Chapitre 5

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Chris

- Об догоните её ! (attrapez-là)

Le molosse devant moi hurle son ordre et aussitôt deux de ses hommes se lancent à la poursuite d’Audrey. Je m’interpose au moment où ils atteignent la porte. Lui faire gagner du temps. Le larbin blond me met immédiatement en joue. Je tente de garder mon calme.

- Si vous me tuez, vous pouvez dire adieu aux informations sur le cristal.

Mon argument fait mouche et il baisse son arme. L’homme s’approche de moi, je me prépare à parer ses coups, sautillant sur place. En vérité, je n’en mène pas large. Imiter les scènes d’action vues à la télé ne fait pas de moi un combattant. Uppercut dans l’estomac. Je m’effondre douloureusement dès le premier coup. Les hommes passent au-dessus de moi, se précipitant à la poursuite d'Audrey. Concentre-toi. Je reste en position fœtale, fixant mon attention sur la vibration de chacun de mes organes. Celles du cristal sont de plus en plus perceptibles, je cale ma fréquence sur la sienne. Nous sommes restés suffisamment en contact ces dernières heures pour que ce soit rapide. Déjà, mon corps entre en résonnance.

- обыскивай его.

Le subordonné du molosse me saisit par le col. Un tout petit effort, tu y es. Il m’assied sur le lit et me palpe brutalement. Allez. Dans un ultime effort, je ralentis mon rythme cardiaque.

Puis c’est le trou noir.

Audrey

Droite ou gauche ? Gauche. Je m’engage dans la ruelle, mais très vite le bruit de mes poursuivants me rattrape, tandis qu’une voiture s’immobilise de l’autre côté de la rue. Visiblement, ils ont envoyés des renforts. Plaquée dans le renfoncement d’un immeuble, j’ai appuyé sur tous les boutons de l’interphone et appelé Camille, qui n’a pas répondu. Il me faudrait un miracle…

Drrrrr. Le déclic d’ouverture me fait sursauter. Peut-être que la chance tourne enfin ? Je me dépêche de rentrer et referme la porte derrière moi. Lumière. Putain, l’allumage est automatique ! Avec ça, ils vont me repérer à des kilomètres ! Fébrile, je sonne aux appartements du rez-de-chaussée, puis à ceux du premier étage. Ouvrez, ouvrez, ouvrez…

La vibration du téléphone me surprend. Un numéro inconnu s’est affiché.

- Oui ? chuchoté-je.

- Chris ?

- Non, Audrey.

- Mhhh. Chris est avec toi ?

- Vous êtes qui ? je m’enquiers, méfiante.

- Camille, son garde personnel.

À sa voix grave, je découvre que loin d’être une seconde Vénus blonde, Camille est un homme. Si j’en avais le temps, j’en serai ravie, au lieu de ça, je panique.

- Je suis dans un immeuble et ils arrivent et je sais pas quoi faire et il a dit que vous pourriez m’aider !

- Du calme !

Du calme ? Comment veut-il que je reste calme, bon sang ? La terrible envie d’uriner que j’avais occulté ces dernières minutes réapparait brusquement, plus pressante que jamais.

- Réfugiez-vous dans un appartement, si possible.

- J’y aurais pas pensé toute seule !

- Sinon, vérifiez s’il n’y a pas un jardin intérieur donnant sur la rue ou… Merde.

Merde ? Quoi, merde ?

Je n’ai pas le temps de me poser plus de questions, deux coups de feu retentissent. Martèlements de pas foulant le sol. Mon Dieu. Bizarrement, mes membres réagissent. Je monte quatre à quatre les escaliers, ne sachant que trop bien qu’en haut m’attend un cul-de-sac.

Course. Cri. Adrénaline.

Mes pieds s’emmêlent, je rate la marche, un couinement m’échappe. Aïe, ma cheville. Pourvue qu’elle ne soit pas foulée… Étendue sur les marches, je sens la présence de l’homme avant de le voir. Sa main saisit mon bras et la peur me broie les entrailles.

