Deuxième voyage (6) — Cauchemar

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Hedera helix

 Mon regard fait rapidement le tour de la chambre dans laquelle je me repose. Les lumières sont éteintes. Une petite lueur s’échappe du dessous de la porte, débouchant sur le couloir de la maison étudiante. Grâce à elle, je peux au moins m’assurer d’une chose : je suis seule. Chaque recoin ténébreux ne présage aucune forme dévoilant la silhouette de mon partenaire. Gangrène est absent, où est-il ?

 Je pensais qu’il serait resté à mon chevet, en attendant que je me réveille. Après tout, je lui avais dit de me prévenir de l’arrivée de Taxus. Ça me revient ! Je lui avais également demandé d’aller prendre une douche. Et pourtant, je n’entends aucun son en provenance de la salle de bain.

 Je m’approche de la pièce en question et toque deux fois à la porte. Aucune réponse. J’ouvre la pièce en allumant la lumière. Personne. Je ne comprends pas, où est-il allé ? M’aurait-il laissé seule ? J’ai un peu du mal à y croire. Qu’importe ! Tout est possible dans l’Univers, mon esprit doit être le plus souple qui soit. La moindre des choses serait d’aller à la recherche du Désastre. De cette manière, je pourrais découvrir ce monde de mon propre point de vue. Bien évidemment, j’éviterais le plus possible la vision à travers le verre.

 Cette action peut paraître irréfléchie, et pourtant, je ne supporte pas d’être un poids mort. Le fait que Gangrène ait dû me porter pour m’amener jusqu’ici prouve bien mon inutilité. Il est grand temps que je me remette au travail ! J'enfile mes chaussures et mon gilet avec rapidité. Tant pis pour mes cheveux en désordre, ça attendra de retrouver mon partenaire !

 J’appuie sur la poignée de porte avant de poser pied dans le couloir de la maison. L’étonnement et la peur s’accrochent à mon esprit. Quelque chose ne va pas avec ce bâtiment. La décoration est différente de celle que j’avais aperçu avant mon entrée dans la chambre. Le blanc des murs a disparu pour laisser place à une étrange couleur marron. Cette teinte présente quelques traces de rouge, comme si la maison entière était peinte de sang séché. Cette pensée est répugnante, et pourtant, l’immonde odeur environnante me laisse présager qu’il ne s’agit pas seulement d’une hypothèse.

 Qu’est-ce qu’il s’est passé pendant que je dormais ?! Serait-ce le fruit de la malédiction ? Bien que cette supposition soit possible, je ne peux être sûre de rien sans Gangrène. Le mieux à faire serait d’aller demander à un étudiant. Je me déplace prudemment vers la chambre en face de moi, la porte est fermée. Mon poing gauche se pose sur l’obstacle. Je déglutis. Un mauvais pressentiment m’assaille. Cette atmosphère pesante, ces murs à la teinte effroyable. Je suis sûre que tout cela n’était pas là au moment de ma première arrivée. Mes poumons s’emplissent d’une grande bouffée d’air. Tout va bien, je ne fais que demander des renseignements.

 Mon poing gauche frappe trois fois à la porte, aucune réponse. Encore ?! J’en ai assez de ces vents ! À ce rythme, je vais finir par croire que ce monde est totalement inhabité. Ma main droite se pose sur la poignée. La surprise pique légèrement mon esprit, ce n’est pas verrouillé. Je pousse la porte, faisant retentir un désagréable grincement. J’aperçois les détails de la chambre étudiante, un lit et une armoire. J’entre dans la pièce avec prudence, le regard posé sur la partie qui m’étais dissimulée à l’entrée.

 Un simple coup d’œil suffit à me plaquer contre le mur face à mon dos. Je trouvais étrange l’absence des étudiants, mais je m’étais trompée. Ils sont effectivement présents, et pourtant j’aurais préférée être seule ! Le propriétaire de cette chambre me fait face. Il s’agit d’un jeune homme, avec une apparence tout à fait banale, du moins si on oubliait quelques détails. Son visage ne présente pas de globe oculaire, ses lèvres sont arrondies, dévoilant un trou sombre dénué de dents. Cependant le plus effrayant reste ses orbites sombres entourant son nez. Quelques feuilles de lierres s’en échappent, comblant difficilement les deux cavités.

 J’ai envie de vomir, de fuir ! Qu’est-ce que c’est que cette chose ?! Ce n’est pas un étudiant ! Ce n’est pas la maison étudiante ! Ce n’est pas la réalité ! Oui, c’est exactement ça ! Je ne fais que revivre un autre cauchemar. Jamais une telle chose ne se produirait dans cette académie, j’en suis sûre ! Mon regard quitte difficilement l’étudiant. Pourquoi ne puis-je pas détourner les yeux ?!

