Toujours plus bas

18 minutes de lecture

13 Un bref répit

Le 26 novembre, j’envoyai une lettre à Daphnée lui annonçant que notre histoire était finie. Je lui racontai je ne sais plus quel baratin. Plus tard, Je lui expliquai que c’était dû à la drogue, et que je l’avais quittée pour cela. C’était en partie vrai, car malgré mon histoire avec Isabelle, je disjonctais encore pas mal, je n’avais pas encore récupéré quoiqu’en dise le Greg de l’époque. Je n’ai jamais réellement avoué à Daphnée que je l’avais quittée pour quelqu’un d’autre. J’avais trop peur de la blesser. À ce moment-là, je croyais que mon histoire était finie, que comme au début de ma relation avec Daphnée, l’amour avait eu raison de toutes mes galères. En réalité, ce nouvel amour n’était qu’un point de départ vers l’escalade complète pour le tunnel de l’enfer et les institutions hospitalières. Isabelle démolit en peu de temps tous les efforts que j’entreprenais pour m’en sortir.

Je terminai donc la deuxième partie de mon histoire, qui fut retravaillée, en même temps que la première, fin mai 1998. Ayant imprimé tout cela, je fis lire le tout à Isabelle. Le lendemain, elle m’écrivit une lettre, parce qu’elle se posait beaucoup de questions. Moi, croyant que j’avais réussi ma quête vers le bonheur, lui répondis une longue lettre pour la rassurer et répondre à toutes ses questions. J’ai encore une copie de cette lettre. Je dois dire que j’ai longuement hésité à la mettre ici, mais je pense que ça n’en vaut pas la peine. Je lui disais qu’elle m’avait sorti de mon enfer, et que plus jamais je ne pourrais replonger. Qu’elle était ma bouée de sauvetage.

Mais comment retomber dans ce que j’ai appelé un trou noir alors que j’étais toujours dedans ? En fait, fin novembre, j’ai réussi à grimper de quelques mètres pour sortir. Mais plus tard, avec la fatigue, je suis retombé au point de départ, et même peut-être encore plus bas.

Ma relation avec Isabelle se passait fort bien. Je dois dire que je l’aimais beaucoup. Je vivais sur un petit nuage, j’étais heureux. Je ne le fus pas fort longtemps, car notre relation tourna vite au vinaigre. On arriva très vite aux examens de Noël. Peu avant ceux-ci, une tendinite à la jambe m’empêcha de travailler au magasin. Le directeur n’était pas très content de moi puisque j’avais déjà eu un congé de maladie de deux semaines à cause de ma tentative d’octobre.

Enfin, les examens arrivèrent. Le seul problème, c’est que j’avais de gros problèmes de concentrations depuis ma T.S., je n’arrivais pas à me motiver. J’avais beau étudier, rien ne rentrait. Pendant la session, une de mes sœurs attrapa la varicelle. Comme je n’avais pas encore eu cette maladie infantile, elle me la refila. Je ratai mon dernier examen à cause de cela, ne pouvant sortir de la maison. La maladie et mes problèmes de concentration ne m’aidèrent vraiment pas, et je me retrouvai avec pas mal d’échecs au bulletin.

À cause de la fièvre et de ma peau ressemblant à une chaîne de volcans prêts à rentrer en éruption, je ne pus à nouveau pas travailler au magasin pendant deux semaines. Le directeur et son adjoint n’étaient pas très contents de mes absences répétées. Je pensais donc que le contrat qui devait être renouvelé le mois suivant allait me passer sous le nez. Pour finir, le district manager décida de me donner un sursis de trois mois. J’eus donc un deuxième contrat qui se terminait fin mars. J’étais soulagé, car j’avais besoin de cet argent pour pouvoir vivre, c’est-à-dire pour mon confort, et surtout pour la musique. En effet, la plupart de mon argent partait en disques, partitions, photocopies…

Après ma varicelle, ce furent les vacances de Noël. Elles furent très agréables. Je voyais souvent Isabelle, elle venait chez moi et j’allais chez elle. Mon père décida de quitter sa compagne et en attendant de trouver un endroit où vivre, il revint habiter à la maison. Pour Noël, je reçus un meuble pour pouvoir ranger tous mes CD. J’étais content, car je n’avais plus de place pour ranger les miens, j’en avais tellement acheté ces derniers mois ! Ces vacances étaient un break. Une pause avant la poursuite de ma quête, avant l’ultime combat contre le désespoir.

