Autour de DL-R00114

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Tanya sortit de transe, en panique. Elle choisit d’ignorer l’icône insistante de R^lash et se tourna vers Prish’ta.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Le petit humanoïde tremblait. Le dispositif qu’il portait au poignet diffusait des hologrammes à très grande vitesse. L’Alash’tarien, qui avait une vitesse de traitement bien supérieure aux meilleurs esprits humains, faisait défiler les informations à un rythme effréné.
— Je ne sais pas, avoua-t-il.
C’était la première fois depuis que Tanya le connaissait qu’il était tenu en échec. De déception, sa collerette était retombée. Ses écailles avaient perdu ce petit côté argenté caractéristique, tournaient désormais vers le gris fade. Cette ignorance, rare chez les Alash’tarien, le bousculait aussi bien physiquement que mentalement. Lazlo sortit de transe à son tour.
— Comment vont Clarinetta et Dean ?
Il tourna la tête vers les deux autres pilotes. De manière classique, après une déconnexion d’urgence, ils avaient sombré dans le coma.
— J’ai fait les premières analyses, annonça Prish’ta. Ils émettent toujours des ondes cérébrales bêta. C’est rassurant pour leur santé mentale. Dans quatre-vingt-quinze pourcents des cas, les pilotes ayant subi des séquelles sur le long terme n’émettaient plus ce type d’ondes à leur sortie de connexion. »
Lazlo poussa un soupir de soulagement. La dernière fois qu’ils avaient perdu un pilote, le jeune second avait mis plus d’une semaine à s’en remettre. Tanya, capitaine du Cabriolet depuis trois ans, avait arrêté de compter les accidents de ce genre. En revanche, c'était la première fois qu’elle assistait à un tel sabotage de Vaisseau, de la part d’un de ses pilotes. L’icône de R^lash s’afficha à nouveau. Tanya s’isola pour répondre. Si elle repoussait ses appels encore plus longtemps, elle finirait en steak tartare pour Kondo-Bandalorien.
« Tu veux bien m’expliquer ce bordel ? Deux Vaisseaux morts dans la même mission ? Je n’avais jamais vu ça !
Ses plaques mandibulaires étaient d’un violet haineux. Tanya voulut prendre une grande inspiration, mais sa gorge nouée l’en empêcha. Elle bafouilla.
— Explique-moi ! Clairement ! tonna R^lash.
— C’est... C'est en cours d’analyse. Je n’ai pas encore de réponse précise à vous offrir, finit-elle par dire, après d’autres hésitations.
— Revenez immédiatement au Dollhouse. À l’amarrage, vous serez tous démis de vos fonctions. »
Elle n’eut pas le temps de répondre, R^lash avait mis fin à l’appel. Il leur faudrait deux heures pour rentrer au Dollhouse. Elle devait entre temps trouver un maximum d’informations.