  • Ouuuh ? gémit le propriétaire de la chambre.

Mon corps frissonne de peur et de dégoût. Mes jambes sont paralysées, il m’est impossible de fuir. Pourquoi ce songe ? Pourquoi cette situation ?!

 L’étudiant se rapproche de moi avec curiosité. Son comportement m’est totalement étranger. Je viens de rentrer par effraction dans sa chambre et lui, tout ce qu’il arrive à faire est de gémir ?! En même temps, il est incapable de voir quoi que ce soit. Et puis ce Lierre habitant ses orbites ne doit pas améliorer ses capacités cérébrales. Beurk ! Mais à quoi est-ce que je pense ?! Il faut fuir, et vite !

  • Une intruse, ici, avec moi, reprend l’étudiant.

Ma respiration se bloque par réflexe. Ce type est aveugle, par conséquent, il y a une chance que je puisse lui échapper. Pour cela, je dois me faire la plus discrète possible ! Cependant la peur ne me quitte pas, mon corps est toujours limité dans ses mouvements. La chose se rapproche, mon pouls s’accélère. Gangrène, je t’en prie, viens me sauver ! Réveille-moi !

  • Tu tombes bien, dit-il en souriant.

Pardon ? J’ai bien entendu ? Qu’est-ce que je fais ? La phase discrétion est tombée à l’eau, mes jambes sont toujours gelées, je suis foutue ! Non, tout va bien. Il ne faut pas que je succombe à la panique. Je suis une voyageuse, je peux m’en sortir avec des moyens pacifiques. Ce cauchemar a beau être très réaliste, je me dois de l’affronter. Je dois bouger mes lèvres, je dois lui parler !

  • C-C-Comment ça ? répliqué-je en tremblant.

Je me déteste. Cette réplique est absolument nulle ! Pourquoi ne puis-je pas montrer plus de courage ? Après tout, ce n’est qu’un rêve, il ne peut rien m’arriver !

 L’étudiant se rapproche un peu plus de moi, le Lierre dans ses orbites se met à bouger, quelle horreur !

  • Il t’attend, continue le propriétaire de la chambre.

L’étonnement prend le dessus sur ma peur, ces dernières paroles se répètent en boucle dans ma tête. Il… M’attend. Un rire de panique s’échappe de mes lèvres, je vais revoir cette horreur. Évidemment il se trouve dans chacun de mes cauchemars, c’est ici que cette chose a élu domicile.

Mon regard se concentre sur la gestuelle de l’étudiant. Celui-ci tend sa main vers moi :

  • Viens, allons le rejoindre.
  • Non ! hurlé-je en balayant sa main.

L’énergie parcours mes jambes, chaque muscle cesse tout tremblement. Mon corps s’élance vers la sortie, quel plaisir de pouvoir enfin prendre la fuite !

  • Ne pars pas, je t’en prie, gémit l’étudiant.

Comme si j’allais gentiment l’écouter ! J’ai vécu assez de cauchemars pour cesser mes rencontres avec l’immonde maître de ces songes.

 Ma course folle me fait descendre l’escalier du premier étage, j’ouvre la porte d’entrée, avant de quitter la maison étudiante. Le jardin d’extérieur est désert, je n’ai pas le temps de m’y reposer. Je dois fuir le plus loin possible ! Mes jambes m’amènent dans le grand couloir bleu aux colonnes blanches. Je continue ma course en dépassant les toilettes, puis arrive dans un petit espace aménagé d’une table, de chaises et de quelques bibliothèques.

 J’arrête ma course, essoufflée par l’effort. Un vertige m’assaille l’esprit, le paysage devient bancal avant de virer au noir. Qui aurait cru que ce cauchemar puisse me faire ressentir de telles sensations physiques ? Je commence à douter, ce monde est-il réellement issu de mes propres songes ? Et si, tous ces événements n’étaient que le fruit de la réalité, que m’arriverait-il ? Non, je dois me ressaisir ! Je pose fermement la main droite sur mon crâne, le tout en me concentrant sur le paysage. Les formes et les couleurs reviennent, ma vue se stabilise. L’étonnement s’empare de mon visage, tandis que mon regard ne cesse de faire le tour du couloir.