14 Enaden

En janvier, ma crise s’amorça encore plus. Tout d’abord, mon père repartit. Il nous annonça qu’il retournait vivre chez sa mère. Plus tard, début février, je me rendis compte que tout cela était faux, il était retourné vivre avec son ex-compagne. Il nous avait déjà menti auparavant en disant qu’il allait passer le réveillon de nouvel an en Espagne avec des collègues, alors qu’il était parti avec la pouf de service.

À la rentrée de janvier, je commençai à me sentir vraiment mal. Durant les deux premiers jours d’école, j’avais déjà perdu le sourire, je n’avais plus le cœur à rire. Je ne me sentais pas très bien. Pas bien physiquement, mais mentalement. Je souffrais, j’avais mal, mais je ne savais pas pourquoi. Le soir, chez moi, je voulais hurler, mais je n’y arrivais pas. Parfois, j’avais tellement mal qu’il m’arrivait de taper dans les murs.

Mercredi 7 janvier 1998. J’arrivai à l’école vraiment pas bien. J’allai au cours de Français, puis à celui d’Anglais, un des seuls que j’avais en commun avec Isabelle. Elle n’était pas là. Je commençais à paniquer. J’étais quasi en état psychotique. Finalement, après le cours, je pris mes jambes à mon coup et me sauvai de l’école. Je téléphonai à ma mère de la gare pour qu’elle vienne me chercher. Je ne savais pas ce qui se passait en moi, j’avais peur, je tremblais. Je regardais sans cesse derrière moi. Ma mère me demanda de l’attendre à l’entrée du Champion de Wavre. Je courus là, et en l’attendant, je m’assis contre le mur du magasin tout tremblant et de plus en plus paniqué. Ma mère, lorsqu’elle arriva, vit mon état. Quand je fus installé dans la voiture, elle me demanda ce que j’avais. Mais je n’en savais rien, je lui répondis ça, et je commençai à pleurer sans aucune raison. Tout ce que je savais, c’est que j’avais mal. Maman me dit :

« Mais ma parole, tu es un drogué en manque !

— Mais non, tu sais bien que ça fait longtemps que je n’ai plus rien pris ! », lui répondis-je.

Quand je rentrai à la maison, mon père qui était encore là, commença à me gueuler dessus. Il avait repris son discours habituel : je faisais du cinéma, que j’étais une feignasse qui faisait tout pour manquer l’école. Mes parents ne comprenaient pas ce qui m’arrivait. Je ne savais pas leur expliquer, vu que moi non plus. Je téléphonai à mon psychiatre qui me donna rendez-vous le soir même. À deux heures, je téléphonai chez Isabelle. Sa mère me répondit qu’elle était chez Alex pour travailler. Alors là, ça n’allait plus du tout Je téléphonai chez lui, mais il n’était soi-disant pas là.

À ce moment-là, tout était clair dans mon esprit : Isa me trompait avec Alex. Il faut dire qu’Isabelle était une bête de sexe, et qu’Alex s’en vantait partout. Je pris le câble de ma guitare électrique, y fit un nœud de pendu, et l’accrochai à mon cou. Finalement, je me dis que c’était stupide et l’enlevai. Alex me téléphona juste après et commença à me poser des questions. Ensuite, il nia qu’il avait eu des relations avec Isa et il me dit qu’ils faisaient leur travail de psychologie. Puis, elle me téléphona. Elle nia tout comme son comparse et me dit qu’ils avaient mis le cours de Sciences d’Alex en ordre. Leurs contradictions éveillèrent encore plus mes soupçons. Isabelle me jura plusieurs fois qu’il ne s’était rien passé. Au bout d’un bon moment de palabres, je me laissai convaincre et me calmai un peu.

