Soir de rentrée (le premier d'une longue série, là aussi)

4 minutes de lecture

Après une longue journée en solitaire à me ronger les sangs (non, je déconne, j'ai été à la mer et j'ai dormi), il me faut résoudre l'épineuse question restée en suspens le matin-même. A quelle heure je me pointe pour récupérer ma progéniture ?
J'enquête. Rapidement, deux options semblent s'offrir à moi : faire le pied de grue devant la grille à partir de 15h30 ou attendre le coup de fil des flics.
Radicales, les options.
Tout bien considéré, je crois que je devrais arrêter de prendre des avis sur ce site d'écriture à la con. A chaque fois, il ne m'arrive que des bricoles.
Comme je suis toujours une mère géniale, en un peu plus bronzée, je décide d'appeler l'école. Quitte à passer pour une andouille, autant me faire bien voir.
"C'est 15h45, mais 16h30 avec les T.A.P"
Je me tâte. Finalement, un poil suicidaire, je décide que les TAP, ça sera pour demain. On devrait me décerner la Légion d'honneur.
15h48 : mes deux enfants sont en vie. C'est un bon point. Le maître dit que "tout s'est bien passé. Votre fille a pleuré un peu, mais dès que vous êtes partie, ça allait mieux."
Quelle peste, celle-ci.
15h50 : "Tu as fait quoi à l'école ?"
"J'ai mangé à la cantine."
Ils ne doivent pas beaucoup se fouler, les instits, si c'est le seul truc qui l'a marqué.
"Et c'était quoi, à la cantine ?"
"Du riz. Et des épinards. Et une prune."
Cool, ils ont eu leurs légumes. Ce soir, c'est frites.
"Et tu as fait quoi d'autres ?"
Aucune réponse. Rien, nada, niente. A force de douceur et de câjoleries, j'entends vaguement parler de toboggan, de camion de pompier, et de dessin. Bref, une sorte de crèche améliorée.
16h05 : les pleurs non sortis à l'école sont sortis dans le salon. Je me fais un thé "zen". ça marche moyen.
16h30 : Ils ont goûté. Ma grand-mère avait prévu des gâteaux. Tout le monde est content. Moi, je regarde ma montre. Encore 3h avant de les mettre au lit. Joie.
17h : Procession devant les toilettes. Applaudissements généraux suite à l'expulsion de selles et d'urine. Cette histoire dure depuis un mois. Je commence à en avoir marre de taper des mains pour un caca.
17h05 : Nouveaux pleurs. Une histoire de tour de duplos cassée. J'ai mis un coup dedans sans faire exprès, il a cru que c'était sa soeur. J'ai rien dit.
17h30 : Nouveaux pleurs. J'ai interdit d'utiliser la serpillière pour faire un camion poubelle. Visiblement, ils ne sont pas d'accord sur le fait que je suis une mère géniale.
17h45 : J'appelle la mienne, de mère. Tout le monde s'en fout. L'escargot dans le jardin est bien plus intéressant. On dirait que c'est moi qui raconte ma rentrée.
18h : Plus qu'une heure trente avant le coucher.
18h05 : "Il fait quoi, le maître ?"
"Il est sûrement en train de se pinter la tronche parce que demain, il s'occupe encore de vous pendant sept longues heures. SEPT LONGUES HEURES. Je ne sais pas si tu te rends compte, ma chérie, mais c'est un miracle qu'il soit encore en vie, cet homme. Je me demande s'il a déjà songé à se pendre ?"
ça, c'est ce que j'ai envie de dire. A la place, je reste dans mon rôle de maman géniale, et sors un simple "il doit être à sa maison, mon amour, avec ses enfants".
Ah, ah, le pauvre.
18h15 : C'est l'heure de la douche. Etrangement, en sortant de la salle de bain, ce ne sont pas eux les plus mouillés.
18h30 : A table. Les frites ont du succès. L'épisode serpillière est oubliée, je suis de nouveau une maman géniale. 25 minutes de silence. J'hésite à ajouter des somnifères dans leur verre d'eau pour prolonger cet état de béatitude.
19h : Nouveaux pleurs. Ils avaient pas compris qu'il fallait y retourner demain, à l'école. La déception est totale.
19h05 : "Ils sont où les copains ?"
"Chez eux."
Simple, rapide, concis. Dieu merci, il semble trouver cette réponse suffisante.
19h15 : papa appelle. Il n'a pas plus de succès que moi sur le compte-rendu de la journée. Au moins, lui, n'a pas les pleurs.
19h30 : Une histoire. Deux histoires. Trois histoires. ET MAINTENANT TOUT LE MONDE AU LIT.
19h45 : Comme toujours, la pratique ne rejoint pas la théorie. J'en suis à deux "pipis", un "caca", "trois verres d'eau" et "cinq câlins".
20h : Je mange. Enfin, presque. On est arrivés à six "pipis", trois "cacas", un verre d'eau renversé, huit "câlins" et deux "ça suffit, j'en ai marre, on dort". Le succès du couchage est mitigé, je ne vous le cache pas.
20h15 : "Maman n'a pas beaucoup de patience".
Je n'ai pas répondu. Il ne valait mieux pas.
20h30 : "J'ai perdu doudou".
Je cherche doudou. En vain. Il était dans son pyjama. Je souffle profondément pour rester zen. J'ai fini le sachet de thé depuis longtemps.
20h45 : Douche surprise. "J'ai enlevé la couche et j'ai fait un gros caca." Je dois l'avouer, je pleure un peu.
21h : Plus de bruit. Enfin.
21h05 : "Demain, maman, elle reste à l'école avec moi ?"
Pitié.
Sauvez-moi.

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