Chapitre II - 1.

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  Cette question l’avait tracassé toute la semaine. Il était pourtant sûr de l’avoir regardée sous toutes les coutures lors de leur rencontre. Comment avait-il pu passer à côté d’un élément aussi important ? Certes, elle avait toujours porté beaucoup de bijou. Mais tout de même, ce n’était pas n’importe quel bijou : c’était une alliance. Une bague qui lui certifiait qu’il l’avait perdue pour toujours. Qu’il y avait un autre homme dans la partie. Cela ne lui avait jamais ne serait-ce qu’effleuré l’esprit. Elle en aimait un autre. Lui donnait son temps. Sa tendresse. Son corps. L’aimait-elle autant qu’elle l’avait aimé lui ?

  Thibault soupira une énième fois. Ils avaient rendez-vous tous les trois aujourd’hui. Silvia et elle s’étaient vues la semaine dernière, elles avaient pris un café ensemble, sans lui. Elisabeth avait insisté pour qu’il ne soit pas présent. Ainsi, les deux femmes avaient pu faire connaissance et avaient convenu du rendez-vous d’aujourd’hui, sans le consulter. Il avait horreur de se sentir exclu de la sorte. Mais il ne put ruminer davantage, les rires de ses collaboratrices lui parvinrent aux oreilles. Thibault devait remonter sur le ring. Il quitta son bureau pour aller à leur rencontre. Dès qu’elle apparut dans son champ de vision, il se mit à la détailler. Promenant son regard sur chaque parcelle de son corps. A commencer par le décolleté de son chemisier bleu qui laissait deviner cette poitrine qu’il connaissait par cœur. Ses yeux contemplèrent lentement sa jupe crayon tandis qu’il savourait les souvenirs que tout cela évoquait en lui. Son regard descendit ensuite jusqu’à ses escarpins noirs aux talons vertigineux. Elle était toujours aussi belle, c’était certain, mais quelque chose avait changé. L’allure élégante et soignée ne l’étonnaient guère. Elle ne sortait jamais sans être apprêtée. C’était autre chose. Son assurance peut-être. Cette façon d’attirer tous les regards avec fierté, loin de la démarche faussement assurée qu’elle adoptait pour déambuler dans les couloirs de l’université.

  Elisabeth sentit son regard sur elle à la minute où il s’y posa. Un frisson léger la parcourut de haut en bas, mais elle ne laissa rien paraître, refusant de lui faire ce plaisir. Elle restait fixée sur Silvia et hochait la tête sans l’écouter en attendant qu’il arrive jusqu’à elle. Ce fut à ce moment-là, seulement, quand leurs corps se retrouvèrent à quelques mètres l’un de l’autre, qu’elle daigna lui accorder un regard froid et un salut très professionnel. Elle vit alors la mâchoire de Thibault se contracter de manière presque imperceptible. Le combat pouvait commencer.

  De manière tout aussi professionnelle, il les invita à le suivre dans son bureau. Il récupéra en passant le café et le contrat auprès de la secrétaire, déçue de comprendre que l’on se passerait de sa présence. Elle devrait se contenter de la scène qu’elle venait d’observer comme unique ragot. Le patron dévorait des yeux la nouvelle cliente, et tout le monde devait le savoir.

  Assis tous les trois autour du grand bureau en chêne, cafés en mains et papiers sous les yeux, les deux femmes animaient la conversation en tentant de se mettre d’accord sur la marche à suivre et sur la nature du contrat. Thibault, d’un calme qu’Elisabeth ne lui connaissait pas, restait en retrait et prenait quelques notes sans jamais intervenir. La jeune femme laisse les choses se dérouler ainsi aussi longtemps qu’elle le put, mais sa curiosité reprit le dessus. Que pouvait-il prendre en note avec autant de soin ? Prenait-il réellement des notes d’ailleurs ? Liz déglutit le plus discrètement possible, ravala son agacement et fit signe à son interlocutrice de se taire. Ce silence soudain lui fit lever les yeux de son carnet. Elle l’interrogea du regard, il lui répondit avec un sourire narquois. Silvia, qui ne connaissait visiblement pas aussi bien son patron que « leur cliente », fut quelque peu déroutée par ce jeu qui semblait si naturel entre.

  Elisabeth relança alors la conversation, reportant son regard sur Silvia. Mais elle ne pouvait s’empêcher de jeter des coups d’œil qu’elle croyait discrets en direction de Thibault. Le sourire qu’il arborait fièrement en écrivant dans son carnet la mettait mal à l’aise, exactement comme au début. Il la déstabilisait. Il avait toujours réussi à la déstabiliser, quoi qu’elle prétende, il réussissait toujours. C’était sans doute ce qui l’avait attirée, il y a des années, et ce qui continuait de la perturber aujourd’hui. Il la poussait hors de sa zone de confort. Il voulait la voir déraper, répondre, s’opposer. Elle connaissait cette mécanique par cœur, et ça avait été grisant par le passé. Provoquée par un sourire, une caresse, une parole, elle devenait une autre. Elle devenait Liz.

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