terrain ainsi que mes chances de survie. Puis, par acquit de conscience, j'examinais nos chances à deux.

Pour ce qui était des enjeux, ce n'était pas très difficile : il s'agissait de nos vies. L'idée de ne plus revoir ma mère et les êtres qui m'étaient chers me faisait froid dans le dos. Mais j'avais surtout peur de la douleur. Jack n'avait certes pas gémi puisqu'il était mort sur le coup. Ces idées morbides ne me rassuraient pas. Quant à la situation, pour rester le plus objectif possible, une folle nous talonnait avec un 9 millimètres, prête à nous flinguer à vue.

J'avais également peur que Mike meurt. Non pas que je pensais avoir plus de chances que lui, quoi que... Mais parce que je savais que mon cerveau serait incapable de subir une deuxième mort sous mes yeux. De plus, personne d'autre ne comprendrait mon traumatisme. Et je risquais de me retrouver en asile, seul, pour le restant de mes jours. Car ma mère, malgré tout son amour, ne pourrait pas m'aider. Telle s'avérait être la triste vérité.

« Arrête tes conneries et ressaisis-toi ! » je ne devais pas flancher et broyer du noir. Pas encore ! On devait forcément se rapprocher de l'arrivée et on finirait bien par tomber sur des gens. J'examinai alors machinalement le terrain. Mon cerveau avait réussi à isoler ma peur, qui aurait pu me paralyser, et analysait rationnellement la situation.

Nous étions dans la pinède qui bordait le collège. Soit, mais encore ? De cette pinède – je regrettais amèrement toutes les fois où j'avais décliné les ballades avec ma mère – je ne connaissais que le parcours du milieu, mon choix habituel pour le cross annuel. Mais comme vous avez pu le constater, je m'ennuyais fortement et n'avais qu'une hâte : finir le plus vite. Du coup, je n'y avais jamais prêté réellement attention.

Les nuages, maintenant bien noirs, s'accumulaient au-dessus de la cime des arbres. L'air chaud du mois d'octobre était toujours aussi chargé d'humidité, rendant notre respiration plus difficile, trempant d'autant plus nos vêtements. Nos pas résonnaient sur le sol dur couvert d'épines de pins, achevant ainsi de faire fuir le moindre petit rongeur.

Mon souffle s'était nettement amoindri et deux points de côtés venaient de faire leur apparition en même temps, me meurtrissant les flancs. Et moi qui croyais que Mike serait un poids ! J'avais clairement surestimé mes capacités : je pouvais m'écrouler d'un moment à l'autre ! Tania me trouerait alors la peau en affichant son sourire sadique.
Je n'aurais même pas de mort héroïque comme Jack, je me ferais littéralement abattre à terre, comme, comme... comme quoi d’ailleurs ? En général, le prédateur aime que sa proie lui résiste un peu. Je doute fort que le chasseur soit content lorsqu'il tue un lapin, en fin de vie, de surcroît.

Bref autant dire que la situation ne laissait pas entrevoir d’échappatoire, même de façon la plus objective.
Je me demandais si Mike se faisait les mêmes réflexions quand je réalisai que je n'entendais plus ce soufflement de moteur derrière moi depuis un bon bout de temps...

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