Le soir, j’allai chez mon psy. Je lui racontai tout ce qui s’était passé, que j’avais repris de l’herbe et qu’elle avait peut-être été coupée à d’autres choses. Il décida de commencer une cure de désintoxication. Il me donna, en attendant le rendez-vous suivant, du Melleril, un médicament pour soulager les crises de manque. J’ai cru, à ce moment-là, que tout ce que j’avais, était une crise de ce type. Le docteur était lui-même persuadé de cela. Mais je pense, après coup, que ce n’était qu’un coup de semonce. Bien plus tard, des crises de ce type, bien plus sévères firent leur apparition.

À la consultation suivante, il commença à me parler d’un centre de désintoxication appelé ENADEN. Celui-ci se trouvait près de Saint Gilles. Il téléphona à son confrère, le docteur Debruin, un des psychiatres du centre et on prit rendez-vous pour le 23 janvier là-bas.

En attendant, le mercredi suivant, le même cirque recommença. Cette fois, Isa et Alex avaient prétexté qu’ils allaient faire leur travail de Droit chez une troisième personne. Moi, je n’y croyais pas fort. Isa me retéléphona quand elle fut rentrée chez elle, et elle nia encore l’histoire. Elle le jura même sur la tête de sa mère, qui, comme par hasard, eut un accident de voiture quelques jours plus tard. Mon psychiatre, lui, continuait à augmenter les doses de Melleril. Finalement, le 23 janvier arriva. Ma mère, elle, était persuadée que je rentrerais directement au centre et prépara ma valise. Là-bas, le docteur Debruin affirma qu’avant qu’une hospitalisation se fasse, une cure en ambulatoire était nécessaire. Et toutes les semaines, j’allai à Saint Gilles.

15 Mensonges

Malgré les médicaments, j’allais de plus en plus mal. Debruin les changea assez vite. Il me donna des antidépresseurs et des somnifères à la place du Melleril. Mais à chaque consultation, il les augmentait. Le soir, j’étais tellement angoissé que je n’arrivais pas à dormir, et ce malgré les médocs. J’avais comme une boule de nerfs dans l’estomac. Des fois, c’était tellement fort que j’en arrivais à avoir de fortes difficultés pour respirer. Je me laissais aller complètement. Je ne foutais plus rien, je n’arrêtais pas de brosser les cours. Quand j’étais en classe, je n’arrivais pas à me concentrer. C’était la même chose en dehors de celle-ci, je ne savais pas écrire, je ne savais pas lire, je ne pouvais pas décrypter une tablature et lorsque je jouais à la guitare, je faisais plein de fautes.

Isabelle n’arrêtait pas de me faire plein de reproches. Elle disait que ça n’allait plus, que je devais me ressaisir, mordre sur ma chique. Moi, je voulais bien, mais je n’y arrivais pas. Je n’arrivais à rien du tout. J’étais mal, je buvais tous les jours. Pas grand-chose, car avec cinq chopes j’étais dans un solide état à cause des doses de médicaments dans le sang. L’avantage, grâce à cela, c’est que je gaspillais beaucoup moins d’argent.

Le mardi 3 février, je n’étais pas très bien. Comme d’habitude je dois dire. Mais là, c’était différent. Isabelle me nia aux cours, elle ne me parlait plus. Elle s’assit à côté d’autres personnes, et moi j’étais tout seul, comme à l’ancienne. J’étais assis sur ma chaise, plié en deux sur mon ventre tellement cette boule dans l’estomac me comprimait le bide. Je passais aussi mes nerfs sur mes bics et crayons. Finalement la fin du cours sonna. J’étais soulagé, j’avais fini ma journée. En effet, le mardi je n’avais pas cours l’après-midi.