* * * * *

Après avoir rangé les Vaisseaux survivants dans leurs tubes, Tanya et Lazlo allongèrent les deux pilotes dans le coma sur la grande table de la salle de repos. Prish’ta récupéra dans un kit de premiers secours deux bandeaux chromés Monda-Tech. Il sauta sur une chaise, puis sur la table. D’un geste de la main, il dégagea les longs cheveux blonds bouclés de Dean et posa le bandeau sur son front. Ce faisant, il réalisa à quel point la température du jeune humain était élevée. Les petites prothèses sous-cutanées en forme de cornes qu’arborait Clarinetta sur son front empêchèrent Prish’ta d’installer le bandeau. Il dut le poser sur son torse. Il appuya ensuite sur les deux boutons d’activation. Aussitôt, les Monda-Tech projetèrent des hologrammes affichant en direct l’état de santé des patients.
« On voit que Clarinetta est une pilote expérimentée. Elle est déjà en train de se remettre de la déconnexion brutale. Quant à Dean…
Un nombre impressionnant d’indicateurs étaient dans le rouge.
— Il va nous falloir du meilleur matériel que ce qu’il y a ici pour le tirer de ce mauvais pas, continua Prish’ta. Je vais faire le maximum, en attendant.
Il tendit la main vers le kit de premiers secours accroché au mur blanc de la salle de repos. Usant de son pouvoir télékinétique, il amena les différents éléments qui le composaient à sa portée.
— Lazlo, amène le collier de passivité d’Onze-Carré dans ma cabine.
— Bien, capitaine. »
Le jeune homme ne put retenir la grimace de dégoût qui déforma son visage d’ange.
Il ouvrit l’écoutille qui le ramena au couloir principal et se dirigea vers les cabines de pilotage. Après un bref passage en zéro gravité, il arriva dans la grande pièce. Les quatre doubles sièges ovoïdaux d'un blanc céramique étaient vides, les combinaisons des Vaisseaux avaient été négligemment jetées au sol, les foreuses encore dégoulinantes de sang étaient posées dans leur étui. Les câblages qui pendaient négligemment entre les cabines et le plafond finissaient de donner un aspect glauque à la scène. Les cadavres d’Onze-Carré et de Vingt-Quatre se trouvaient dans le sas, dans leurs combinaisons. Il passa son badge devant le lecteur. La lourde porte s’ouvrit. Le sang sur les murs avait déjà séché. La vision horrible donna un haut-le-cœur à Lazlo.
« Sois courageux, murmura-t-il, ce n’est pas en te comportant comme un lâche que R^lash finira par te confier le commandement d’un de ses vaisseaux miniers. »
Malgré le verrouillage imposé par le badge, Lazlo avait toujours une appréhension à pénétrer dans un sas. Sa mère, quand elle avait appris qu’il voulait partir travailler en tant que mineur d’astéroïde, lui avait montré tous les films d’horreur possibles et imaginables ayant pour contexte l’espace. Dès lors, pénétrer seul dans un sas lui donnait des frissons de terreur. Il s’approcha du cadavre d’Onze-Carré. La tête du criminel gisait mollement à vingt centimètres du reste du corps. La découpe par la lame en carbone monocellulaire de Cicatrice était nette. Lazlo réalisa soudain qu’il avait tué cet homme.
« C’était un criminel…
L’identifiant d’Onze-Carré commençait par zéro neuf, ce qui signifiait qu’il avait été condamné pour viol sur espèce extraterrestre.
— Juste un criminel. »
Le collier de passivité du Vaisseau avait été coupé en deux, lors de la décapitation. Il grimaça. Tanya n’allait pas être contente. Il ramassa les morceaux et quitta le sas en poussant un soupir de soulagement.

* * * * *

Tanya enleva sa combinaison de cuir noir bordée de rouge et entra dans la douche. Elle avait besoin de cinq minutes de détente, de cinq minutes de calme, avant de se plonger dans cette enquête. Les haut-parleurs intégrés jouèrent un morceau de Kramo, musique de fête des peuples sauvages de Keppler-III. Les percussions calmes et douces, accompagnées des voix graves et vibrantes des nourrissants Noplocks apaisèrent Tanya. Elle pensa à Kolom-Batur, son petit ami. Sa main glissa entre ses cuisses, mais la réalité la rattrapa dès la fin de la première chanson. Elle sortit de la douche et se regarda dans le miroir. Elle savait ce qu’elle devait faire pour se faire pardonner auprès de R^lash. Elle devait se rendre plus… appétissante. Les Kondo-Bandaloriens n’étaient pas bien différents des hommes, sauf qu’ils préféraient penser avec leur panse, plutôt qu'avec leur sexe. Elle prit une grande inspiration et regarda une dernière fois sa longue chevelure corbeau, aux mèches en dégradées de rouge. Elle ouvrit l’armoire à pharmacie et en sortit un rasoir.
« Ça repoussera rapidement, » se mentit-elle pour se convaincre.
Elle quitta sa salle de bain quelques minutes plus tard, le ventre noué. Lazlo l’attendait dans sa cabine.
« Pose le collier sur mon bureau, » fit-elle sèchement.
Elle avait remarqué le regard étonné du jeune homme et, comme elle ne souhaitait pas fournir d’explications, l’embarquait directement sur le travail. Ils s’approchèrent de la grande table centrale. Tanya pianota sur le clavier. Le gel bioélectrique se répandit sur toute la surface du bureau. Lazlo posa les deux morceaux du collier de passivité au centre de celui-ci et s’assit sur un des sièges en cuir. La substance visqueuse absorba bientôt les composants électroniques.
« ¡ ¡ Ki˅olo`po`Ana^bri ¡ ¡ annonça une voix de synthèse. L'interface était bloquée sur le Bandalorien. Même avec l’aide de Prish’ta, Tanya n’avait jamais réussi à la faire parler en anglais. Grâce à cela, elle avait à présent quelques notions de la langue natale de R^lash. Elle avait d’abord pris ça pour un bizutage de la part de l’Alash’tarien, mais avait vite compris que ces quelques mots avaient légèrement rééquilibré le rapport de force avec le Kondo-Bandalorien.
— Ça veut dire : analyse en cours.
Lazlo se retint de dire qu’il aurait pu deviner sans son aide, mais préféra ne pas énerver sa capitaine, à l’humeur changeante. Il tenait à garder ses yeux de leur vert naturel, si charmant.
— Retourne au poste de pilotage et programme une trajectoire de retour vers le Dollhouse, ordonna Tanya.
— Compris. »

