Chapitre 09 - L’accident

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 Cela faisait maintenant quatre jours que nous étions à bord du bateau. J’avais appris que nos deux navigateurs, Tom et Olaf, étaient eux aussi des élémentalistes. Tom, qui tenait la barre, manipulait l’eau qui coulait le long du bateau. C’était entre autres pour cela que l’on passait assez facilement les vagues scélérates. Olaf, quant à lui, était un utilisateur du vent. Il pouvait ressentir le moindre changement dans l’air et pouvait deviner les prochaines conditions météorologiques. Une belle complémentarité pour pouvoir naviguer en toute sécurité.

 De temps en temps, je voyais Boromir discuter avec Ulrick. Et souvent, ils finissaient par se disputer. Pourquoi ? Je ne le savais pas. Du moins jusqu’à ce que Boromir nous convoquent tous les trois.


  • Les tourtereaux, j’ai quelque chose à vous dire. A partir d’aujourd’hui, vous serez tous les trois mes élèves jusqu’à la fin du voyage vers Elament.

  • Quoi ! Impossible ! Je n’accepterais pas ce brigand impoli dans notre groupe ! Il a tout fait pour ne pas qu’on soit accepté par Tarl à la taverne de Klartha, répondit brutalement Léonie.

  • Pff ! Je vous l’avais dit Boromir, souffla Ulrick en tournant la tête dans la direction opposée.

 Boromir se tourna vers moi comme pour me demander mon avis. Mais j’hésitais. Il était vrai que nous ne le connaissions pas et qu’il n’avait pas été très amical avec nous au début. Mais après tout, nous ne connaissions pas son passé. Il avait dû franchir de durs obstacles pour être ainsi. Je laissai alors mon côté gentil s’exprimer.


  • On peut tenter. Seulement, j’aimerais te connaître un peu plus Ulrick. Pourquoi voyages-tu seul ? Comment as-tu su où te rendre depuis Omel-Tokir ?

 Ulrick me regarda. Il avait l’air surpris par ma réponse. Un léger sourire se dessina sur son visage.


  • Léonie ? redemanda Boromir.

  • Bon, très bien. Mais comme Aeglos le dit, on ne te connaît pas. Raconte-nous comment tu es arrivé jusqu’ici. N’as-tu pas de guide ?

  • Mon guide est mort pendant le voyage. Il m’avait indiqué le chemin à prendre et j’ai suivi. C’est tout ce que vous avez à savoir.

  • Mort ? Comment est-il mort ? Qui était-ce ? Je dois sûrement le connaître, questionna Boromir.

  • Je te l’ai déjà raconté, Boromir. Nous nous sommes fait attaquer par des bandits pendant que nous dormions.

  • Malgré tout. Je ne te crois pas. Un guide pour élémentaliste ne meurt pas aussi facilement. Aurais-tu quelque chose à nous cacher ?

 Soudain, Ulrick sortit de sa cape un arc et une flèche. Il visa Boromir.


  • Je n’aime pas du tout votre façon de m’accuser, Boromir. Faites attention ou je n’hésiterai pas à utiliser mon arc pour vous faire garder le silence.

 L’instant d’après le bateau se pencha violemment, nous projetant tous contre la paroi de la cale. De l’eau s’infiltra à grande vitesse.


  • Vite ! Remontons sur le pont pour voir ce qu’il se passe ! Ordonna Boromir.

 Nous réussîmes à sortir de la cale avant que l’eau ne remplisse de moitié la pièce. Dehors, tout le monde était au sol, inerte, sans vie. Un morceau du bateau avait disparu. La cabine du capitaine n’était plus là. Nous nous précipitâmes vers les navigateurs. Il y avait du sang partout. La pluie accéléra l’expansion du fluide qui rendit le pont complètement rouge écarlate. Un des élémentalistes se réveilla difficilement, crachant du sang.


  • Il... Il... Il existe vraiment... le... le...

 L’homme ne pût finir sa phrase et succomba à ses blessures.

 Tout d’un coup, un énorme tentacule se dressa devant nous. Boromir me bouscula avec du vent et nous fûmes propulsés dans les airs à cause du choc du tentacule s’écrasant sur le pont, coupant littéralement le navire en deux, séparant la partie droite de la gauche.

 Par chance je retombai sur le bateau. En me relevant, je vis Léonie et Ulrick coincés sur un morceau de bois à la dérive. Boromir, sur un autre morceau et moi aussi.

 Soudain, je vis un tentacule surgir de l’eau derrière Léonie et Ulrick, balayant la mer dans ma direction.


  • Attention ! Criai-je en pointant du doigt.

 Mais trop tard. Le morceau de bateau sur lequel étaient mes deux compagnons explosa en mille morceaux. Le temps de le réaliser, le tentacule continua son chemin balayant aussi Boromir.

 Je reculai rapidement en position assise, mais pas assez vite pour plonger de moi-même. Le sol du bateau se souleva sous mes pieds et je fus propulsé en l’air. Je tombai alors dans l’eau, ballotté par le courant. J’entrouvris les yeux pour essayer de trouver un point d’accroche, mais un morceau de bois arriva sur moi et me cogna en plein visage. L’instant d’après plus rien. Le noir total. J’avais subitement perdu connaissance.


***


  • Hey ! Le loup réveille-toi !