J’attendis ma dulcinée et on s’installa à notre endroit habituel dans la Galerie des Carmes (si on enlève le r de carmes et qu’on met un accent sur le e, ça donne camé. Il faut dire qu’il y avait beaucoup de trafics de drogue dans celle-ci). On parla un peu, Isabelle me fit encore des reproches, moi j’encaissai, je promis encore une fois d’essayer de me ressaisir. Toute la matinée, elle me tirait la gueule, c’était vraiment dirigé contre moi. Quand elle était avec quelqu’un d’autre, elle se marrait comme une folle. C’était la même chose dans les Galeries. Elle évitait d’aller dans mes bras, évitait même mes bisous…

Pour finir, mademoiselle m’annonça qu’il y avait de fortes chances pour qu’elle soit enceinte de moi ! Elle me dit aussi que sa mère le savait et ne voulait plus que je lui téléphone, que je fréquente sa fille. Bon, ça m’a foutu un coup ! J’étais sûr que j’allais la perdre, la façon dont elle m’évitait, la façon dont elle se comportait avec moi, différente des autres, me poussait à le croire. Moi, en plus, son histoire de bébé, comme un gros naïf, j’avais tout gobé !

Ma mère voyait bien que j’étais beaucoup plus tourmenté que d’habitude, je voulais lui dire, mais je n’osais pas. Je ne savais pas comment elle le prendrait, et j’avais peur de sa réaction. Finalement, après une petite discussion où elle me tira les vers du nez, elle me fit téléphoner à mon père. Je lui annonçai la nouvelle. Le soir, il m’emmena chez lui, chez sa compagne. Je compris donc qu’il nous mentait à ma mère, mes sœurs et moi, vu qu’il disait qu’il habitait chez ma grand-mère. Au moment même, je m’en foutais. J’avais d’autres chats à fouetter.

Il me dit que quoi qu’il arrive, j’étais désormais dans le monde des adultes. Ils me dirent, lui et sa compagne, que ce qui m’arrivait était une bonne chose, que c’était merveilleux, qu’il fallait que je me retrouve avec Isa pendant un week-end, pour prendre la décision de garder le bébé ou non. Isabelle, elle, m’avait annoncé vouloir se faire avorter. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’est que j’étais prêt à prendre mes responsabilités et à aller jusqu’au bout. Elle pensait sûrement que cette histoire me fasse peur et que je la quitte, parce que j’appris plus tard que ce n’étaient que des bobards.

Le lendemain, je me décidai à changer. Je brossai mes dernières heures de cours et j’allai me planter dans la nature, sur les hauteurs de Wavre. C’était un endroit que j’appréciais beaucoup : j’y allais souvent avec Caroline quand nous étions ensemble. J’y retournais assez souvent, quand je n’étais pas bien, pour avoir le calme et pour pouvoir réfléchir. Là, je me sentis prêt à tout assumer et même à garder le bébé. Ma mère voulait même bien l’adopter. Le soir même, j’étais chez le médecin, car j’étais quand même toujours mal. Il me fit certificat et consort. Depuis lors, je n’ai plus réellement été à l’école. Le soir, malgré la soi-disant interdiction de sa mère, qui, en passant n’était que bidon, je téléphonai à la femme du diable. On se donna rendez-vous le vendredi matin pour discuter, mettre les choses au point.

16 Désespoir

Le fameux vendredi arriva. Je me rappelle parfaitement de la date, c’était le 6 février 1998. Le temps ce jour-là était gris. Il pleuvinait, le ciel était rempli de nuages. Un temps maussade, tout à fait comme mon esprit à partir de 8 h 35 de ce matin.

J’allai chercher Isabelle à la sortie de son bus. Là, elle évita mon bisou pour lui dire bonjour. On s’installa dans la galerie, comme d’habitude. Moi, contrairement à la coutume, j’étais bien habillé. Chemise, Caterpillar au lieu de mes vieilles combat-shoes. Je voulais changer, je voulais être quelqu’un de normal, de conforme à la société. Mon désir de changer ne dura que quarante-huit heures.