* * * * *

Lazlo quitta la cabine de la capitaine. Dans le couloir en gravité zéro, il entendait l’Alash’tarien qui parlait seul dans sa langue natale sifflante. Dans les jeux de lumière, il voyait l’ombre du petit humanoïde qui s’affairait au-dessus des deux blessés. Il s’aida des barreaux en aluminium pour progresser jusqu’au poste de pilotage principal. Alors qu’il s’approchait de l’écoutille, il entendit un grincement métallique derrière lui. Il se retourna pour voir le visage haineux du Mince, de l’autre côté du couloir. Toutes les dents du criminel, jaunies par les racines DoOolies, étaient visibles. Les vaisseaux sanguins dans ses yeux avaient explosé.
« Qu’est ce que tu fais là, toi ? fit Lazlo, étonné.
D’un geste souple de son gant de réalité augmentée, il invoqua dans son exovision le statut du criminel. En constatant sa sortie non autorisée du tube, le collier de passivité lui avait injecté cinq doses de tranquillisants, , sans réussir à l’arrêter.
— Cinq doses ? Tu ne devrais même plus avoir la force de respirer.
Le Mince poussa un grognement de haine. Aussitôt, l’Alash’tarien arrêta de siffler. Lazlo vit l'ombre du petit humanoïde se raidir. Le Mince banda ses muscles, prit appui sur la porte qui menait à la soute et se propulsa vers Lazlo, les deux mains en avant. Réalisant soudain le danger, le second de Tanya dégaina son M-0 Flare.
— Arrête-toi ! cria-t-il en braquant son arme sur le criminel.
Mais le Mince continua sa progression. Sa prothèse de main droite se transforma en lame de carbone monocellulaire.
— Arrête-toi ! insista Lazlo, articulant chaque syllabe clairement.
Le Mince tendit la main droite vers l’avant. Le M-0 Flare claqua. Les cinq vagues d’énergie se déployèrent et frappèrent le criminel sur son épaule droite, qui se disloqua dans un craquement sourd. La puissance de l'impact l'avait stoppé dans sa progression. Il poussa un nouveau grognement attrapa un barreau de sa main gauche et se jeta à nouveau vers Lazlo.
— S’il te plaît, arrête-toi ! » supplia le second du Cabriolet.
Le criminel ralentit. Son visage se retourna sur cent quatre-vingts degrés. Lazlo entendit un claquement inquiétant alors que les os se brisaient et les muscles se déchiraient. La lame de carbone se rétracta. Le Mince retomba mollement sur Lazlo, qui mit quelques secondes à réaliser que Prish’ta, grâce à ses pouvoirs télékinétiques, venait de le sauver.

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