Dollhouse - Dock C

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« Vous n’avez pas le droit de faire ça ! Nous ne sommes pas des animaux ! pesta Tanya au soldat qui la poussait dans le conteneur.
Le Kondo-Bandalorien avait les plaques mandibulaires d’un noir absolu, même si ces trois paires d’yeux révélaient une certaine avidité en voyant le crâne chauve de la capitaine. De sa stature imposante, il bloquait complètement toute possibilité de sortie. Il lui sortit une réplique dans sa langue natale, qu’elle ne comprit pas.
— S’il vous plaît, en tout cas, pas avec lui ! supplia-t-elle en désignant Cicatrice, qui attendait paisiblement au fond de leur cellule improvisée.
Le noir se piqua d’un grand nombre de points beiges, marquant une touche d’amusement. D’un coup de ses puissantes pattes, il ferma la porte, puis la verrouilla de l’extérieur. À présent, leur seule source d’éclairage et d’air était un petit conduit d’aération qui se trouvait juste au-dessus de Cicatrice. Les pales du ventilateur tournaient lentement, obscurcissant à intervalles réguliers le visage du Vaisseau et sa balafre, juste sous son œil droit, qui lui avait valu son nom.
— Enf… Enfoiré ! jura Lazlo.
Il grimaça en voyant l’amende s’afficher dans son exovision. Clarinetta reprenait petit à petit conscience. Dean quant à lui était par terre. Prish’ta l’avait mis dans une position à peu près confortable. Le Kondo-Bandalorien n’avait pas autorisé à ce qu’il garde son Monda-Tech. Son front qui ruisselait de sueur et les convulsions qui l’animaient régulièrement ne laissaient aucun doute : il était en piteux état.
— Qu’est-ce qu’on fait de lui ? demanda Lazlo.
Il pointait Cicatrice d’un doigt tremblant. Dans ce petit espace, ils savaient tous qu’ils n’avaient aucune chance si le Vaisseau devenait fou à son tour. Les gardes qui les avaient conduits à leur cellule leur avaient confisqué leurs armes. À part deux palettes en comboplastique et un rouleau de film, le conteneur était désespérément vide.
— Je vais lui enlever son collier de passivité, annonça Tanya.
— Quoi ? s’étonnèrent toutes les autres personnes conscientes. Elle prit le temps de bien agencer sa pensée avant de continuer.
— Eh bien, si on le laisse libre de sa pensée, il pourra peut-être nous aider ? Et nous indiquer s’il commence à perdre le contrôle.
Un long silence flotta dans la cellule.
— Tu as perdu la tête, capitaine ? osa Lazlo.
Son inquiétude était partagée par Prish’ta. Alors que Tanya s’approchait du criminel, elle fut tirée vers l’arrière par les pouvoirs télékinétiques de l’Alash’tarien.
— Je ne vais pas vous laisser faire ça, capitaine, » assura le petit humanoïde, soudainement menaçant.

* * * * *

L’attente était terriblement longue. Dans un silence etouffant, l’équipage attendait que l’on vienne les libérer. Quand Clarinetta eut complètement émergé de son sommeil, Tanya tenta sans succès de la convaincre de libérer Cicatrice. Au début, ils entendirent des groupes se faire traîner, tout comme eux, dans d’autres conteneurs. Puis, ce fut le calme complet. Ensuite, les premiers cris commencèrent. D’abord, la peur, vite remplacée par la terreur, puis la douleur et la mort. À trois reprises, des Vaisseaux devenus fous semèrent la mort dans des conteneurs proches de l’équipage du Cabriolet.
« Il faut le tuer ! insista Lazlo.
— Non, on ne sait pas s’il est… infecté, peu importe ce qui les rend violents. On ne va pas le tuer sans savoir.
Tanya crut percevoir une brève lueur de gratitude illuminer le regard bleu de Cicatrice.
— Je suis d’accord, approuva Clarinetta. On a vécu tant de choses avec lui… On ne peut pas le tuer comme ça. »
À l’extérieur quelqu’un frappa sur le conteneur. Trois coups brefs. Lazlo répondit à l’appel en tapant à son tour sur la paroi métallique. Une minute plus tard, ils entendirent un claquement au niveau de la porte. Celle-ci s’ouvrit, illuminant la scène. Trois hommes en émergèrent. Ils étaient accompagnés d’un Vaisseau dont l'épaisse coupe afro était teinte en rose. Tanya ne reconnut aucun d’entre eux.
« Ah, bien ! Vous êtes encore vivants, ici ! s’exclama, de sa voix rauque, le premier homme. Je suis Clothilde, le capitaine du Quad.
Il était grand et musclé. Ses cheveux blancs étaient noués dans une longue tresse, ils contrastaient avec sa peau hâlée. Tanya aurait presque pu le trouver mignon, s’il n’affichait pas ce sourire de vieux roublard.
— Tanya, capitaine du Cabriolet. Voici Lazlo, mon second, Prish’ta, Clarinetta, Dean et… Cicatrice, dit-elle en les pointant du doigt au fur et à mesure.
— Voici Ed et Mouss', et il y a Nadia, dans Bonbon, continua-t-il en désignant du menton ses deux acolytes. Vot' Dean là, il était dans un Vaisseau qui a perdu le contrôle ?
Prish’ta hocha gravement sa petite tête reptilienne.
— Je ne sais pas trop comment vous dire ça, dit Clothilde en grattant sa barbe de trois jours d’un air gêné. Il est perdu, sa température va augmenter, augmenter… jusqu’à griller son cerveau. C’est radical.
— Je préfère demander l’avis d’un médecin, demanda Prish’ta. Je vais à l’infirmerie.
Il activa son pouvoir télékinétique. Dean se mit à flotter, un mètre derrière lui. Il quitta le conteneur, les quatres nouveaux arrivants s’écartèrent sur son passage.
— Hé, l’Alash’tarien… Tu n’trouveras personne là-bas. Des centaines de Vaisseaux se sont mis à massacrer tout ce qu’ils trouvent à travers le Dollhouse. On est venu pour que vous puissiez vous barrer d’ici.
Prish’ta ne l’écoutait pas, et il continua sa route.
— Au fait, qu’est-ce que vous faites avec votre Vaisseau activé ? demanda Lazlo.
— Oh, c’est une ancienne version. Un peu comme vot' Cicatrice, là. Ils ne sont pas affectés.
Tanya jeta un regard appuyé à son second.
— Bon, c’était sympa de taper la discut', continua Clothilde. Mais nous, on va voir s’il reste d’aut' équipages prisonniers. Retournez à vot' Cabriolet. »
Le capitaine du Quad fit signe à ses hommes, qui libérèrent la porte. Tanya les vit circuler entre les autres conteneurs de la zone, frappant sur les flancs de ceux-ci. Ils disparurent bientôt dans le labyrinthe multicolore.

