Chapitre 2 - La Fuite

5 minutes de lecture

 Je m’écroulai sur mes genoux, épuisé. Lessien se précipita vers moi et m’aida à me relever.

— Vite retournons à la maison.

 La maison ne se trouvait pas très loin du puit, à quelques rues. Une fois arrivés, ma sœur m’allongea sur le canapé. Mon père n’était pas encore rentré de la forge, mais ma mère était là. Elle me vit à bout de souffle et couvert de blessures.

— Oh non ! Que s’est-il passé ? demanda Idril.

 Lessien lui expliqua. Elle avait tout vue de la scène. Elle était apeurée, mais dans le même temps, émerveillée.

 Quelques minutes plus tard, mon père rentra de sa forge et me vit allongé. Après les explications de Lessien, il regarda ma mère. Elle lui fit un signe de tête tout en fermant ses yeux.

— Chéri, je crois qu’il est temps de lui dire… dit ma mère.

— Oui... Tu as raison.

 Mon père s’avança et s’assit à mes côtés en posant sa main sur mon front.

— Papa ! Que m’arrive-t-il ? Je voulais juste protéger Lessien. Je ne voulais faire de mal à personne, dis-je en toute hâte.

— Aeglos, mon grand. Tu le sais déjà, nous t’avons recueilli chez nous car tu as été laissé sur le perron de notre maison. Je veux avant tout que tu saches que nous n’avons jamais regretté de t’intégrer dans notre famille. Nous t’aimons énormément. Autant que nous aimons ta sœur, malgré les différences d’origine. Ce pendentif que tu portes autour du cou en est la preuve. Ne l’oublie pas.

 Oui, c’est vrai. A mes cent ans, mes parents m’ont offert un pendentif. Il s’agissait de bandes argentées tournant autour d’une sorte de sphère et se terminant en pointe vers le bas. Mon père disait que la sphère représentait la famille et les bandes les enfants qui gravitent autour pour ensuite s’envoler de leurs propres ailes. C’était la tradition dans la famille Felagund. Un jour, quand Lessien aura cent ans, elle aussi aura son pendentif.

— Pendant ton enfance, souvent lorsque tu étais en colère, des choses étranges se manifestaient. A table par exemple, l’eau du pichet se mettait à osciller et certaines fois à en sortir, il est aussi arrivé plusieurs fois que tu inondes la maison lors de tes bains…

 Je fus stupéfait d’entendre tout cela. Je ne m’en étais jamais rendu compte. Je ne me rappelais tout simplement pas avoir ressenti quoique ce soit dans ces moments de crises.

— … Je me suis donc renseigné auprès des voyageurs qui viennent faire le plein à la forge. D’après l’un d’eux, il paraîtrait qu’il existe un endroit où les personnes exceptionnelles comme toi se rassemblent pour y apprendre à contrôler ces manifestations. Mais il n’a pas pu m’en dire plus.

 Il se leva et sorti d’un placard un objet long enroulé dans un tissu et me le présenta.

— Mon fils ! Je voudrais que tu acceptes ceci et que tu ailles à cet endroit. Je pense qu’après ce qu’il s’est passé aujourd’hui, tu te poses beaucoup de questions. Malheureusement, nous ne pouvons te donner plus de réponse. Qui sait, peut-être découvriras-tu tes origines ?

 C’était une épée qu’il avait forgée lui-même. Elle était magnifique. Rien qu’en la regardant, on ressentait le long travail qu’il a fallu pour y arriver.

— D’accord mais… Pourquoi ne pouvons-nous pas y aller ensemble ? demandais-je.

— Ce n’est pas aussi simple, Aeglos…

 Soudain, on frappa à la porte. Idril ouvrit. C’était le chef de la garde de Luxania, le père du jeune que j’avais attaqué, habillé en tenue de soldat et accompagné d’au moins quatre autres gardes. Je n’étais pas assez près pour entendre ce qu’il lui disait tout bas, puis ma mère se tourna et appela mon père à venir voir le garde.

— Que voulez-vous messieurs ? demanda Earendur.

