Chapitre 3 - Léonie

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 J’ouvris lentement les yeux. Ma vue était encore trouble, mais je pus distinguer un plafond en bois, la chaleur d’un feu de cheminée et le calme d’une maison de campagne. J’étais allongé sur un canapé que je ne connaissais pas, mais très confortable. Je me sentais bien et en sécurité. Comme à la maison. Avais-je rêvé tout cela ? Depuis quand suis-je allongé là ?

— Ah ! Enfin réveillé ?

 La tête d’une jeune fille aux cheveux noirs et amples se mit soudainement devant mon visage. Je sursautai et me relevai brusquement, trop brusquement.

— Aïe ! Fais attention en te levant !

 On se cogna la tête l’un l’autre. Je m’assis tout en me frottant la tête de douleur. Elle sauta sur le canapé, se mit à genoux et me tendit la main.

— Je suis Léonie. Une Elnihïn des forêts. Enchantée de faire ta connaissance. Et toi ? Comment t’appelles-tu ?

 J’avais déjà entendu parler des Elnihïns. Surtout ceux des forêts pour leur nature très sociable, leur excellence en tant que marchands et chasseurs. On en croise souvent à Luxania. Ils sont légèrement plus grands que les humains mais moins que certaines races d‘elfes. Naturellement plus musclé, même chez les femmes. Les Elnihïns ont généralement la peau sombre, de la peau brune vers la peau noire. De même pour la couleur de leurs cheveux, mais il peut arriver d’en voir avec les cheveux gris ou blanc.

 Pour Léonie, sa peau est brune et ses cheveux sont longs, noirs et volumineux. Elle est légèrement plus petite que moi.

— Tu n’as pas de nom ? Ok ! reprit-elle.

Elle posa sa main sur mon front. Probablement pour voir si j’allais bien. J’étais encore sous le choc. Je n’arrivais pas à m’exprimer, comme-ci ma bouche m’empêchait de sortir les mots.

— Je ne t’ai jamais vu dans le coin. D’où est-ce que tu viens ? Pourquoi tu étais tout seul en pleine nuit dans la forêt ? D’ailleurs je trouve que tu es glacé. Ne t’en fais pas, tu pourras te réchauffer chez moi.

La jeune Elnihïn parlait beaucoup et vite. Elle n’avait pas l’air de faire attention à quoi je ressemblais. N’avait-elle pas peur de moi ? De mon apparence ? Glacé moi ? Bizarre. Je trouvais au contraire qu’elle avait la main bouillante.

— Je vais augmenter le feu un petit peu. Comme ça tu te réchaufferas plus vite.

 Elle s’approcha de la cheminée, mit ses deux mains devant les flammes et ferma les yeux. Je me demandais au départ ce qu’elle faisait. Ce n’était pas comme cela qu’elle réussirait à augmenter l’intensité du feu. Et pourtant.

 Elle fit quelques grimaces. Je ne sus pas pourquoi au début. Et petit à petit, les flammes grandirent. Puis elle rouvrit les yeux et tituba légèrement en arrière. Comme-ci elle manquait d’énergie.

— Voilà… Ça devrait aller mieux… Dit-elle en reprenant son souffle.

 Je fus ébahi. Tout comme moi avec l’eau. Elle semblait avoir de l’influence sur le feu. Je n’en croyais pas mes yeux. Puis, je me suis rappelé le moment avant de m’évanouir. Les loups ont été attaqués par des boules de feu. C’était probablement Léonie.

— Je… Je m’appelle Aeglos, fredonnais-je doucement.

Elle se retourna vers moi, toute souriante. Elle se précipita à côté de moi.

— Finalement tu as un nom. J’espère que je ne t’ai pas fait peur ?

 Je ne répondis pas immédiatement. Beaucoup de questions défilaient dans ma tête. L’homme que mon père avait entendu disait finalement vrai. Il y avait d’autres personnes comme moi.

— Et toi ? Pourquoi n’as-tu pas peur de moi ? Je suis différent de tout ce que tu as pu rencontrer j’imagine. Je ressemble à un…

— Mais tu ne m’as rien fait ? Je me trompe ? Alors pourquoi aurais-je peur de toi ? D’accord, tu es différent et alors ? C’est une chance d’être unique, de se démarquer des autres. Tu ne penses pas ? demanda-t-elle en m’interrompant.

Elle replaça ses cheveux en arrière et reprit.

— Moi, j’ai le don de manipuler le feu. Enfin pas complètement. Ça me fatigue beaucoup. Toi aussi tu as quelques choses je me trompe ? Je le ressens. Comme-ci tu avais une sorte d’aura.