Chris

Comme d’habitude, je manque de me manger un mur au moment de la rematérialisation. La précision, c’est pas encore ça. Pour autant, je suis en sécurité, alors je ne râle pas. Un frisson me parcourt le dos, me rappelant que je suis entièrement nu. Par chance, il n’y a pas un chat. Au milieu de l’allée centrale du village, ma maison de campagne me fait face et la familiarité de ce lieu me rassure. Je m’active à trouver les clés derrières le pot de fleurs, quand la sensation d’être observé m’incite à me retourner.

- Christopher ?

Mamie Cotier. D’aussi loin que je me souvienne, elle a toujours habité ici. Zut, tomber sur la doyenne du hameau est bien ma veine. J’attrape le trousseau, lui adresse un signe de la main et me réfugie dans la maison en ignorant son glapissement. Oui, je suis à poil, accroupi dans le jardin, à vingt-et-une heure. Mais j’ai mes raisons. La pauvre, à tous les coups elle va croire qu’elle a des visions…

Dans ma main, le cristal vibre toujours mais me déplacer lui a fait perdre de l’énergie. Je suis vidé aussi, d’ailleurs. Quelques vêtements plus tard, incapable de réfléchir à quoi que ce soit, je me laisse choir sur le canapé. Depuis deux ans, je m’intéresse aux ondes émises par les organes et à la façon dont ils interagissent avec celles du monde extérieur. Il paraît que maîtriser leurs vibrations protègerait des maladies... C’est donc tout naturellement que, lorsque j’ai découvert que la pierre vibrait à 432 Hz -la meilleure fréquence, selon les scientifiques-, j’ai essayé d’entrer en résonnance avec elle. Si j’avais su… Déjà, le sommeil me happe, interrompant le flot de mes souvenirs.

Audrey

- мы тебя держим, me susurre un gigantesque homme barbu.

« On te tient. » Je ne savais pas que je comprenais encore cette langue. Malheureusement, mes cours sont trop lointains pour que je lui réponde en russe. Dommage, ça aurait été du plus bel effet. Punaise, mais comment mes pensées peuvent-elles faire de l’humour en pareille situation ?

Le sourire carnassier entre les poils de barbe me glace.

- Mais c’est que tu es trrrès jolie. Dis-moi, tu as le collier ?

Je suis clouée sur place, incapable de prononcer un mot.

- Rrrrépond !

Sa façon de rouler les r est super drôle. Audrey ! L’ironie semble être la stratégie de mon cerveau pour échapper à la situation. Une gifle s’abat sur moi avant que je ne me sois ressaisie et la douleur me rappelle à la réalité. Sans attendre, le gorille tire la chaine autour de mon cou et fait glisser la jadéite entre ses doigts.

- C’est la vrrraie ? m’interroge-t-il, suspicieux.

Mentir ou pas ? Une chance sur deux.

- Oui.

Vlan. Mauvaise réponse. Le coup est si fort que mon nez heurte celui de la marche. Un filet humide dégouline sur ma lèvre avant de former une tâche rougeâtre sur ma jupe.

- Menteuse. Ton petit copain s’est tirrré avec.

Chris leur a échappé ? Le soulagement m’envahit un cours instant. Mais… Comment ?

« обыскивай еë » (Fouille-la)

J’ai peur.

Le barbu me redresse d’un coup avec un regard lubrique, avant de poser ses mains sur mes épaules.

Je ne veux pas.

Il les laisse descendre le long de mes bras, puis les égare longuement sur mes seins.

J’ai peur.

Le dégoût et la honte me donnent des hauts-le-cœur.

Je ne veux pas.

Ses attouchements se poursuivent d’interminables secondes.

J’ai peur.

Il récupère le revolver et le téléphone, trouve aussi ma mini-bombe à poivre camouflée en accessoire de filles.

- C’est quoi ?

- Vernis.

L’homme remet l’objet dans ma poche puis me fait passer devant lui. Le canon de son arme effleure mes omoplates et j’avance sans rechigner jusqu’à leur voiture.

- Monte.

Deux fois, aujourd’hui… Dehors, il n’y a personne excepté un motard arrêté, plongé dans la rédaction d’un texto. Le moteur vrombit, m’emmenant je ne sais où. Mon cœur se calme progressivement tandis que nous roulons. Mais pourquoi ai-je touché à ce fichu bijou ? Je m’enfonce plus profondément dans le siège, incapable d’une pensée cohérente, anesthésiée par l’angoisse.

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