Interlude

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Dans le luxueux manoir de son père, une fillette sanglotait sans verser de larmes, recroquevillée sur elle-même. Tout son corps était agité de soubresauts irrépressibles. Ses boucles blondes et ses mains de métal dissimulaient entièrement son petit visage.

Derrière elle, debout, l’air désolé, la secrétaire particulière de son seul parent ne savait que faire. Elle restait là, les bras ballants, à regarder cette drôle d’enfant qui n’aurait pas dû être capable de pleurer. Et face à elles, le projecteur holographique laissait tourner l’information en boucle :

« … et le président qui aura trahi sa patrie pendant la totalité de son mandat ne voit pas en quoi ses actes sont condamnables. Jusqu’au bout, il se sera montré sûr de lui et de son bon droit. Tactique pour paraître innocent ou sincère bonne foi ? Nul ne le saura jamais. Il est à préciser que face au verdict rendu par les juges, Illu Mendaci est resté stoïque : « C’était couru d’avance », a-t-il déclaré.

Son exécution aura lieu en privé. Après avoir fouillé dans des archives assez anciennes afin de trouver un précédent, les juges l’ont condamné à la chaise électrique. L’instrument de mort en question sera remis en état et prêté par le Musée du XXème siècle. »

L’enfant était silencieuse, à présent. Elle avait relevé la tête et, inexpressive, semblait fixer le vide. La secrétaire approcha et ordonna à l’holographe de s’éteindre. Enfin, elle se pencha sur la fillette et, une main compatissante sur son épaule, murmura :

— Je suis désolée, Coppélia.

— Va-t-en ! cria celle-ci et se dégageant d’un geste brusque. Je ne veux pas de ta pitié.

— Mais…

La grande femme s’interrompit. Coppélia venait de se retourner vers elle et son visage inexpressif contrastait avec l’effrayante intensité de ses yeux pleins de haine. Sans la quitter du regard, la petite androïde inachevée fit un pas vers elle, puis un autre.

La secrétaire se demanda un instant qui avait eu l’idée saugrenue de créer cette petite chose et de lui insuffler des émotions totalement déséquilibrées : l’IA était défaillante, visiblement. Jamais elle n’avait vu le robot miniature dans un tel état de rage et pourtant, elle en avait déjà vu des vertes et des pas mûres, avec cette gamine trop gâtée !

Coppélia lui attrapa le bras et siffla, menaçante :

— Je n’oublierai jamais ce jour. Nous sommes le 13 août 2765. Je jure que dans un siècle au plus tard, jour pour jour, les familles qui ont provoqué la chute de Papa n’existeront plus. Je jure que le peuple qui a trahi Illu Mendaci, dernier vrai président d’Imaginaria, aura perdu sa liberté. Et je jure que j’aurai complété son œuvre avant le 13 août 2865.

— Laissez-moi, vous êtes folle ! protesta la secrétaire de son père, affolée.

La malheureuse se débattit en vain. Un hurlement retentit soudain au travers de la vaste demeure. Bientôt, les couloirs furent envahis de fumée tandis que les flammes léchaient les murs et les sols. Dehors, l’incendie attira une foule de badauds effarés. Nul ne remarqua la petite silhouette solitaire qui traversait le jardin minéral de la résidence : le fracas assourdissant que fit l’hôtel présidentiel en s’écroulant retint seul l’attention de tous.

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