Chapitre III - 1.

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  Un mois s’était écoulé depuis qu’elle avait signé ce fichu contrat. Thibault avait accueilli la nouvelle avec un plaisir non dissimulé, gardant scotché au visage un sourire satisfait durant tout l’entretien. Elisabeth se redressa et secoua la tête pour chasser cette image de sa tête. Un mois. C’était le délai que lui avait accordé Silvia pour écrire un texte supplémentaire à ajouter au recueil. Il faut du sang frais dans ce livre ! Liz poussa un long soupir aux allures de grognements, fruit d’une frustration qu’elle ne pouvait plus contenir. Elle jeta son carnet sur la table basse qui lui faisait face et s’enroula dans le vieux plaid rose qu’elle aimait tant. Elle laissa reposer sa tête sur le haut du canapé, ferma les yeux.

  Depuis quand n’avait-elle pas réussi à écrire un mot ? Tout ceci lui paraissait si lointain. Elle se revoyait assise à son bureau dans sa toute petite chambre d’étudiante, écrivant jusqu’à tomber de fatigue, couchant sur le papier des mots par centaine, par millier. Parfois, il lui semblait qu’elle revivait les souvenirs d’une autre. D’une fille qui savait écrire. Qui aimait cela plus que tout. Où était passée cette fille ? Elisabeth rouvrit les yeux. Et si elle n’était plus jamais capable d’écrire un seul mot ? Et si elle ne pouvait plus être cette autre ?

  Un nouveau soupir s’échappa de ses lèvres. Son portable vibrait. Il était temps de se préparer. A contrecœur, elle quitta son cocon et monta se préparer. Elle ne pouvait pas sortir ainsi. Personne ne devait la voir dans cet état, elle se sentait bien trop vulnérable.

  Perchée sur ses escarpins rouge vernis, Elisabeth se sentait déjà beaucoup mieux. Elle traversait le bâtiment de sa démarche assurée, la tête haute, prête à affronter ses éditeurs. Sans frapper, la jeune femme franchit la porte du bureau de Thibault, visiblement préoccupé par ce qu’affichait l’écran de son ordinateur. Faisant fi de sa présence, elle commença à s’installer sans un mot ni un regard. Thibault sourit : ne lui montrer aucune considération semblait être la règle numéro 1 d’Elisabeth. Mais, il n’était pas dupe et elle ne le savait que trop.

  Ses yeux verts finirent par se détacher de son ordinateur pour venir se poser sur Liz, tête baissée sur le travail. Il reconnut immédiatement le chemisier blanc qu’elle portait et fut impressionné qu’il lui aille toujours aussi bien après dix ans. Il laissa son regard descendre et la scruta dans les moindres détails. Il jaugeait tout, se rappelait un peu et s’égarait beaucoup. Il secoua la tête en pouffant. Il savait qu’il était ridicule, mais il ne pouvait pas s’en empêcher.

  Agacée de se sentir brûlée par son regard, Elisabeth se redressa sur sa chaise, calant son dos contre le dossier. Elle interrogea son interlocuteur du regard. Elle ne devait pas le laisser reprendre le pouvoir. Elle avait signé, certes, mais elle ne se laisserait pas faire.

  Un sourire –trop- charmeur en guise de réponse suffit à l’alerter, qu’allait-il lui annoncer ?

  « Bon, et bien on dirait qu’on va devoir travailler tous les deux. Déclara-t-il en tentant en vain de cacher sa joie.

  — Pardon ? Et en quel honneur ? Tu oublies les clauses du contrat ! Elle marqua une pause, elle paniquait. Et puis, où est Silvia d’abord ? C’est ELLE mon éditrice.

  — Silvia, comme j’ai tenté de te l’expliquer, n’est pas spécialement passionnée par ce travail. Elle est plutôt du genre à suivre l’appât du gain. Il soupira, faussement consterné. Elle est donc auprès d’un de nos plus gros clients pour la journée. Plus elle passe de temps avec ce genre d’auteurs, plus elle a de chances de gravir les échelons. Et, ton contrat ne lui offre pas ce genre de perspectives. »

  Fier de sa tirade et plutôt satisfait de la tournure que prenaient les choses, le directeur éditorial quitta son fauteuil, attrapa sa veste et son cartable. Il s’immobilisa une seconde en remarquant que sa cliente ne semblait pas comprendre où il voulait en venir. Alors il lui intima de le suivre d’un mouvement de tête.

  Assise à l'arrière du taxi, Elisabeth serrait les poings, les mains posées sur les genoux. Elle aurait dû protester, ou au moins le questionner, mais surtout pas le suivre comme ça. Qu'est-ce qui lui était passé par la tête ? Mais il était trop tard pour s’échapper. Si elle prenait la fuite maintenant, alors il aurait gagné. Encore.

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