LE PERCEPTEUR ou la descente aux enfers... (3)

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Où le seigneur du comté met les points sur les « I »

« Monsieur le percepteur, je vous prie de ne pas laisser déborder votre vie privée sur votre activité professionnelle. Nous gérons la commune. Ce sont des problèmes techniques que nous devons résoudre. Vos digressions polémiques ne sont pas de mise dans cette commission. » « Monsieur le Maire, ou mon Amiral ? Je ne sais toujours pas comment vous nommer. » « Ici, Monsieur le Maire, s’il vous plaît. » « Monsieur le Maire, je ne fais que constater ce qui est de mon ressort. Vous semblez oublier ma responsabilité, au moins en temps qu’audit dans la commune. Je dois remettre un rapport à la préfecture via ma hiérarchie. Je conçois que vous n’êtes guerre enclin à entendre des critiques sur votre action municipale. Toutefois, ce ne sont en aucune façon des critiques. Je n’ai pas à juger. Seulement des précisions sur l’état des finances communales et les modalités de règlement des dépenses, et sur quels chapitres les imputer. » « Je vous sais gré de vos précisions, mais nous ne sommes pas des enfants, et nous savons très exactement où nous en sommes. D’ailleurs, Monsieur le secrétaire général a tout cela parfaitement en tête, et peut répondre instantanément à vos interrogations sans même consulter notes ou registres. Ceci dit l’heure avance et j’aimerai épuiser l’ordre du jour. Il me semble que c’est une politesse élémentaire que libérer les membres de la commission à l’heure prévue. Vous semblez oublier que chacun ici a des obligations familiales ou professionnelles. »

Le silence tomba, pesant comme après chaque prise de bec entre le Maire, Amiral en retraite, et le Percepteur, fonctionnaire en activité, responsable de surcroît d’un partit politique d’opposition au niveau local. Quand chacun se leva, imitant le Maire qui signifiait ainsi la fin de la réunion de la commission des finances, ce dernier fit un signe à Guy Lamotte qui fit mine de ranger sa serviette avec encore plus de lenteur que le secrétaire général, pourtant assez minutieux dans ce genre d’exercice. L’Amiral contourna la table et pris notre percepteur par l’épaule.

« Venez donc dans mon bureau, un café nous fera le plus grand bien. » Il ne lui demanda pas s’il avait d’autres choses à faire. C’était un ordre.

Il servit lui-même le café qui attendait au chaud dans la machine. Avança le pot de sucre et regarda Guy Lamotte dans les yeux. « Mon jeune ami votre inexpérience de la vie vous égare. Pourtant vous êtes intelligent. Vous êtes ambitieux. Si... Ça se voit. A ce propos vous avez dû poser votre candidature pour un avancement. Vous savez que vous pouvez compter sur mon appui. Dites-moi où vous désirez être nommé. Je ferai ce qui est en mon pouvoir. Le député ne peut pas me refuser ce service. (... Un silence...) Je pense que vous serez mal avisé de ne pas profiter de cette opportunité. (...Un silence...) Il se peut que cela ne puisse pas se reproduire. (...Encore un silence...) Buvez votre café mon petit, et réfléchissez. » Le prenant une nouvelle fois par l’épaule, l’Amiral raccompagna Guy Lamotte qui n’avait pas dit un seul mot. Sur le pas de la porte il ajouta « Ne tardez pas trop à donner votre réponse... Je vous souhaite un bon week-end ainsi qu’à votre petite famille. » « Je vous remercie Monsieur le Maire. »

Son attaché case à bout de bras, le percepteur disparu dans la nuit.

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