La guerre de la faille n'aura pas lieu

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« Ô grand djinn ! Ici, dans mon antre, tu n’es pas le plus puissant. Chaque fois que tu y viendras, tu prendras cette forme. Maintenant, va ! Tu t’es donné une mission, ne la néglige pas », ordonna Merlin à Miou.

L’image de Baronni se dissipa.

***

Dans la taverne, les deux hommes qui avaient subi plusieurs morsures, dont certaines à l’abdomen, suggéraient que les canards avaient cherché à leur dévorer le foie. Ils décédèrent une heure plus tard malgré les soins prodigués. Une palabre s’était engagée entre les douze survivants. Roland exposa que les canards-zombies entraient à Historia, par une faille située dans les sous-sols de la bibliothèque, mais qu’il ignorait comment la refermer. Silaid pour sa part espérait être en mesure de la clore, mais pour ce faire elle devrait se trouver à proximité, et ne voyait absolument pas comment y parvenir. La princesse tournait le dos à la longue table, qui après avoir été utilisée comme lit de campagne faisait maintenant office de catafalque, sur lequel reposait l’une des victimes. Quand, la main du mort bougea, personne ne le remarqua ; lorsqu’elle se referma sur le poignet de Silaid, celle-ci fit volte-face, se retrouva devant un cadavre qui, bouche grande ouverte, se redressait pour la mordre.

À cet instant, un couteau de lancer percuta violemment le front du mort-vivant et y pénétra profondément projetant des esquilles aux alentours. Simultanément, une seconde lame traversa le sommet du crâne du second défunt qui reposait encore inerte sur une autre table. Suivant à rebours les trajectoires des deux projectiles tous les regards se dirigèrent vers la porte censée être verrouillée. Dans l’embrasure se tenait un inconnu, mesurant une toise à une paume près. Une paire d’étranges optiques opaques sur le nez, entièrement vêtu de cuir noir, arborant un sourire ravageur, il lança : « Ce truc-là vous saute dessus comme la vérole sur le bas clergé des Marches du Légendaire.

– Dois-je vous remercier ? Ce truc-là… était encore il y a peu, un homme courageux, se portant au secours d’un compagnon en grand danger. Alors, il mérite votre respect, s’insurgea Silaid.

– Non, Princesse, il est inutile de me remercier ! J’éliminais des concurrents qui voulaient vous voler un baiser avant moi, gouailla l’inconnu balayant le sol des plumes d’un chapeau imaginaire. Quant au truc, ce n’est pas un de ces types… mais le truc qui, quand vous êtes mordu, vous condamne à mort… et transforme votre cadavre en prédateur refilant le truc à ses victimes… Suis-je clair, Princesse ? »

Extrayant, d’un geste précis, son poignard du front du défunt qui avait tenté de croquer Silaid, il ajouta : « Vous permettez ?

– Qui êtes-vous ? Comment savez-vous qui je suis ? Quant au baiser… si j’attrape ce truc, ce sera avec plaisir ! »

Il essuya consciencieusement l’allumelle, sur la chemise du trépassé, puis la glissa dans sa botte droite. « Mais j’ignore qui vous… Ah ! Vous êtes une princesse, une vraie, pas comme les miennes ! » S’étant approché de sa seconde cible, il fit littéralement disparaître dans sa manche la lame, qu’il avait nettoyée de même façon, après l’avoir extirpée du crâne du gisant. « Je baptise “princesse” toutes les femmes séduisantes. » Se tournant vers l’accorte ribaude blonde, qui ne quittait pas des yeux son… sa… virilité, particulièrement mise en valeur par son pantalon moulant. Il badina : « Toi, ma princesse, accepterais-tu un baiser ? » La gourgandine, se pressant contre lui, l’embrassa goulûment. Dès qu’il pût à nouveau respirer, tout en appréciant, d’une main, la fermeté du postérieur de la jeanneton, de l’autre, il invita la seconde à les rejoindre. Il se présenta : « Je suis Mi… », jetant un coup d’œil sur Gaël, il se reprit : « Appelez-moi Mir ».