 Je fus réveillé par la voix d’Ulrick. Chose assez inhabituelle et surprenante. J’ouvris les yeux. Mais quelque chose n’allait pas. Comme-ci il manquait un bout d’image. A l’aide de ma main droite, je tapotai mon œil droit. Il était couvert d’un tissu attaché autour de mon front. Je pensai alors m’être blessé violemment à l’arcade par ce morceau de bois. Je me relevai pour me mettre en position assise. A côté de moi, à ma gauche, Léonie, allongée avec le bras gauche ligoté à une branche.


  • Elle ne s’est pas encore réveillée. Cela ne devrait pas tarder non plus.

 Ulrick se tenait à ma droite. En train de préparer un feu. Il avait une grosse entaille sur la joue gauche qui saignait. Mais il n’avait pas l’air d’y prêter attention.


 Il me regarda et fit :


  • Ce n’est qu’une égratignure rien d’inquiétant. Toi en revanche, tu as été beaucoup moins chanceux que nous deux. Et pour couronner le tout, Boromir et les autres sont introuvables. Je suis désolé. Je n’ai rien pu faire de plus.

  • Comment ça ? De quoi parles-tu ?

  • Quand je me suis réveillé ici, il n’y avait que nous trois. Je n’ai pas réussi à trouver le corps de Boromir ni même des autres membres de l’équipage. Ils ont sûrement fini au fond de l’océan. Léonie a seulement le bras cassé. Elle est hors de danger. Mais pour toi. Je suis désolé de te le dire mais tu as perdu ton œil droit.

 Quel choc ! Je touchai aussitôt mon bandage à l’œil. J’appuyai légèrement pour en être sûr. Quelle erreur ! Jusque-là je ne sentais rien, mais maintenant la douleur était insupportable.

 Puis, je réalisai l’autre propos d’Ulrick. Boromir est mort. Comment est-ce possible ? Cela s’était passé si vite. Pourquoi maintenant ? Pourquoi à nous ? Comment allions nous faire pour rejoindre Elament ?


  • Je me suis débrouillé avec les quelques bout de tissus que j’avais sur moi. Mais tu devrais vite te faire soigner où cela risque de s’infecter.

  • Naaaaaaaannnnnnn ! Cria d’un seul coup Léonie et pleurant de tout son être. Pourquoi Boromir ? Ça aurait dû être toi, Ulrick ! Tu es le pire d’entre nous. Va au diable.

 Je me précipitai aux côtés de Léonie et tentai de la consoler.


  • Calme-toi, Léonie. Ulrick n’a rien à voir dans tout ça. Cela n’aurait rien changé au destin de Boromir. Tu devrais plutôt être reconnaissante envers lui. Il nous a soignés.

 Léonie me regarda, les yeux en pleurs.


  • Mais il avait une mission, Aeglos. Il devait nous emmener à Elament. Mais tout est fichu maintenant. Comment allons-nous faire ?

  • On trouvera une solution. Ne t’en fais pas.

  • D’accord Aeglos. Mais promets-moi une chose alors.

  • Quoi donc ?

  • Promets-moi que nous trouverons cette école. Pour Boromir.

 Je pris la main de Léonie et la serrai entre les miennes.


  • Je te le promets, Léonie. Nous ferons tout pour y arriver. Tu peux compter sur moi.

 C’était la première fois que quelqu’un me demandait de l’aide. La première fois que je ressentais la sensation intense de vouloir aider et protéger quelqu’un. C’était étrange, mais au fond j’aimais cela.

Je posai la main de Léonie à terre et me joignis à Ulrick pour l’aider à allumer le feu.


  • As-tu une idée d’où nous avons atterrit Ulrick ?

  • Aucune. Je n’ai pas eu le temps d’explorer les environs. Et ce feu qui ne veut pas s’allumer.

  • Laisse-moi faire, j’ai l’habitude. Entrechoquer des pierres est inutile. Tu vas mettre des heures à avoir une étincelle.

  • Si j’avais su plus tôt. Rétorqua Ulrick.

  • En plus tu as l’outil idéal pour allumer un feu rapidement. Mais tu ne t’en sers pas.

 Ulrick me regarda, étonné.


  • Je peux t’emprunter ton arc ?

  • Heu... Oui bien sûr. Si ce n’est pas pour t’en servir de combustible.

  • Ne t’en fais pas. En fait, c’est tout simple. Tu enroules le bâton qui te sert à frotter autour de la corde. Tu tiens ensuite ton bâton avec une pierre. Et ensuite tu fais des va et vient avec l’arc. Cela fera tourner le bâton beaucoup plus vite. En tout cas, tu as eu de la chance de trouver du bois et des brindilles sèches.

 Le temps d’expliquer et de la fumée commença à apparaitre. Je soufflai un peu et une flamme venait de naitre. Je l’approchai du tas de bois et de brindilles et le feu de camp prit vie.


  • Hmm. Tu es plus doué que tu en as l’air, le loup.

  • Je vais prendre ça comme un compliment.

 Nous prîmes le temps de contrôler le feu et de s’assurer qu’il allait durer. Puis je repensai à ce qu’avait dit Boromir juste avant l’accident.


  • Ulrick ? Boromir n’était pas d’accord avec toi sur les circonstances de la mort de ton guide. Est-ce que tu disais la vérité ? Je te fais entièrement confiance donc parle-nous franchement. Demandais-je ensuite.

 Il regarda un moment le feu sans rien dire. Je pense qu’il réfléchissait à s’il pouvait nous faire confiance lui aussi. A l’aide d’un bâton, il bougea les braises dans le feu.


  • Très bien. Je vais vous raconter ce qu’il s’est vraiment passé.

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