Rékaël contre-attaque

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Après son repas, le dragon s'ébroua dans la neige pour se nettoyer. Ensuite il remonta dans son refuge, récupéra ses affaires, redescendit de sa cachette et reprit enfin sa forme humaine. Il passa ses vêtements en réfléchissant sur la meilleure manière d'atteindre Penny sans que la sorcière ne lui mette de bâtons dans les roues. Il réalisa qu'il ne pourrait pas y parvenir seul, il devait donc se trouver des alliés parmi les hommes, quoi qu'il arrive il lui en faudrait au moins un. Rékaël restait confiant, l'humanité était suffisamment pervertie, pour qu'il parvienne à dénicher sans mal, un tel individu.

Dans un premier temps, il allait devoir prendre le risque de quitter l'abri relativement sûr de l'Himalaya. En d'autres termes, il devait se rendre en Europe, en France et plus précisément encore dans cette bourgade perdue : Allègre. Penny, mais aussi son hypothétique complice l'y attendaient.

Sans traîner plus qu'il ne fallait, il se mit en route...

Quelque part en Amazonie

La première défaite du dragon enchantait Lophalia, cependant elle savait que son adversaire n'en resterait pas là. Son inquiétude, en conséquence restait plus forte que sa satisfaction. Cela était d'autant plus vrai, que Penny, depuis plusieurs heures, demeurait cachée à ses sens spirituels. La licorne en déduisait que les pouvoirs de druidesse d'Odette semblaient suffisamment puissants pour protéger l'adolescente.

Pour la licorne, les choses n'allaient pas en s'arrangeant, les incendies au sein de la canopée ne se calmaient pas, au contraire ils prenaient de l'ampleur. Elle doutait à présent que Penny arrive suffisamment tôt pour la conduire jusqu'au portail et la sauver. Lophalia luttait pour ne pas se laisser aller au désespoir, mais la superficie de son refuge se réduisait comme peau de chagrin, elle hurla presque en direction de Penny, dans l'illusion qu'elle l'entende : "Je t'en supplie, hâte-toi !"

La supplication, extrêmement puissante, fusa en un cri poignant, qui perça fugitivement les protections entourant la jeune fille... Ce fut une erreur de la part de Lophalia, car Rékaël, la capta aussi...

Chaîne de l'Himalaya

Il longeait une cascade gelée et scintillante, le dragon empruntait un chemin tortueux, il ne neigeait plus, mais l'air ambiant frigorifiait Rékaël qui, malgré tout, progressait sur le raidillon éclaboussé de soleil. Des éclats de lumière ricochaient sous les pas du dragon. Il resserra sa houppelande autour de lui, un souffle brûlant s'échappa de ses lèvres. Il aurait pu s'il l'avait voulu voyager sous son allure originelle, mais en cette époque de technologie, le ciel était rarement vide, et il ne souhaitait pas se retrouver face à toutes sortes de véhicules volants ; par ailleurs, il consommait moins d'énergie sous sa forme humaine.

En conséquence, tant que cela lui serait possible, il comptait continuer à pied, ou alors emprunter un des moyens de transport qu'utilisaient les hommes, pour, en tous les cas, passer inaperçu.

Au moment où, concentré sur sa marche, il ne pensait qu'à avancer, l'onde de Lophalia l'effleura. La surprise, autant que la puissance du message, interrompirent ses pas, il resta immobile sur le chemin, son regard rouge et argent prit un éclat calculateur, il ferma les yeux, et discrètement, à l'insu de la licorne, laissa son esprit se mêler à la supplication et filer en direction de Penny.

France - Allègre - Maison de Ludovic Gallier

Dans la cuisine, le silence devenait pesant, l'adolescente dansait d'un pied sur l'autre en se mordant les lèvres, sans ne serait-ce qu'entrevoir la manière de rétablir entre Aden et elle la communication. Celui-ci imperturbable et le visage légèrement fermé terminait de préparer la salade d'olivettes. Il parsemait sur les morceaux de tomates, le basilic ciselé, et ajoutait un filet d'huile d'olive et quelques gouttes de vinaigre de vin, des morceaux d'échalotes terminèrent ce plat. Penny en désespoir de cause déclara :

— Écoute, je suis désolée !

Il cilla, et demanda :

— Pourquoi serais-tu désolée ?

— Eh bien... Je... je crois que... je t'ai vexé. Il me semble...

Elle se tut, incapable de trouver ses mots. Aden sentit son bref agacement s'envoler, il assura :

— Tu ne m'as pas vexé.

— Ah ? Pourtant j'ai cru...

Il l'interrompit :

— Tout au plus ai-je été déçu, mais je n'ai aucune raison de l'être, après tout, tu es une victime...

Penny fronça les sourcils, son visage se peignit de perplexité, ses yeux noirs d'hésitation, sur ses lèvres charnues légèrement rosées s'imprima une petite moue, elle avait tout de la jeune fille qui se demandait comment prendre une telle réflexion. En désespoir de cause, elle répéta :

— Une... victime, qu'est-ce que tu veux dire ?

— Ce n'est pas péjoratif, je te rassure, c'est juste qu'il est difficile de résister aux sirènes du libéralisme, de la consommation, du mercantilisme, enfin ce genre de choses...

L'adolescente sourit, avant de railler gentiment :

— Un écolo, ma grand-mère va t'adorer.

Aden éclata de rire, cette fois la glace était brisée, ensuite il se calma et proposa :

— Tu m'aides pour la suite du déjeuner ?

Elle accepta volontiers, avant de demander :

— Qu'est-ce qu'on mange ?

Il n'eut que le temps de répondre : "Une fricassée de légumes", avant qu'une sorte de vague glacée, balaye la cuisine et entoure Penny. Celle-ci se figea, trembla de froid, s'écroula sur le sol et perdit conscience... Aden décontenancé se précipita vers elle...

Près de la source du luth

Elle jaillissait d'une fente entre deux rochers pour se jeter dans une vasque de granit polie et creusée par l'écoulement continuel de l'eau. De nouveau, le vieil homme sortait son récipient au deux tiers rempli du liquide vermillon, l'ouvrit et versa directement le philtre dans le bassin. Sur le granit au fond, des runes se dessinèrent vaguement, puis s'effacèrent presque aussitôt, sans le scintillement que Ludovic attendait. Cela l'alerta, il murmura : "Voilà qui est bien singulier..."

Odette inquiète, demanda :

— Que se passe-t-il ?

Son ami se releva, reboucha le bocal, puis répondit :

— J'espère me tromper, cependant j'ai peur...

Soudain son regard se figea, devint plus trouble que d'habitude, le pot qu'il tenait en main s'échappa de ses doigts et se brisa sur le granit de la fontaine. Odette, effrayée, l'entendit s'exclamer :

— Sainte Terre-Mère !

Il chancela... Odette se précipita pour le soutenir. Il parut se reprendre, et parvint à dire :

— Il faut retourner chez moi, Penny est en danger !

La vieille femme pâlit, elle balbutia :

— Ludovic, qu'arrive-t-il ?

Sur un ton sinistre, le chaman révéla :

— La protection que j'avais établie vient d'être brisée.

L'appréhension d'Odette s'accrut, mais elle n'en demanda pas plus. Le vieil homme ramassa rapidement les fragments du récipient, les glissa dans son sac de cuir qu'il referma, puis attrapa la main de son amie et l'entraîna précipitamment en direction de sa demeure...

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