Chat-pitre 16

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Maîtres et félins partagèrent leurs impressions sur cette journée fructueuse. Contents d'avoir fédéré autant de monde autour de leur cause, ils chantèrent ensemble un « Happy day » enjoué et dansant. Et comme ils le faisaient à chaque heureuse occasion, Chausson-blanc frappa sur un xylophone avec ses coussinets, Miss-socquette tapota sur un tambourin de peau avec sa patte, le maître agita des maracas en levant les bras, la maîtresse secoua des grelots en roulant des hanches, pendant que les chats miaulaient en cadence et, que Chaussette-rayée tournait au rythme de la musique dans son fauteuil motorisé tout en remuant les épaules.

Belle ambiance à la maison !

Aujourd'hui, c'était jour de fête, mais demain serait jour crucial. Demain, il serait temps d'agir en conséquence. Pour l'heure, le temps était aux louanges, aux réjouissances et aux danses spontanées. Ainsi, dans le pavillon modeste du couple de pasteurs, des éclats de rires et des miaulements joyeux résonnèrent jusqu'à tard dans la nuit.

Le lendemain, dès potron-minet, la maisonnée se prépara pour ce jour décisif. Maîtres et chats se pomponnèrent et se mirent sur leur trente-et-un pour faire bonne impression. Poil brillant et cheveux bien peignés, ils se recueillirent ensemble, priant pour les enfants qui la veille s'étaient engagés à les accompagner jusqu'au bâtiment administratif. Bien sûr, ils les espéraient nombreux car le nombre ferait la force et pourrait faire pencher la balance en faveur de Chaussette-rayée. Malgré tout, ils restaient prudents... Cette fois-ci encore, ils n'étaient au contrôle de rien et devaient simplement faire confiance.

Il était aussi prévu que les chats-troupés se diviseraient en groupes de dix pour contrôler le quartier et dissuader les éventuels contradicteurs de leur barrer la route. Aux neufs coups vibrant à la vieille horloge héritée des grands-parents, toute la famille endimanchée sortit de la maison.

Et là, ce fut la surprise ? Alors qu'ils s'attendaient à n'avoir à leur côté que quelques courageux déterminés, ils furent abasourdis de voir un grand rassemblement d'enfants silencieux qui patientaient en arrière du muret. La rue était pleine de gamins de tous âges, dont les yeux brillèrent en apercevant Chaussette-rayée s'avancer dans son fauteuil. De cette multitude, s'élevaient des murmures admiratifs :

— Notre mascotte... C'est notre mascotte... Notre gagnant... Le meilleur...

L'étonnement fut à son comble lorsque du milieu de la foule se hissa une bannière. Large de plus de trois mètres et tenue par quatre enfants vigoureux, y était inscrit en lettres noires et majuscule : « TOUS DERRIERE CHAUSSETTE-RAYEE ! »,

Émue par cette grande mobilisation autour de leur minou qui depuis son plus jeune âge, avait surtout connu les quolibets, avait été considéré comme un monstre à enfermer, puis rejeté plus qu'apprécié par les gens de l'extérieur, la maîtresse ne put retenir ses larmes. Son époux était lui aussi touché par cette ferveur autour de leur chat-thlète. Ses mains tremblaient d'émotions tandis qu'il tapotait le dos de sa vedette enroulée dans sa cape et figée d'ébahissement. Passé le portillon, le maître donna instruction aux enfants réunis de les suivre en silence et de garder un comportement digne, à l'image de leur mascotte, jusqu'au bâtiment administratif. Tous acquiescèrent en hochant du bonnet. Puis, celui dont ils s'étaient moqués par le passé mais en qui dorénavant, ils s'identifiaient et placés tous leurs espoirs de victoire, s'avança sur le trottoir. Escorté de sa famille au grand complet et précédé des signaux sonores de ses manettes de direction, le petit animal se fraya un chemin parmi la foule muette et respectueuse. Puis, sur ordre de son maître, il actionna sa boite de vitesse et prit tranquillement la direction du service des sports. Comme un seul corps, le rassemblement se mit aussitôt en marche. Sous le regard éberlué des voisins à leur porte, les gamins faisaient front pour une même cause pendant que le chat-troupement se scindait en groupes de veilleurs et gardaient les arrières.

La mascotte en tête de file, le cortège ne passa pas inaperçu et la Police fut prévenue par un citoyen effaré de voir autant de monde dans les rues de sa commune. Les gardes nationaux ne tardèrent pas à débarquer. Au constat de ce regroupement d'enfants sages et disciplinés, après avoir demandé au couple de pasteurs la raison d'un tel déploiement puis compris de quoi il retournait, les agents se contentèrent d'encadrer la marche silencieuse. Jugeant la situation rocambolesque, Chaussette-rayée sourit en lui-même et songea " Eh bien... moi que beaucoup avaient condamnés à une réclusion perpétuelle, me voilà désormais libre de rouler dehors. En prime, me voilà entouré, aimé et... escorté de la Maréchaussée. Il y a de quoi frétiller des moustaches et se chat-marrer... "

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