Chat-pitre 7

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Les jours suivants, par amour et compassion, les propriétaires de Chaussette-rayée poussèrent les meubles du salon, préservèrent leur beau parquet ciré sous de vieux linos conservés au garage puis l'autorisèrent, casque ajusté et enfoncé sur le crâne, à faire de la planche à roulettes dans la maison. L'idée était sympathique et le matou qui s'ennuyait ferme — passant du panier au pouf et du pouf au panier — fut heureux de remonter sur son engin et de retrouver les sensations de vitesse. Malheureusement, après avoir roulotté sur quelques mètres, sa déception fut visible. Certes, Chaussette-rayée pouvait essayer de mini-figures d'appartement, mais ces ersatz d'acrobaties étaient hélas, sa seule possibilité. Le manque de place limitait son déplacement et l'excitation éprouvée au-dehors ne fut pas au rendez-vous. Bien sûr, l'effort était louable, mais l'attrait était moindre et la frustration conséquente. Témoins de la déconvenue de leur minou, les maîtres désolés ne réitérèrent pas l'opération.

En revanche, l'appareillage attaché à son moignon et censé lui permettre de jouer, s'avéra plutôt efficace. Le débrouillard matou fit bon usage de l'outil. Debout en s'adossant à un mur ou à un meuble, Chaussette-rayée l'utilisa pour renvoyer les balles en mousse lancés par ses propriétaires qui applaudissaient ses progrès et l'encouragèrent à s'en servir régulièrement.

Chaussette-rayée était au centre des attentions. Chaque jour, sa maîtresse le cajolait et le massait, tandis que son maître l'aidait à muscler son moignon en catapultant des balles. Les progrès furent appréciables. En moins de deux semaines, le matou mania l'attelle rebaptisée par les propriétaires " Béquillon-copain " avec force et habileté. Il tapait dans les boules en mousse qui volaient à travers le salon et rebondissaient d'un mur à l'autre. Pour permettre à Chaussette-rayée de partager ce squash avec toute sa famille, les meubles encombrants et les objets fragiles furent repoussés, offrant un espace ludique plus large et plus pratique.

Quelle joie alors, de voir Chaussette-rayée participer pleinement aux jeux félins ! Pour ses propriétaires, ce fut même la stupéfaction de s’apercevoir qu'au fil du temps, il était le plus doué et le plus vigoureux des joueurs. Épatés par le " sans-pattes ", ils se transformèrent en coachs et augmentèrent les exercices. De concert, ils lui apprirent à saisir des objets en s'aidant de Béquillon-copain, l'exercèrent à gratter sa litière et se hasardèrent à le faire... dessiner.

Bon, côté crayonnage et peinture, Chaussette-rayée était loin d'être un as du pinceau ou un futur Botticelli. Il fit quelques gribouillages sur lesquels se pâmaient ses maîtres, mais ne montra pas de don particulier dans ce domaine. Autant dire que ses œuvres ne cassaient pas trois pattes à un matou. Il fallut se rendre à l'évidence. Le minou mutilé n'avait pas le potentiel d'un barbouilleur en devenir ni même la fibre artistique.

La vie continua ainsi pour le chat en quarantaine. Cahin-caha, il tua le temps en huit-clos avec Béquillon-copain pour chasser l'ennui. Puis un jour comme les autres, alors qu'il était seul et coloriait une feuille de ses graffitis brouillons, il entendit un frôlement près de lui. Oreilles en écoutille, il releva la tête et vit l'ange qui l'avait déjà visité.

— Dieu t'a entendu dans ta détresse, murmura-t-il.

— Miaoui ?

— Oui, et il veut encore t'aider. Voilà pour toi, chuchota l'ange en pointant le doigt vers la gauche.

Chaussette-rayée pivota dans la direction indiquée. À sa grande surprise, trônait au milieu de la pièce, un fauteuil roulant à sa taille.

— Avec ce siège électrique, tu vas pouvoir te déplacer bien plus loin qu'avec ta simple planche à roulettes, précisa l'ange. Fais-en bon usage.

Chaussette-rayée était dérouté. Cette réponse divine n'avait ni queue ni tête. " Pourquoi un fauteuil électrique, se demandait le matou, alors que je n'ai plus le droit d'aller dehors ? "

— Ses voies ne sont pas tes voies, répondit l'Etre céleste qui décryptait ses pensées.

" Mais pourquoi Dieu m'offre-t-il un chariot aussi sophistiqué et ne me donne-t-il pas deux paires de pattes ? se questionnait Chaussette-rayée. N'en-a-t-il plus en stock ? Serait-ce hors de sa volonté ? Pas dans son pouvoir ? "

— Dieu peut toutes choses, renseigna l'ange. Il a des plans de bonheur et non de malheur pour ceux qui l'aiment, mais ses plans ne sont pas tes plans.

Chaussette-rayée continua de regarder le fauteuil roulant avec des yeux grands comme des assiettes plates. Il ne comprenait rien à rien, cependant il fut content, s'imaginant se déplacer librement dans la maison grâce à ce siège électrique.

— Fais bon usage de ce qu'Il te donne et va avec la force que tu as... lui dit l'ange avant de disparaitre.

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