Interlude

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— Ornella, Aurélia, êtes-vous prêtes ? Nous y allons !

— On arrive, Papa ! lancèrent d'une seule et même voix les jumelles Herbert.

Elles émergèrent de leur chambre, main dans la main, le même sourire angélique aux lèvres, leurs yeux noisette pétillant du même éclat dansant sous leurs cheveux de flamme.

Leur père, Béryl, leur lança un regard approbateur. D'un geste, il les invita à sortir de leur appartement. Peu de temps après, tous trois retrouvaient la mère, Oriane, dans le VAELS qui devait les conduire à la verrerie Herbert. Cette dernière appartenait à la famille depuis que le grand-père des deux jeunes filles l'avait reprise et renommée. Autrefois, elle avait fait partie des biens possédés par la famille lointaine du tristement célèbre président Illu Mendaci, exécuté pour manipulation et pour tentative d'aliénation du peuple imaginarien. La production de l'usine avait baissé suite aux révélations de ses plans tordus, bien que ses cousins éloignés n'eussent joué aucun rôle dans la mystification des bulles-mondes. Les Herbert avaient alors racheté l'entreprise et l'avaient remise sur pied.

Outre la fabrication de verre pour toute sorte d'objets du quotidien comme pour la vitrerie, les locaux abritaient la chaîne de production du diamant synthétique servant à la construction et à l'entretien du dôme de la capitale. En effet, les Herbert étaient à l'origine d'un procédé révolutionnaire permettant sa synthèse en grande quantité.

Béryl avait promis à ses filles de leur faire visiter la manufacture le jour de leur anniversaire. C'est ainsi qu'ils se retrouvaient tous quatre dans le véhicule qui les amenait à toute allure à l'usine.

Il leur fallut moins d'une minute pour y parvenir. Dès l'entrée, les jumelles, admiratives, regardaient tout avec de grands yeux fascinés. Comme ils commençaient à se diriger vers le secteur verrerie, Oriane s'étonna :

— Tiens, il n'y a donc personne ? Tes employés sont en congé ?

Béryl fronça les sourcils.

— Non, normalement, ils sont là... Mais ce doit être l'heure de la pause. Je n'ai pas ma montre pour vérifier, mais c'est la seule explication possible.

Son épouse hocha la tête. L'une des jumelles – Ornella, reconnaissable à ses yeux légèrement plus enfoncés – appela :

— Papa, c'est quoi ces cuves ?

— Ah, ça, c'est là que le verre en fusion est mélangé, répondit fièrement l'intéressé.

— Et pourquoi il est inscrit quelque chose sur celle du centre ?

— Il n'y a rien d'inscrit, qu'est-ce que tu racontes ?

— Mais si, confirma Aurélia. Il y a un numéro : le trois mille quatre cent cinquante-six.

— C'est absurde, protesta leur père en s'approchant, Oriane et Ornella sur les talons.

À sa grande surprise, les deux sœurs avaient raison. Sur la cuve bouillonnante où le verre en fusion jetait une lueur orange sur toutes choses, il lut, en immenses caractères noirs : I.3456.

La petite famille fit le tour de la cuve.

— Mais qui a inscrit cela ? s'étonna le patron de la verrerie.

C'est alors qu'il aperçut la silhouette d'un de ses ouvriers, se découpant comme une ombre chinoise tremblotante dans l'air chaud.

— Holà, l'ami ! lança-t-il. Vous tombez bien ! Pouvez-vous me dire... ?

Il s'interrompit comme d'autres silhouettes sortaient de l'ombre pour les encercler. Étrange... Pour des ouvriers, ils avaient un comportement inhabituel. Et puis, cette démarche mécanique... Le premier travailleur qu'il avait aperçu leva une main gantée et, répondant à son signal, les autres avancèrent vers eux.

Moins d'une minute plus tard, quatre hurlements à vous glacer le sang jaillirent de l'usine Herbert. Les ouvriers – les vrais, ceux-là – qui revinrent de leur pause en catastrophe sentirent tout de suite l'odeur de chair humaine brûlée qui planait au-dessus de la salle des cuves. Sur le sol, les vêtements d'un homme, d'une femme et de deux fillettes. Sur la cuve centrale, la menaçante inscription « I.3456 ». Du patron et de sa famille, des androïdes imposteurs, il ne restait nulle trace ; mais on retrouva dans le verre, à la fabrication de divers objets, des traces de métal fondu et de cendre.

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