 L’intérieur du bâtiment a une nouvelle fois changé. Les colonnes blanches sont teintées de cette immonde couleur marron. Le plafond, le sol, les meubles et les piédestaux sont tous recouvert de Lierre. Le dégoût s’inscrit avec profondeur dans mon esprit, la panique me monte à la tête. J’ai beau regarder tous les recoins du couloir, je ne cesse de voir ces lianes légèrement mobiles sur leurs supports. Ma main gauche se pose avec ferveur sur ma bouche, je ne dois pas vomir ! Le calme, vite ! Il faut impérativement que je me calme ! Un sang-froid est efficace contre toutes les situations, c’est ce dont j’ai le plus besoin maintenant !

 Je dois réfléchir, comment une telle chose a pu se produire ? Jusqu’à maintenant, ce couloir me semblait plus sain. Pourquoi le paysage adopte-t-il une telle apparence ? Ce lieu, fait-il vraiment partie de mes cauchemars ? Ma respiration se saccade, devenant de plus en plus rapide. Ce n’est pas bon, l’absence de réponse plausible ne fait qu’augmenter ma panique. Puisque la réflexion ne fonctionne pas, autant se concentrer sur la fuite. Je dois quitter cet immonde couloir.

 Mes jambes s’élancent une nouvelle fois avec célérité. Mes poumons bombent ma poitrine, donnant le plus d’air possible afin de réaliser une autre fugue.

  • Où vas-tu, Hedera ?

Mon corps s’arrête brusquement à l’écoute de ces paroles. Serais-je en train d’halluciner ? Cette voix, c’est celle de…

  • Par ici tu ne trouveras rien. Restons ensemble, après tout nous sommes partenaires.

Gangrène ! Ce n’est pas possible, que fais le Désastre ici ? Le soulagement me monte aux iris, les inondant de larmes. Je ne suis plus seule, enfin ! Mon corps pivote vers l’arrière, permettant à mon regard d’analyser mon associé. Sa silhouette me fait face, bien que sa posture me semble particulière. Sa tête est légèrement baissée, permettant à ses cheveux noirs de camoufler son visage.

 Le doute frémit dans mon esprit, j’ai un mauvais pressentiment. Cette personne me faisant face, est-elle vraiment mon partenaire ?

  • Qu’est-ce qui te prends ? Tu ne veux pas m’écouter ? Viens, reprend le Désastre en me tendant la main.

Mon regard se pose avec peur sur sa paume. Ce geste est beaucoup trop suspect, on dirait celui de l’étudiant.

  • Qu’il y a-t-il ? Tu ne veux pas me toucher ? continue la silhouette.

Je ne dois pas oublier, actuellement je suis au creux d’un cauchemar, l’apparence du couloir en est la preuve. L’arrivée de mon associé est bien trop belle dans une telle situation, qui plus est, il y a quelque chose qui me turlupine.

 Avant de m’endormir, j’ai eu une conversation avec Gangrène, chacun d’entre nous parlait de ses peurs. Je me rappelle avec certitude celle du Désastre : l’hématophobie. Dans ce songe, dès que je suis sortie de la chambre étudiante, j’ai comparé la couleur et l’odeur métallique des murs à du sang séché, il en est de même pour ce couloir. Peut-être est-ce pour cela que mon partenaire baisse la tête, pour ne pas regarder les colonnes aux teintes sanguinaires. C’est une possibilité et pourtant, elle ne suffit pas à apaiser le doute de mon esprit. Je pourrais me servir de cette information pour vérifier l’authenticité du partenaire présent dans ce songe.

 Cependant, il y a une chance que mon raisonnement échoue, et cela proviendrait de ma confiance envers Gangrène. Vais-je croire ses paroles ? Cette peur me parait bien trop handicapante pour un Désastre. Surtout que ce n’est pas un amateur, après toutes les malédictions ingérées, mon partenaire a certainement acquis de l’expérience, et la capacité d’affronter cette phobie.

 Un instant ! Je me rappelle, lors de notre discussion dans la chambre, Gangrène avait honte de sa peur, tout comme moi ! Ou bien, peut-être était-ce pour me rendre plus à l’aise. Finalement je ne sais pas trop quoi en penser, seule ma décision fera la différence. Je suis une voyageuse, je parcours les mondes dans le but d’éradiquer les malédictions aux côtés du Désastre. De plus mon partenaire est l’unique individu capable d’ingérer ces fléaux. Sans lui, il y a bien longtemps que je serais morte. Qui plus est, le danger ne se limite pas aux maléfices, mais aussi à l’intérieur de mes souvenirs. La preuve était lors de notre visite avec Taxus, je me suis mise à paniquer, à hurler, comme si ma vie allait s’arrêter dans l’instant. Celui qui m’a raisonné, celui qui m’a libéré de cette panique, n’était autre que Gangrène.