Isabelle m’annonça que notre histoire était finie et qu’elle avait rencontré quelqu’un d’autre. C’est vrai, cela faisait déjà plusieurs jours qu’elle ne portait plus la bague que je lui avais offerte. Je m’y attendais un peu, mais ça me fit un grand choc quand même. J’ai pleuré, pleuré. Je tenais vraiment beaucoup à Isa. On resta ensemble jusqu’à midi. Elle devait aller aux cours et moi reprendre mon bus pour rentrer chez moi. Ma mère m’attendait à Hamme-Mille. Là, je fondis en larmes et plongeai dans ses bras. Le soir, Alex me téléphona et m’avoua qu’Isa m’avait bel et bien trompé, et il commença à la dénigrer au téléphone. Il la détestait pour ce qui s’était passé, alors qu’il était tout autant fautif. Les idées noires revenaient en moi. J’en avais marre de vivre. Je voulais mourir, mais je ne suis pas passé à l’acte. J’essayais quand même de remonter la pente.

Je revins à l’école pour la retraite de classe qui se déroulait juste avant les vacances de carnaval. Au départ, je n’avais pas trop envie d’y aller vu que je n’aimais pas l’ambiance de cette dernière. Mais, depuis quelque temps, l’atmosphère se mettait au beau fixe. Et puis, les trois personnes que je considérai comme des copains me demandèrent d’y aller : Marie, François et Maria1. Ce fut donc à contrecœur que je partis.

Pour finir, je ne l’ai pas regretté, je me suis très bien amusé, quoique par passade, je puisse aller très mal. François avait justement apporté avec lui un bloc de shit. Alors là, je ne me suis pas fait prier. Le soir, on fumait, pétard sur pétard et François et moi étions en pleine défonce, ce qui ne semblait pas faire plaisir du tout à Marie, qui avait peur que je replonge (elle était une des seules élèves au courant à l’époque pour mon traitement et ma thérapie à Enaden). Seulement, je ne délirais pas bien en plus j’étais bourré de médoc, mais François racontait des super histoires et faisait des choses abracadabrantes. Presque toute la classe était venue dans la chambre pour l’écouter, et riait à chaudes larmes. Mais cette retraite me faisait quand même du bien et je me déchargeai de tout pendant ces trois jours.

Lorsque je revins le vendredi soir, j’étais mort de fatigue. Je n’avais pas bien récupéré à la retraite à cause du teshi et du manque de sommeil. Ma mère m’annonça alors que je venais à peine de rentrer, que pendant mon absence mon père était revenu à nouveau à la maison.

« Qu’est-ce que tu en penses ? me dit-elle.

— Bof ! »

J’étais vraiment fatigué et je n’avais pas envie de penser. La seule chose que mon esprit me dictait était l’appel du lit. Ben oui, mon père était revenu, et alors ? C’est ce que je répondis à ma mère par la suite.

Avant la retraite de classe, il y avait eu deux jours d’école. Là, Isabelle me rendit ma bague. Le mardi, c’était déjà fini avec son nouveau petit ami. Elle pleura même dans mes bras ce jour-là. Plus tard dans la semaine, elle m’écrivit pour se faire pardonner. Je répondis à sa lettre, lui disant que ce n’était pas grave. Malgré toutes les saloperies qu’elle m’avait faites, je l’aimais encore. J’étais prêt à faire n’importe quoi pour ressortir avec elle. On décida de se voir le mercredi matin pour que je puisse mettre mon cours de math en ordre et pour qu’elle me les explique, puisque je n’y comprenais pas grand-chose.

Ce fameux mercredi, nous allâmes à la Barraca, un snack où on allait souvent ensemble, pour réviser. Après le cours de rattrapage, Isa me donna une lettre. Je la lus devant elle, et dans ses réponses, je vis qu’elle voulait en quelque sorte ressortir avec moi. Je la raccompagnai au point de rendez-vous qu’elle avait avec sa mère. Le soir, je lui écrivis pour lui dire qu’il fallait que je réfléchisse. Mais en fait, j’étais prêt à lui dire oui tout de suite, mais je voulais laisser couver un peu la chose pour voir si elle tenait vraiment à moi.

