LE PERCEPTEUR ou la descente aux enfers... (5)

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Où l’on constate que le ciel et la terre se liguent contre notre héros.

« Paulette, mon petit cœur, profites qu’il n’y a personne pour aller me chercher un café. Il doit en rester de midi dans la cafetière. Tu en prends aussi pour Virginie, si elle en veut. » Ça faisait une bonne heure qu’il travaillait à son bureau. Il lui fallait quelque chose à boire. Pas question de s’absenter, et une bière sur le bord du bureau, ça la foutait mal. Un café, c’était une bonne idée. Ça couperait l’après midi. De plus il avait dans sa tête un fond de somnolence. Le ronron des clients, les paperasses qu’il brassait avec l’automatisme d’une machine, bref... « J’ai pas le temps, monsieur Lamotte. » « Comment ça, pas le temps ? » « Vous savez bien que j’aie des factures de la mairie à collationner. » « Et Virginie ? Elle fait quoi ? Je croyais que tu l’avais formée pour t’aider dans les classements et les pointages? » « Oui, mais si elle fait une erreur, j’ai pas envie d’y passer ma soirée. » « Comment ça, si je fais une erreur ? » « Ah ! La voix mélodieuse de notre petite Virginie. » « Oh, ça va comme ça. Je ne suis pas si nulle qu’on veut bien le dire ici. » « C’est pas tout ça, mais mon café ? » « Virginie à qu’à y aller. » « Ça va pas, non ! Je suis au bureau. Pas bonniche. » Guy Lamotte se leva l’air las et impuissant. « Bon, vous en voulez les filles ? Tant que j’y suis, je vais m’en charger. » « C’est gentil ça, monsieur Lamotte. » Virginie avait son air narquois. Paulette ne répondit pas, ne leva pas les yeux de ses registres. C’était toujours le même cérémonial. Il demandait qu’on lui apporte un café. Tantôt elle s’en chargeait, tantôt c’était lui. Jamais cette chipie de Virginie. Dans le fond, elle se demandait si elle avait bien fait de la faire entrer au bureau. « Tu pourrais y aller de temps en temps, après tout, tu le bois chaque fois ce café. » « Je fricote pas avec mon chef, moi ! » « Virginie, t’es vraiment une petite garce. »

Pendant ce temps, Guy Lamotte était rentré dans ses appartements privés. Pas de bruit ! Maryse devait être repartie faire une promenade/causerie et Thérèse devait buller devant un ouvrage quelconque. Un de ces travaux qui ne sont jamais finis parce que jamais réellement commencés. Du genre bouton à recoudre sur une chemise qui stationne depuis des années dans la travailleuse.

Il se souvint qu’il avait oublié sa montre en se changeant cet après midi, après le repas, assez arrosé, avec le responsable régional du partit. Avant de se diriger vers la cuisine, il bifurqua vers la chambre. Il ouvrit la porte. Il resta bouche bée.

Maryse et Thérèse étaient allongées sur le lit. Enlacées. Thérèse troussée jusqu’au ventre. Elles le regardaient, aussi surprises que lui. Il était comme tétanisé. Il enregistrait la scène, avec une foule de détails, mais sans aucune réaction. Combien dura le face à face ? Une minute, plus ? Moins ? Il referma la porte sans bruit. Il retourna à  son bureau, l’œil fixe, blanc comme un linge. « Monsieur Lamotte, notre café ? » Lança Virginie. Il traversa l’espace/accueil comme un zombie, et, claquant la porte, disparu dans son bureau, sans un mot.

Le temps ne bougeait plus. La pendule ne tictaquait pas. Plus rien que le silence épais, avec en toile de fond, le soir tombant, obscurcissant la pièce. Il ne se passait plus rien. RIEN. Juste un léger  basculement, quelques degrés, sur un terrain déjà glissant et instable. Vers un horizon sombre comme un trou sans fond, un trou en entonnoir, en pente douce vers le néant. La bascule du pendu, le fil de la guillotine qui se dénoue, comme dans un film, au ralenti. L’estomac qui se contracte et se tord devant un destin aussi sûr qu’absurde. Le commencement de la FIN.

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