 C’est ironique, mais je ne peux m’empêcher de graver en moi cette pensée : ce Désastre, si sombre, est à mes yeux la lumière la plus réconfortante que je n’ai jamais eu. Il est mon soutien, mon phare, mon sauveur, mon… partenaire. Compte tenu de ces sentiments, je ne peux pas me permettre de douter. Gangrène, je vais dissiper mes incertitudes à ton égard. À partir de maintenant, je vais te donner toute ma confiance !

 Ma tête se tourne vers une colonne à gauche, je déglutis en ignorant du mieux possible le piédestal grouillant de Lierre. Je m’approche, frottant une main contre le pilier. Après quelques gestes, je retire ma paume et constate la couleur déposée sur ma peau.

  • Que fais-tu ? demande l’individu présent dans le couloir.
  • Rien, j’avais juste envie de toucher cette colonne, tu veux que je te prenne la main, c’est ça ?

Je tends vers lui ma paume tachée de sang, et m’approche d’un pas. La silhouette me faisant face n’effectue aucun mouvement.

  • Dis-moi, dis-je avec méfiance. Sais-tu ce qu’il y a sur cette main ?
  • Bien sûr, c’est du sang séché.

Mon regard ne quitte pas la gestuelle du Désastre, il n’y a aucune réaction. C’est amplement suffisant pour me prouver l’identité du faux.

  • C’est étrange, déclaré-je victorieuse. Je pensais que tu avais une peur bleue du sang.

À mes mots, l’individu sursaute de surprise, le corps tout tremblant. Aucun son ne sort de sa bouche, mon piège a fonctionné ! Quoi qu’il puisse répliquer, ce faux est dans une impasse. S’il ose affirmer que c’était un mensonge, alors il perdra le côté confiant qu’il est censé donner. De plus l’utilisation d’une plaisanterie ne peut pas être justifiée face à une phobie. Si vraiment cette personne s’était forcée, alors je l’aurais remarqué dans sa gestuelle.

  • Je plaisantais, reprit l’individu en tremblant, après tout nous sommes partenaires.

L’idiot, il ne sait plus quoi dire, résultat : il perd en crédibilité. Autant arrêter ce petit jeu et casser l’illusion dès que possible :

  • Tu n’es pas mon partenaire. Si tu continues à insinuer le contraire, alors lève le menton et regarde-moi dans les yeux.

Je suis sûre que sa tête baissée est présente pour cacher un détail et non pas une expression. Une chose particulièrement dérangeante, un peu comme du Lierre dans des orbites.

  • Cela ne sert à rien de te montrer mon visage si tu te doutes déjà de mon défaut, dit l’imposteur d’une voix tremblante.

Au moins une chose est faite. Si cette illusion est brisée, je n’ai aucune raison d’arrêter ma course. C’est dommage, très cher locataire de mes songes. Il aurait fallu d’une imposture un peu plus élaborée pour me faire tomber dans le panneau. Je tourne légèrement mon corps vers l’arrière, afin de continuer à reprendre la fuite.

  • J’ai beau avoir raté mon coup, tout n’est pas perdu pour autant.

Mon regard se dirige brusquement vers l’imposteur, qu’est-ce qu’il vient de dire ? La panique commence légèrement à ressurgir, je m’attends à tout avec une déclaration pareille !

  • La saponine va s’occuper du reste.

Pardon ? La …Quoi ? Je ne comprends pas. Dans un sens, j’aimerais lui poser des questions sur ce qu’il vient de dire, et pourtant il me reste une bien meilleure chose à faire : fuir ! Ces paroles sont peut-être utilisées pour me ralentir. C’est exact, je ne dois pas tomber dans le piège.

 Je décroche mon regard de l’imposteur et reprends ma course avec vitesse. Les colonnes marronnées défilent devant mes yeux, mon attention se concentre sur mon ouïe. Je n’entends que mes propres pas, ce qui signifie que personne ne me suit. Parfait ! Je vois déjà la partie du couloir d’en face teintée d’un blanc pur. Une zone sans danger se trouve sûrement droit devant !

PLIC ! PLOC !

Qu’est-ce que c’était que ce bruit ? Quelque chose arrive ? Et si c’était ce dont parlait l’imposteur ? Je n’ai pas le temps d’y réfléchir, je dois accélérer le pas ! Une zone saine se trouve à quelques dizaines de mètres, encore un effort !

PLIC ! PLOC ! PLIC ! PLIC ! PLOC ! PLIC ! PLOC ! PLOC ! PLOC ! PLIC !