Depuis que mon père vivait de nouveau à la maison, je revivais un enfer quotidien à la maison. Il n’arrêtait pas de me crier dessus, disant que tout ce que je faisais était du show2. Je n’en pouvais rien, je n’arrivais pas à travailler, je ne savais me concentrer sur rien du tout. Chaque fois que j’allais mal, pour lui, c’était de la comédie, un prétexte pour ne rien faire. Mon père ne comprenait rien, il fermait ses yeux. Il faut dire que mon caractère dépressif, je l’ai hérité de mon père, car lui aussi point de vue dépression, il n’est pas mal dans son genre ! On se disputait pour un rien, mais vraiment pour des conneries ! À cause d’Isabelle, à cause de l’ambiance familiale, j’allais de plus en plus mal.

Durant cette semaine de vacances, je fus pris d’une période euphorique de deux trois jours, sans aucune raison. Je me sentais bien. Pendant ces jours-là, j’avais justement rendez-vous au centre de désintoxication. Comme j’étais bien, Le docteur Debruin en conclut que j’allais beaucoup mieux et que « ma cure » en ambulatoire avait réussi, et qu’à la prochaine consultation, on commencerait à baisser mes médicaments. Bref, tout devait aller pour le mieux3 !

17 Souffrance

Le mardi 3 mars 1998, la journée fatidique, une semaine jour pour jour après la consultation chez Debruin. Je me sentis de plus en plus mal. Les problèmes avec Isabelle, les problèmes avec mon père, ma souffrance intérieure, aucun moyen d’évasion…

J’avais, comme d’habitude le mardi, fini les cours à 13 h. J’allai boire un coup avec des camarades de classe et Isabelle, qui n’avaient pas cours jusqu’à deux heures et demie. J’avais trop mal, je buvais verre sur verre. J’essayais de pousser les choses avec Isabelle. Mais chaque fois, elle disait que c’était trop tôt, que je devais attendre. Elle me faisait espérer, alors qu’elle savait pertinemment bien qu’on ne sortirait plus jamais ensemble. Je n’en pouvais plus, j’en avais marre. Je souffrais. Et j’en avais marre de souffrir. À deux heures et demie je raccompagnai Isabelle à l’école où je retrouvai Xavier, un skater de mon village qui finissait à cette heure-là. On retourna boire un verre ou deux, avant de reprendre notre bus. La crise commença à s’amorcer :

« Je vais me tirer une balle, lui disais-je.

— S’il te plaît, ne fais pas de conneries. »

Je commençais à être sévèrement bourré et Xav ne me prit pas trop aux sérieux. Moi non plus d’ailleurs, bien que l’idée creusait de plus en plus son chemin, j’étais encore hésitant. Lorsque je rentrai rentré chez moi à 17 h, j’avais complètement dessaoulé. J’écrivis une lettre à Isabelle. Ma mère le lendemain matin voulut lire la lettre puis la donner à Isa, mais elle avait renversé du café dessus. Je la retrouvai par hasard à la maison, durant le mois de mai. Je la relus et réussis à retrouver les mots effacés par le café. La voici, en grande partie :


Chère Isabelle,

Je t’avais dit que je te répondrai. Eh bien, choses promises, choses dues. Ce n’est pas comme certains dont je ne citerai pas le nom. Pour le moment, j’écoute Pearl Jam, la musique des déprimés et des suicidés.

Je ne vais pas bien Isabelle. Tu vois, parfois la douleur est trop forte et je n’arrive pas à la cacher. Comme aujourd’hui. J’ai trop mal Isa. Je souffre trop et j’en ai marre de souffrir. J’ai le cœur qui est complètement bousillé. Il est mort un certain vendredi 7 février. Je ne suis plus qu’un tas de chair sans âme : elle est morte. Une partie de moi-même s’est éteinte. Je ne veux pas te faire de chantage, c’est juste une façon imagée d’expliquer les choses. Mais en fait, je sais que je devrais arrêter de dire de pareilles conneries, car je sais que tu ne m’aimes plus, qu’on ne sortira jamais plus ensemble et que je m’accroche à un rêve perdu, qui ne se réalisera jamais. Mais je ne peux pas m’en empêcher, car l’amour que j’ai pour toi est plus fort que tout.