— Nous venons pour emmener votre fils. Ce monstre est un danger public ! Il a agressé et blessé un enfant ! Mon enfant ! Il mérite une bonne punition !

 Mon père s’approcha et se plaça juste devant le chef, levant la tête et bombant le torse.

— De quel droit osez-vous traiter mon fils de monstre ! Le seul monstre ici, c’est vous qui ne comprenez rien ! C’est un membre de notre famille ! Maintenant partez ! Ne nous dérangez plus.

 Mais ce fût de trop pour le chef. Ce dernier tenta de rentrer de force mais rapidement, mon père l’arrêta et le plaqua contre le mur.

— Part Aeglos !

— Mais… Je ne veux pas vous poser de problème…

— Ça ira pour nous ! Découvre qui tu es ! Découvre pourquoi tu es comme ça et fais-en usage pour le bien ! N’oublie surtout pas que quoi qu’il arrive, tu es un Felagund. Il est temps pour toi de t’envoler de tes propres ailes.

 Ma mère me retourna et me poussa pour me forcer à partir tout en me regardant avec un sourire forcé. Rapidement, elle me donna quelques provisions attrapées au hasard et me donna un sac à dos ainsi que l’épée de mon père. Puis Lessien m’attrapa par le bras et m’emmena par la porte de derrière. Là, d’autres gardes attendaient. Ma sœur me poussa en arrière et fit barrage aux gardes en écartant les bras.

— Laissez mon grand frère tranquille ! Ce n’est pas un monstre ! Il n’a rien fait !

 Ma mère attrapa mon bras et me força à sortir par la fenêtre.

— Je reviendrais ! Je vous le jure !

— Nous te faisons confiance. Va ! Découvre le monde ! Répondit-elle en posant son front contre le mien.

— Je vous aime !

— Nous t’aimons également Aeglos. Dit ma mère.

 Je courus ensuite vers la forêt, au sud de la ville, à l’opposé du Mont Yeann, espérant semer les gardes.

 Lorsque je quittai Luxania, il commença à pleuvoir et la nuit à tomber. Et moi, je pleurais. Je m’en voulais. Beaucoup. Pour ce que j’étais. Pour ce que j’avais fait. Je ne l’avais aucunement voulu.

 Je me mis à marcher lorsque je jugeai être assez loin et hors de portée des gardes, tout en me remémorant ce moment. Allaient-ils tous s’en sortir ? J’hésitai plusieurs fois à retourner sur mes pas. Mais les voix de mon père, de ma mère et de ma sœur raisonnaient encore dans ma tête.

 Ereinté par tous ces événements, je m’assis alors contre un arbre, attendant que la pluie cesse. Je regardai mes mains, essayant de me rappeler la sensation que j’eus lorsque le phénomène s’est produit… En vain. J’étais sous le coup de la colère. Je ne me souvenais pas.

 Je sursautai soudainement. Ayant une ouïe fine due à mes oreilles de loup, j’entendis des bruits de pas. Je me relevai et trois loups des bois surgirent du buisson, face à moi. De la bave coulait, ils avaient l’air affamé. Mais j’étais trop épuisé. Incapable de courir sans risquer de trébucher. Je sortis alors mon épée de son fourreau et la pointai vers eux, à deux mains, tel un novice en escrime.

 Les loups s’approchèrent de plus en plus vers moi. Et, en un clignement d’œil, une petite boule de feu s’écrasa sur l’un d’eux, le mettant à terre sans pour autant le tuer. Les deux autres se tournèrent dans la direction d’où était apparue la boule de feu, puis deux autres sortirent et firent mouche. Effrayés, les loups s’enfuirent.

 Des branches craquèrent et j’entendis des pas s’approcher. Ma vision se troubla et mes paupières s’alourdirent. Dans un dernier effort, je pus apercevoir une silhouette humaine m’attraper le col de mon vêtement et me traîner. Je m’évanouis alors à bout de force. Et si c’était les gardes qui m’avaient retrouvé ?

Annotations

Vous aimez lire Totoj ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0