* * * * *

En sortant de leur prison improvisée, ils retrouvèrent l’accès à leurs exovisions. Le réseau local était saturé d’alertes, et d’images et de vidéos des Vaisseaux qui semaient la mort et la destruction. Plusieurs départs d’incendies avaient été signalés. Tanya reçut à travers cet amas d’informations un message de Kolom-Batur, qui l’informait qu’il avait été rappelé sur le Dollhouse. Elle essaya de l’appeler, sans succès. Elle tenta ensuite de joindre les identifiants de R^lash et de Tor˅lo˅e, mais aucun des deux ne répondit. Après quelques secondes, la lumière s’éteignit dans toute la zone de stockage. Tanya sentit Lazlo bondir de surprise. Par réflexe, elle mit la main à sa ceinture, mais n’y trouva pas son M-0 Flare, confisqué deux heures plus tôt par les gardes. Leurs exovisions se coupèrent à nouveau.
« C’est mauvais signe… fit Clarinetta.
L’éclairage de secours s’alluma alors qu’elle finissait de prononcer ces mots.
— Pour qu’on ait perdu notre exovision… La panne doit toucher tout le Dollhouse, continua-t-elle.
— Rentrons au Cabriolet ! proposa Lazlo. J’suis pas venu ici pour me faire étriper par une saloperie de Vaisseau ! »
Sans interface pour analyser le moindre de ses mots, il n’avait pas reçu d’amende pour sa vulgarité. Réalisant ceci, il partit dans une longue litanie d’injures, évacuant tout le stress cumulé depuis les premiers incidents. Il commença à se diriger vers les plateformes d’amarrage, n’attendant pas l’avis du reste du groupe. Alors qu’il franchissait une rangée de conteneurs, une main puissante l’attrapa à la gorge. Sans aucune émotion, le Vaisseau transforma sa deuxième main en lame de carbone et laboura le torse de Lazlo avant qu’il ne puisse réagir. Il poussa un hurlement de douleur vite étouffé dans le sang, sous les yeux horrifiés de ses coéquipiers. Le criminel jeta sans ménagement le cadavre, qui s’écrasa violemment contre une paroi métallique. Il s’effondra au sol, dans une flaque de sang. Le Vaisseau se tourna alors vers Tanya et Clarinetta.
« Fuyons ! » cria la capitaine.
Elle vit Clarinetta pousser un bouton sur ses bottes, au niveau de sa cheville, ce qui activa leur magnétisme. Elle grimpa sur le conteneur le plus proche, hors de portée du criminel. Tanya se mit à courir. À gauche. À droite. Elle sauta au-dessus d’un tas de palettes. Elle osa regarder vers l'arrière. Le Vaisseau était toujours à sa poursuite. Elle accéléra. À gauche. À travers un rideau plastique. Elle entendait son poursuivant, juste derrière elle. À gauche. Elle se glissa dans un petit interstice, entre un transpalette et le conteneur qu’il transportait. Le criminel ne pourrait pas la suivre dans un espace aussi étroit. Elle prit une seconde pour respirer. Elle l’entendit se projeter de toutes ses forces sur l’obstacle, qui bougea à peine. Elle sourit.
« Capitaine ! Capitaine ! C’était la voix de Clarinetta.
Elle était sur un conteneur, à sa droite, elle lui faisait de grands signes.
— Putain, j’ai cru que tu m’avais abandonnée…
Elle attrapa la main tendue. Le visage de sa pilote devint rouge, sous l’effort, mais elle hissa Tanya en hauteur, en sécurité.
— Vous pourrez toujours compter sur moi, capitaine, fit-elle très solennellement, avant de partir dans un petit éclat de rire. Je vais prendre un peu de hauteur, tant que notre ami est occupé. »
Elle grimpa facilement sur une pile proche, dont la hauteur aurait affolé n’importe quel contrôleur de sécurité humain. Elle en redescendit deux minutes plus tard.
« Alors, qu’est-ce que tu as vu ?
— Il y a des dizaines et des dizaines de ces vai… de ces connards partout. On ne pourra pas retourner au Cabriolet sans les avoir attirés autre part. »
Le criminel cogna à nouveau dans le transpalette, ce qui ramena les deux femmes à la réalité. Après avoir sauté par dessus trois allées, elles descendirent au niveau du sol. Elles avancèrent dans le labyrinthe de conteneurs à l’aveuglette, en silence.

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