Je vais devoir te laisser. Je sais que ça ne sert à rien de te le dire, car je sais que tu n’en as plus rien à foutre d’un pauvre con comme moi, mais je te le dis quand même : Je t’aime.

GREG.


À ce moment-là, j’hésitais encore à passer à l’acte. J’étais tellement déprimé que je fis trois fois le trajet de la pharmacie à ma chambre. Je pris du Melleril, mes somnifères, mon antidépresseur, de l’Anafranil, du Lysanxia, de l’Aropax, et de l’Imovane. J’avalai les pilules, encore et encore… Je n’avais pas encore tout avalé que ma mère m’appela. Je descendis et je commençais déjà à sentir l’effet des médicaments. On discuta un peu. Ma mère devait partir à son cours de boulangerie et voulait que je garde mes sœurs, de respectivement trois et quatre ans4. Je commençais déjà à ne plus tenir debout et je m’assis pour rouler une clope. Puis, ce fut le trou noir…

18 Soins intensifs

Lorsque je me réveillai, j’étais dans un lit, mais ce n’était pas le mien. J’étais dans un endroit complètement blanc. Je pensai au premier regard que j’étais enfin au paradis. Puis, je sentis quelque chose dans mon bras et je vis que j’avais un baxter. Je vis aussi quelque chose sur mon cœur. C’étaient des électrodes qui renvoyaient mes pulsions cardiaques à un appareil qui faisait bip-bip à chaque battement de cœur. C’était comme dans les films. Alors que je me réveillais, une jeune infirmière se ramena devant moi et commença à me parler… en néerlandais ! Elle me fit boire un truc immonde, du charbon de bois activé.

Puis, une psychologue vint me parler. Je lui dis que j’étais suivi par deux psychiatres et elle partit leur téléphoner. Ensuite, mes parents se rappliquèrent. Maman m’avait ramené des fringues. Ils m’expliquèrent comment j’avais atterri ici.

Pendant que je roulais ma clope, j’étais tombé dans les vapes. Ma mère essaya de me réveiller, mais rien à faire. J’avais quand même réussi à lui dire que j’avais pris des médocs. Pendant que notre voisine essayait de me tenir éveillé, elle monta dans ma chambre, et lorsqu’elle vit tout ce que j’avais pris, téléphona sans plus tarder au médecin. Celui-ci annonça qu’il fallait d’urgence appeler une ambulance. Cette dernière arriva, et les médecins commencèrent directement la réanimation. Ma mère ne pouvait d’ailleurs pas aller dans l’ambulance, elle devait suivre en voiture. Ils me conduisirent aux urgences de l’hôpital universitaire de Leuven, qui était le plus proche de la maison. Les docteurs mirent plus d’une heure et demie à me sauver. Après cela, on m’emmena aux soins intensifs où je me trouvais désormais.

Alors que mes parents m’expliquèrent cela, on était déjà le lendemain, le mercredi 4 mars 1998 en fin de matinée. Après m’avoir raconté cela, la psychologue se rappliqua et nous annonça que j’allais être transféré à l’hôpital Erasme suite à une discussion que Debruin et mon psy habituel avaient eue concernant mon hospitalisation. Ma mère demanda si elle pouvait m’y conduire, mais la psy refusa et dit que le transfert devait se faire obligatoirement en ambulance.

Après le dîner, soit dit en passant infect et dont je n’avais quasi rien touché, ils me firent aller aux toilettes. Je ne pouvais quitter les soins intensifs que si j’arrivai à chier. Impossible, rien ne sortait. Au bout d’un effort intense, une minuscule crotte sortit de mon postérieur (il m’a fallu d’ailleurs plusieurs jours pour que tout arrive à sortir) Ensuite, je pus me changer, enlevai la belle robe blanche que les médecins m’avaient foutue, mis mes fringues à moi. J’attendis un peu et les ambulanciers vinrent me chercher, me mirent dans leur belle camionnette blanche (Pardi ! Moi qui déteste cette couleur) et me conduisirent dans cet hôpital à Bruxelles où j’allais rester un bon mois.


Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Greg "LeGreg" Siebrand ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0