Chapitre 6

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Chris

J’émerge lentement en me demandant où je suis. Peu à peu, les souvenirs me reviennent. Audrey. Bon sang, combien de temps ai-je dormi ?! L’horloge murale m’informe que ma sieste n’a duré que vingt minutes, heureusement. J’attrape ma pochette « secours » au fond de l’armoire et récupère mon ancien portable. Une sonnerie. Deux sonneries.

- Allô ?

Le ton anxieux de Camille ne me dit rien qui vaille.

- C’est Chris. Tu as récupéré Audrey ? Elle va bien ?

Son interminable silence non plus. Putain.

- Elle est où ? Camille !

- Je l’ai vue passer en courant devant le club, suivie par deux hommes. Ensuite, …

- Et tu ne l’as pas secourue ?!

- C’est TOI ma priorité.

Sa voix calme bout de colère. Je décide de le laisser parler, c’est le meilleur moyen d’obtenir des réponses.

- Ensuite, reprend-t-il, je suis resté quelques minutes en plan, sans savoir si tu te trouvais toujours à l’intérieur. J’ai fini par me douter que non, lorsque les deux autres types sont ressortis et repartis en voiture. Comme tu ne répondais pas à mes appels, j’ai choisis de les prendre en filature et je suis tombé sur Audrey, qui essayait de leur échapper. Malheureusement, ils l’ont rattrapée avant moi.

Mes boyaux se tordent. Des images horribles envahissent mon cerveau et je m’assieds avant que mes jambes ne me lâchent. Mon interlocuteur enchaîne :

- Je t’ai appelé pour vous prévenir qu’ils étaient entrés dans le club… Dix fois au moins. Pourquoi tu n’as pas décroché ?!

Hein ? Je me frappe le front, écœuré. Camille a tenté de nous avertir, mais c’est Audrey qui avait le téléphone… Si j’avais été plus vigilant, elle ne serait peut-être pas à leur merci.

- Dis-moi que tu sais où ils sont… je le supplie dans un murmure.

- Oui. Ils viennent de pénétrer dans une maisonnette, en banlieue.

- Tu as prévenu les flics ?

- Chris… Il n’y a aucune preuve qu’elle a été enlevée. Les gendarmes habituels ne réagiront pas avant un moment et l’unité spéciale a pour ordre de TE porter secours. Elle s’est déployée au niveau de la Corde à Sauter, mais tu n’y es plus.

Pourquoi faut-il qu'il ait toujours raison ? Mécaniquement je me remets à ronger mes ongles, réfléchissant à toute allure.

- Ils vont s’en servir comme otage.

- Évidemment. Mais tant qu’on n’a pas de demande de leur part, il n’y a rien à faire.

Une idée, une idée, une i… Je sais.

- Si je la rejoins, ils pourront intervenir, non ?

- Pardon ?

Il n’aime pas ma proposition. Cela dit, moi non plus.

- J’y vais. Préviens l’unité que tu m’as localisé là où elle est, j’y serai dans trois minutes.

- Tu n’es pas sérieux ? Et tu comptes faire comment ?

- Utiliser la jadéite.

- Mais il te faut un cristal sur le lieu d’arrivée pour que ça fonctionne, n’est-ce pas ?

Il espère de tout cœur que je ne puisse pas me téléporter, malheureusement pour lui, j’ai prévu mon coup.

- La réplique que j’ai laissée Audrey n’en est pas une.

- Tu plaisantes ?! s’étrangle-t-il. Elle porte une pierre véritable ?! Tu sais ce que ça implique s’ils le découvrent ?

- Primo, il ne savent pas comment s’en servir. Secundo, je compte bien le récupérer avant, et sa détentrice avec. Bref.

- À plus.

- C’EST DE LA FOLIE ! Tu vas juste te faire torturer et quand ils auront les infos, ils vous tueront tous les deux.

Je raccroche avant que sa logique ne m’atteigne. Savoir Audrey en danger me rend malade, mais… Je suis mort de trouille. Même si je me garderais bien de le faire savoir, la bravoure ne m’est pas franchement naturelle, et me jeter dans la gueule du loup ne me tente pas du tout. Peut-être devrais-je écouter mon garde du corps ? Dans tous les cas, il me faut des forces : deux cafés serrés et un RedBull feront l’affaire. Je fais les cent pas tout en vidant les boissons, tiraillé entre ma conscience et mon instinct de survie.

Je n’ai pas de plan, je vais débarquer au milieu d’un gang armé, tout nu. Pour sauver une fille que j’ai largué. Par texto, en plus. Ridicule.

Cependant, si je n’agis pas et qu’il lui arrive des ennuis, je ne me le pardonnerais jamais. Cette crainte est suffisante pour me passer le cristal autour du cou. J’inspire, me connecte et avant de changer d’avis j’entre en résonnance.

Trou noir.

Audrey

Ils sont trois, le quatrième a disparu. Un colosse de deux mètres, un blond plutôt sexy - qui a l’air de ne rire que lorsqu’il se brûle-, et le barbu, qui semble prévoir de faire de moi son quatre-heures. Super.

Cinq minutes se sont écoulées depuis que nous sommes entrés dans le pavillon. Ils m'ont fait monter dans une chambre à l'étage, et, après m'avoir menottée au pied du bureau, ils ne m’ont plus adressé la parole. Tant mieux. La pièce est étrangement bien rangée, et surtout très... rose. Mur, dessus de lits, commodes... Ambiance Barbie. Mon esprit se concentre sur chaque détail, me noie sous les commentaires ironiques : tout pour ne pas songer à ma désastreuse situation.

L’arrivée du quatrième larron, un tout petit à la peau mate dont la bouche ne s’ouvre jamais, me tire de mes pensées.

- Toujours là. Il s’est posté dans la rue perpendiculaire et il attend.

Ah si, en fait, il peut parler.

- Ça fait un moment qu’il nous suit. Faudrait pas qu’il nous attire des ennuis, crache Blondinet.

Ils échangent quelques paroles que je ne saisis pas, puis le blond et le colosse s’éclipsent. Je ne sais pas à qui ils vont chercher des noises, mais je n’aimerais pas être à sa place. Un petit rire amer s’échappe de ma gorge en réalisant que ma position n’est guère enviable non plus.

- Qu’est-ce qui t’amuse autant, ma belle ?

Barbu s’est approché, ses doigts velus caressent ma joue. Ma respiration accélère de nouveau. Dégage. Ses iris lubriques lèchent ma peau. Que quelque chose ou quelqu’un me sorte d’ici, par pitié.

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