« Ho ! là ! gringalet ! Kay est en main alors, elle reste avec moi », tonitrua un géant, dépassant la toise d’au moins quatre pouces, qui retenait par le bras une rousse flamboyante à moitié dépoitraillée ; laquelle essayait de se dégager en vociférant « eh ! Moi, y m’plaît bien l’beau-gosse ! Joe, lâche-moi ! » Sur quoi la brute resserra son étreinte. Avec une rapidité foudroyante, Mir parcourut les quatre pas qui le séparaient du duo. De la senestre, il saisit le poignet de Joe, sur lequel il exerça une pression provoquant l’ouverture de la pogne du butor. Miou maîtrisa difficilement l’envie de planter une griffe là où il appuyait. Adonc, quand Kay s’empressa de rejoindre sa compagne, la main libre du géant entama un mouvement vers la gorge de Mir, mais s’immobilisa brusquement alors que Joe gémissant baissa la tête vers son bas-ventre. Son pantalon était fendu, une lame venait d’entailler superficiellement la peau à la naissance de son pénis.

« Joe ! J’adorerais jouer longuement avec toi, parce que tu ne peux pas savoir comme s’amuser avec la viande morte est ennuyeux. Mais il y a urgence. Souhaites-tu que nous tranchions notre différend immédiatement, le nargua-t-il ?

– …

– J’écoute… Deux princesses m’attendent. Sans vouloir vous froisser, Votre Altesse, plaida-t-il mi-figue mi-raisin.

– Mon nom est Silaid !

– Enchanté, vous me voyez désolé, de ne pouvoir vous saluer comme vous le méritez, mais je suis occupé. »

Narquois, il s’enquit auprès de celui dont une partie de l’anatomie était en péril.

« Alors Joe, tu as eu le temps de réfléchir, je coupe ou tu t’excuses auprès de Kay ?

– Exc… excuse-moi Kay, tu… tu m’appartiens pas, tu peux faire c’que tu veux !

– Voilà, monsieur, va garder ses bijoux de famille… pour l’instant. Ah ! Précision utile, j’espère vraiment que, lorsque je vais te tourner le dos, ta bêtise naturelle va reprendre le dessus ! »

Mir s’empressa de rejoindre les deux messalines. Joe hésita, une improbable lueur d’intelligence le retint de courir à la mort.

« Mon nom est Roland. Mir, je ne voudrais pas perturber ce batifolage, mais dehors, c’est l’invasion ! »

À cet instant, des cris de joie retentirent à l’extérieur.

Les hommes du guet et ceux de la garde, arrivés en renfort, se congratulaient. Le flux s’était interrompu, les derniers canards quittaient maintenant la place.

***

« Merlin, c’est vrai qu’ici vous êtes plus fort que le démon ?

– Oui bien sûr… Lorsque maître Léonard fait une expérience, réussit-elle chaque fois ?

– Ben non, d’ailleurs je vais toujours me cacher à ces moments-là.

– Eh bien ! La magie, c’est parfois pareil, Merlin se mit à chuchoter, je voulais vous rendre vos formes à tous deux. Mais je me suis trompé, je ne sais où, dans mon incantation et j’ai donné, par erreur, celle de Baronni à Miou. L’essentiel de cet art consiste à persuader l’autre des grands pouvoirs que l’on détient, si bien que je parie que si Miou revient ici, il prendra inconsciemment l’apparence de Baronni, renforçant ainsi mon autorité.

– Pourquoi le scribe dénomme-t-il le djinn, Mir et Miou, dans le même paragraphe ? Croit-il que ce sont deux entités différentes ?

– Sous sa forme humaine, le génie a choisi de se faire appeler Mir. Le scribe écrit donc “Mir”, lorsqu’il rapporte les mots et les actes de ce pseudo-humain, et “Miou” dans tous les autres cas ; ce qui inclut toutes les pensées du démon, quel qu’en soit l’aspect. »

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