Lettre à mes chérubins

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Mes enfants,

Je vous écris une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps ...

Oui, je sais, j'ai emprunté le début à Boris Vian. Si vous ne savez pas qui c'est à l'heure où vos yeux parcourent ces mots, une chose est certaine, j'ai grave raté votre éducation. Ce n'est pas une impossibilité, depuis que vous êtes nés, vous me renvoyez à ma perpétuelle imperfection.

Je ne vous remercie pas. Ou si ?

Vous n'avez pas une mère facile, il faut le reconnaître. Je suis un arc-en-ciel d'émotions et de sensibilité. Il n'est pas évident de composer avec ça, je le sais. Sans doute qu'un jour, vous me le repprocherez, seulement, je pense que si j'étais un statue de granit, vous raleriez aussi, alors, franchement, autant vous montrer le panel de la vie. Quitte à aller emmerder un pauvre psy avec vos états d'âme, autant avoir des choses à raconter, non ?

Finalement, vous devriez m'être reconnaissant.

Je suis drôle, vous ne pouvez le nier. Et déjantée. Avec moi, la musique est forte, les rires aussi, et on ne peut pas me ranger dans la catégorie des psychorigides.

Bon, à côté de ça, je l'admets, les pleurs aussi sont forts, et le vague à l'âme, je l'ai plus souvent que je ne le souhaiterais. C'est l'histoire des gens qui pensent trop, et qui s'évadent pour contrer les rouages de leur cerveau envahissant. Est-ce que je cherche à me justifier ? Sûrement. ça vous agace ? Tant mieux. A ce qu'il parait, les choses qui agacent en disent plus sur nous que sur celui qui les a prononcés. Et c'est une femme souvent agacée qui vous parle, c'est dire l'expérience que j'ai dans ce domaine !

La stabilité instable, vous aurez connu. Votre mère est un paradoxe oxymoresque. Si vous n'avez aucune idée de ce dont je parle, prenez un dictionnaire. Non, mieux, allez vivre ! Expérimenter ! Ressentir !

Je devine ce que je rate avec vous, et, ce que je n'ai pas le courage de voir, je le sais, vous ne manquerez pas de me le renvoyer en pleine tronche. C'est le jeu de la vie, le cycle éternel ou je ne sais plus ce que Disney disait. Les enfants accusent les parents, les parents accusent les coups. Inversement réciproque. Dans l'histoire, au final, je crois que chacun fait au mieux, et vos bagages, il faudra apprendre à faire avec. Non pas que j'éviterais vos doléances, les entendre fait parti de l'aventure de la parentalité, mais, dans la vie, on n'est jamais responsable que de soi-même. Enfin, je crois. Les croyances évoluent. Si vous saviez ce que je pensais à vingt ans ...

S'il y a quelque chose que vous devez reconnaître, c'est quand même celle-ci. Je vous ai lancé dans la vie. Je vous ai montré que les livres sont formidables, que la fuite peut être salvatrice, mais que rien ne vaut l'expérience. Aller se frotter aux choses, se prendre des coups, se relever, oser, risquer, s'en remettre, et recommencer. C'est ce que vous avez vu, dans mes larmes le soir, dans mes fous rires le matin, dans mes colères sous la douche, dans mes câlins au milieu de la nuit. C'est dans ce dont vous avez sûrement souffert que avez tiré les meilleurs enseignements.

Rien n'est parfait, et surtout pas votre mère.

Rien n'est facile, et surtout pas la vie.

Rien n'est constant, et surtout pas les épreuves.

Rien n'est figé, et surtout pas les doutes.

Il faut s'en accomoder. Je sais, je joue les madame-je-sais-tout, moi qui m'accomode mal de tas de trucs, mais encore une fois, n'est-ce pas le rôle des parents ? Essuyer les plâtres pour tenter de vous éviter des chutes avant de réaliser qu'il faut vous laissez les faire ?

Bref, j'ai fait de mon mieux. Je fais de mon mieux. Parfois, je le dis pour me dédouaner. Parce que j'ai pas envie de faire d'efforts. Parfois, je le dis avec le coeur en vrac. Parce que je n'arrive pas à assurer comme je le voudrais. Voilà un bel exemple de désillusion. Les céréales ou les frites le soir, ce n'est pas pour vous faire plaisir, c'est par flemme.

Quand on découvre ça, c'est un monde qui s'effondre, je sais.

Mais le plus souvent, je le dis avec une sincérité qui me dépasse. Un "je fais de mon mieux" qui veut dire "je vais essayer encore et je vais y arriver, à faire mieux, chaque fois, un tout petit peu mieux."

Quand vous lirez ces mots, vous aurez grandi. Je ne serai plus une super-héroïne mais, vous voulez que je vous dise, tant mieux. C'est chiant, les super-héros. ça triomphe toujours de tout. Si l'existence était aussi simple, ça se saurait.

Non, moi, je préfère les autres. Pas les anti-héros, ceux-là aussi, c'est n'importe quoi, mais les héros qui sombrent et se relèvent. A mon humble avis, ce sont eux qui font avancer le monde. Pas pour rien que je vous ai foutu devant Kaamelot dès le primaire ...

Bref, vous devez en avoir marre de me lire. Là encore, vous ne l'ignorez pas, c'est un de mes défauts. Je parle, et j'écris beaucoup, pour ne rien dire. Je vais donc en arriver au point central de mon propos.

Je suis désolée. Je suis désolée pour l'impatience. Pour l'ennui. Pour les fois où j'ai douté de vous. Pour les soirées où j'étais ailleurs. Pour les matins où j'étais pas vraiment là. Pour les facilités que j'ai choisi d'appliquer en sachant parfaitement que c'en était, des facilités. Pour avoir abandonné, à certains moments. Pour avoir cédé, quand il aurait fallu tenir bon. Pour avoir tenu bon, quand vous m'avez demandé de céder. Pour avoir failli. Pour avoir été chiante. Pour ne pas toujours avoir fait de vous une priorité. Pour mes colères. Pour mes imperfections. Pour les idées débiles que j'ai eues. Pour les journées maussades. Pour mon coeur en vrac. Pour ma tête en désordre.

Pour tous ces petits moments où je n'ai pas été la mère que vous méritiez. J'aime à croire que ça vous a fait grandir mais, avouons-le, c'est sûrement pour mieux dormir la nuit que je l'affirme.

Mes chers enfants, j'ai fait comme j'ai fait. Maintenant, il vous appartient d'en tirer un truc pas trop dégueu. Du plus dur naissent souvent de belles choses. Ce n'est pas qu'une question de force, ni de choix, mais de survie.

Cela s'appelle la résilience, et j'aime à croire que ça aussi, je vous l'ai appris, si tant est que ça peut s'apprendre.

Voilà, j'aurais des tas de choses à rajouter, mais vous avez mieux à vivre que de vous plonger dans les méandres de mes neurones.

Allez vous casser la gueule, mes amours. "Les chutes sont mortelles : on tue un état pour passer à un autre". Je ne sais plus de qui c'est, mais j'aime bien.

Votre mère.

Ps : Ne cherchez pas à être heureux, cherchez à être vivant.

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