Magdalena

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Magdalena.

Magdalena.

Ce nom à la douceur aigre-douce sur tes lèvres.

Magdalena.

Magdalena.

Tu laisses échapper un rire, un léger gloussement d'adolescente. Ça fait longtemps qu'on ne t'appelle plus comme ça.

Ça fait longtemps qu'on ne t'appelle plus d'ailleurs.

Pourquoi tu ris Magdalena ?

Tu sais très bien que tu es triste Magdalena, que tu es triste à te crever le cœur, que ça te cloue sur place toute cette mélancolie, parce que chaque jour, parce que toujours Magdalena, tu veux pleurer, mais tu n'y arrives pas. Ce ne sont plus des battements, ce sont des crissements, et c'est ton cœur qui tente de te convaincre que tu souffres. Non, non, tu es sourde Magdalena, tu ne veux pas l'entendre parce que la tristesse ce n'est pas pour toi, parce que tu es joyeuse, parce que tu es heureuse. Parce que quand tes amis reviendront, ils te trouveront et se diront que tu n'as vraiment pas changé Magdalena. Alors tu refuses que les larmes coulent, car elles n'ont pas le droit, oh non, elles n'ont pas le droit de te faire ça. Parce que tu n'as pas le droit de souffrir Magdalena, parce que tu es l'éternelle, parce que même seule tu arrives à rire, parce que même seule tu es si nombreuse. C'est ce que tu leur disais non ? Alors c'est ce que tu dois faire. Tu es l'éternelle adolescente Magdalena, celle qui rit quoiqu'il arrive, parce que la vie est tellement drôle vous savez, elle est tellement courte ! Il ne faut pas perdre de temps à pleurer, il faut aller de l'avant, penser au futur.

Ne pas pas penser trop loin quand même.

Ne pas penser à la mort qui s'approche parfois d'un peu trop près.

Juste oublier, oublier ce qui t'entoure, et juste penser à rire, parce que rire c'est important, parce que c'est toi qui doit rire Magdalena, parce que c'est ton droit, c'est ton obligation, c'est ton devoir.

Tu oublies le vide autour de toi Magdalena.

Un rire s'échappe de ta gorge.

Un rire un peu forcé, un rire un peu grinçant, mais un rire quand même. Alors ça doit bien faire l'affaire.



Magdalena.

Magdalena.

Allongée sur l'herbe, à observer le ciel.

Magdalena.

Magdalena.

Tes amis sont loin d'ici désormais Magdalena, tu es seule.

C'est un sentiment étrange ce vide dans ton corps, cette lourdeur dans ton ventre, cette détresse dans tout ton être. Oublie Magdalena, essaie de rire Magdalena, pour te persuader que tout va bien et qu'ils sont à tes côtés, pour te persuader que ce sont eux qui te font glousser, pour te persuader que oui Magdalena, oui, tu es une adolescente insouciante.

Oui Magdalena, tu es heureuse.

Alors pourquoi tu as ce goût amer sur les lèvres ? Pourquoi est-ce que quelque chose sonne faux dans ton monde d'illusions, pourquoi est-ce que quelque chose n'est pas à sa place dans ton esprit si maniaque ? Quelque chose ne va pas, tu le sens, tu le sais, tu le nies. Tu es mal à l'aise Magdalena, mais au fond tu sais que tu n'as pas le choix, tu sais qu'ils vont revenir, que quand ce jour arrivera Magdalena, tout ira mieux alors ce sentiment de contrefaçon disparaîtra, et tu te sentiras tellement mieux Magdalena. Tu seras libérée Magdalena, et alors les larmes que tu as refoulé si longtemps disparaîtront, et alors tu seras heureuse, parce que tu montreras tes vrais sentiments et tu ne te cacheras plus derrière un masque, tu cesseras de faire semblant, tu redeviendras vraiment toi-même. Cette fois Magdalena, tu riras sans cesse, parce que ce sera tellement plus honnête, parce que quelqu'un sera là pour le provoquer ce rire, et que ce quelqu'un ne sera pas un simple souvenir fané ou une illusion de mauvaise fabrication.

Contrefaçon.

Magdalena.

Le ciel est gris.

Les nuages encombrent tout. Le soleil est invisible. Pourtant, il fait chaud. Pourtant, la lumière t'aveugle. Le soleil est là, tu ne le vois pas. Au dessus de toi, un oiseau, noir.