Les sons s’intensifient, qu’est-ce que c’est ?! La panique refait petit à petit surface et mon souffle perd de sa puissance, je suis bientôt à bout !

 Tiens, c’est étrange. Pourquoi l’extrémité du couloir a disparu ? Je ne vois plus ma destination. À la place il y a une espèce de mur sombre aux reflets verts, d’ailleurs cette couleur déteint sur le sol. Non, je n’y suis pas du tout, les bruits auraient déjà dû me mettre la puce à l’oreille. Ce que j’ai face à moi n’est pas un obstacle, mais une cascade ! Je dois m’arrêter, il ne faut en aucun cas que je touche ce liquide sombre !

 Je freine brusquement, le choc me fait tomber sur le sol. Je me relève entre deux respirations, l’étrange liquide continue de se déverser dans le couloir. Il faut impérativement retourner en arrière ! Tant pis pour l’imposteur, je trouverais un moyen de l’esquiver.

 Mon corps se retourne avec vitesse, puis la peur me cloue sur place. Ce n’est pas possible… Pourquoi ?! Depuis tout à l’heure, je croyais entendre le bruit de la cascade qui me bloquait le chemin, mais je me trompais lourdement. Ce son, qui me piquait les oreilles, est celui du liquide se déversant juste derrière ma trajectoire.

 Je suis foutue, définitivement ! lI m’est impossible de résister à ce stade. J’ai combattu, j’ai fait de mon mieux pour vaincre ce songe et j’ai lamentablement échoué. Ha ha, c’est drôle, moi qui n’abandonne jamais d’habitude. Tout ce que je peux faire, c’est d’espérer qu’une situation de dernier secours vienne me sauver, que Gangrène me réveille au dernier moment. Malheureusement tout n’est pas comme dans les romans, les films ou les séries. La vérité est bien cruelle et ce rêve la copie avec efficacité. Il ne me reste plus qu’à subir une noyade, en espérant que ce cauchemar prenne fin avec cette dernière souffrance.

 Le liquide se déverse dans le morceau de couloir, l’espace se comble efficacement par cette eau noire aux reflets verts. Je ne cherche même pas à monter jusqu’au plafond. Toute rébellion est inutile. Les cascades s’agrandissent, le déferlement s’intensifie, et en un claquement de doigt, le couloir s’est totalement inondé.

 Je me retrouve une nouvelle fois prisonnière de ce liquide, j’ai l’impression de revivre ce premier rêve. Cette expérience était horriblement troublante, j’en reviens même à penser que ce n’avait rien d’un songe. Cependant, quand cet événement s’est-il produit ? J’étais dans une sorte de cuve, un peu comme maintenant. En revanche, la situation est légèrement différente. Ici, je n’ai aucun oxygène, mon apnée ne tardera pas à se retourner contre moi. Je me demande si dans cette eau noire, je verrais ma main se retourner ? Pourrais-je entendre une nouvelle fois les craquements de mon os ? Et cette voix, celle qui me murmurait quelques mots, à qui appartenait-elle ?

Souviens-toi…

L’étonnement gèle mes traits, je l’entends une nouvelle fois ! Ce timbre est si monstrueux, qu’il fait vibrer mes oreilles. Ce son que je retrouve dans chacun de mes cauchemars. Pourquoi cette voix me donne-t-elle autant de frissons ? Et ses paroles, que suis-je donc sensée me rappeler ?

Notre promesse.

C’est surprenant, je ne m’attendais pas à ce qu’elle me réponde. Comme si ce monstrueux inconnu lisait dans mes pensées. Qu’est-ce que je raconte encore ? Malgré les sensations et les décors, ce que j’expérimente n’est qu’un simple cauchemar ! Ce stress, ces horreurs, ce ne sont que des simulations de mon esprit. Cette voix n’est qu’un simple message que souhaite me faire passer mon subconscient. Alors dans ce cas, qu’ai-je donc oublié ? Quelle promesse ai-je réalisée ? Est-ce que par hasard, cela aurait-il un lien avec mon premier rêve ?

 J’arrive à ma limite, je n’ai plus d’air. Dans quelques instants, je vais me noyer ! Mes poumons sont douloureux, mais je dois tenir bon. Quand bien même cette situation m’a l’air réelle, je ne dois pas…désespérer !

Et si, on arrêtait ces souffrances ?

La surprise m’ébranle une dernière fois, mon corps relâche l’air contenu dans mes poumons. Ma conscience s’évapore, me faisant sombrer au fond de cette eau noire.

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