 Elle avait visé juste. Mais comment ? Je ne ressentais pourtant rien venant d’elle. Je lui racontai ce qu’il m’était arrivé. La découverte du don. Les conséquences qui se sont produites. Ma fuite.

 Je me sentais bien auprès de Léonie. Elle me semblait être une personne gentille et digne de confiance. C’était la première fois que je ressentais cette sensation envers une personne qui ne faisait pas partie de ma famille. Je lui demandai à mon tour :

— Et toi ? Comment as-tu découvert le tien ? Et tes parents dans tout ça ? Ils ne sont pas ici ? Je ne dérange pas j’espère ?

 D’un coup elle se tourna, et ne me regarda plus. Je la voyais trembler, serrer ses bras contre elle, comme lorsqu’on serre quelqu’un contre soi, et cachant son visage derrière ses cheveux. Puis elle se leva et me fit :

— De toute façon, ça n’a pas d’importance. Mes parents m’ont abandonné et j’ai grandi toute seule dans cette maison. Voilà. Fin de mon histoire.

 Je la sentis sur les nerfs et n’insista pas plus. Elle me regarda toute souriante et me demanda :

— Fais-moi une démonstration de ton don. Je n’ai jamais vu quelqu’un manipuler l’eau.

— Je… Je ne sais pas si j’en serais capable. Je ne sais pas comment faire. C’est arrivé contre ma volonté.

— Dans un sens non Aeglos. Tu voulais à tout prix protéger ta sœur et ton don s’est manifesté pour répondre à cette demande. Je vais essayer de t’aider. Je ne pense pas que ça soit si différent de mon don à part l’élément. Bouge pas je reviens.

 Léonie ramena un pichet d’eau et le posa sur la table basse devant le canapé.

— Maintenant, ferme les yeux. Place tes mains devant le pichet sans le toucher et essaie de ressentir l’eau à l’intérieur.

 Je fermai donc les yeux et mis mes mains en avant, mais je ne sentis rien.

— Non… Je… Je n’y arrive pas. Je ne ressens rien.

— Allez ! Fais un effort ! Concentre-toi plus ! Cherche quelque chose au fond de toi. Comme un chuchotement dans tes pensées.

 Je me concentrai à nouveau et essayai de me rappeler la sensation au moment où mon don s’était manifesté. J’étais en colère. Pire. J’étais à bout de nerf. Je me rappelle. Comme un frisson qui traversa mon corps de bas en haut, pour ressortir par les mains et c’est à ce moment-là que s’est arrivé. L’eau jaillit du puits pour se mettre devant mes mains. Je me rappelai que pendant ce bref instant, j’avais l’impression que l’eau faisait partie de moi. Comme un prolongement de mes bras.

— Aeglos ! Regarde ! dit soudainement Léonie.

 J’ouvris les yeux et je vis de l’eau devant mes mains. Formant une sphère instable et tournant légèrement sur elle-même. Je la ressentais maintenant, cette sensation. J’essayai de remettre l’eau au-dessus du pichet pour la remettre à l’intérieur. Mais la sphère tomba à côté. Manifester son don demandait beaucoup d’énergie.

— Vraiment pas mal. Je trouve ça plus beau qu’avec le feu. Regarde.

 Léonie tendit la main vers la cheminée. Et une petite flamme se rapprocha d’elle. Elle tendit ensuite le bras devant elle et fit faire à la flamme des allers-retours autour de celui-ci avant de rediriger la flamme vers la cheminée. Je fus stupéfait par la facilité dont Léonie laissée paraître. Elle n’avait pas l’air essoufflé.

 Après cette démonstration, nous décidâmes de nous coucher. Léonie dans son lit habituel, moi dans le canapé. Avant de m’endormir, je me remémorai ce moment en compagnie d’elle. C’était bizarre. En dehors de ma sœur, je ne voyais personne d’autre finalement. Je n’avais jamais eu de conversation sérieuse avec quelqu’un en dehors de ma famille.

 Je m’étais alors demandé si je devais rester un moment ici, avec Léonie, pour ensuite revenir à Luxania et prendre des nouvelles de mes parents.

 Non ! Une voix retentit soudainement dans ma tête. Celui de mon père me demandant de découvrir ce que j’étais, qui j’étais. Pourquoi avais-je ce don en moi. Je ne devais pas m’éloigner de mon principal objectif : trouver cet endroit dont m’a parlé mon père.

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