Une corneille.

Corneille. Corneille. Corneille, ça rime avec corbeille. Tes pensées n'ont pas de sens Magdalena, tu t'en aperçois ? Peut-être que tu es stupide Magdalena, peut-être que tes pensées sont trop futiles pour être remarquées. Ou peut-être que tu es un peu trop rêveuse Magdalena, peut-être que déjà tu t'imagines pourquoi cette corneille vole au loin, te demande pourquoi le soleil n'est plus là, te demande pourquoi l'herbe sous ton corps est verte. Peut-être même que tes pensées n'ont pas de fil conducteur et qu'elles se perdent un peu partout, qu'elle n'ont pas de sens, jamais, mais que c'est joli quand même.

Tes pensées se dispersent avec le vent qui souffle Magdalena.

Elles s'éparpillent.

Tes pensées sont volatiles Magdalena.

Comme toi.


Magdalena.

Magdalena.

Papa a dit que tu tenais ce nom de ta grand-mère.

Magdalena.

Magdalena.

Comment était-elle ta grand-mère ? Était-elle aussi rousse que toi ? Si elle était là, te regarderait-elle avec des yeux attendris, comme toutes les grands-mère doivent faire avec leurs petits enfants ? Tu ne sais pas. Tu n'as jamais eu de grand-mère. Peut-être serait-elle méchante avec toi ? Pourquoi aurait-elle été méchante avec toi ? Tu ne sais pas. Tu ne sais pas. Tu rêves, tu imagines.

Tu es si ignorante Magdalena.



Peut-être qu'elle était brune finalement.

Ou bien blonde.

Peut-être que ses yeux étaient gris.

Ou bien bleus.

Papa ne t'avais jamais montré de photo d'elle.

Il évoquait juste des souvenirs, parfois.

Et papa, c'était quoi son nom déjà ?

Tu ne sais pas, tu ne sais plus.

Papa c'est papa, tu ne crois pas qu'il ait jamais eu un autre nom.

Maman non plus.

C'était papa et maman, c'était tout.

Et toi tu n'es même plus Magdalena.

Tu as perdu ton nom toi aussi.

Et toi tu n'es plus Magdalena.

Et toi tu n'es plus rien.

Juste une âme perdue

Un corps vide

Une fille qui se demande comment était sa grand-mère.



Magdalena.

Magdalena.

Prénom boiteux au rythme instable.

Magdalena.

Magdalena.

Prénom mélodieux qui te brûle la gorge.

Il est doux ce prénom au final. Il est joli. Tu l'aimes bien. Et puis, avant, les gens ne savaient pas trop comment le prononcer. Il fallait dire le g ? Non non, on ne le disait pas, il était muet. Alors pourquoi était-il là ?. Tu ne sais pas, tu ne sais toujours pas. Tu n'inventes pas les prénoms après tout.

Avec le g, ce serait quand même plus dur, plus violent, plus guttural. Magda Magda Magda Magda Magda Bagdad. C'était Bagdad dans ta tête Magdalena. Ça fait boum boum boum et ça pleure et ça crie et puis t'es perdue tu comprends pas grand-chose. Mais tu dois tenir bon, toujours. C'est un ordre, tu m'entends ? Un ordre ! T'as pas le droit de sombrer, t'as pas le droit lâcher, sous prétexte que t'es toute seule, sous prétexte que tout le monde est parti en te laissant derrière, sous prétexte que tu imploses dans ta tête, sous prétexte qu'ils sont tellement mieux sans toi. Tiens bon, tiens bon, ils vont revenir, alors souris, souris Magdalena, tu sais faire que ça de toute manière. Sourire stupidement. Alors maintenant on prononce plus le g, mais on prononce plus rien d'ailleurs. Pas de g, pas de Bagdad, pas d'explosion, pas d'implosion, pas de larmes, pas de cris. Pas de Magdalena. Tu n'as plus de nom Magdalena. Alors s'il te plaît essuie ces larmes qui coulent sur tes joues et ris, ris, je t'en prie, tu ne dois pas craquer, jamais, tu dois jouer la comédie, te noyer dans tes souvenirs, dans la folie s'il le faut, mais garde toujours le sourire.

Reste comme avant, je t'en supplie Magdalena.

Effaçons l'histoire Magdalena.



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