Chapitre IV.

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  Rien. Elle n’entend plus rien. Ni le vent qui s’engouffre dans les volets mal fermés. Ni la pluie qui tambourine dessus à un rythme effréné. Rien. Seul le bruit de sa respiration apaisée parvient à ses oreilles. La porte de la chambre d’à côté qui claque. Le couple qui se dispute au bout du couloir. Tout cela n’existe pas. Il n’y a qu’eux qui importent.

  Enlacés dans ce lit depuis de longues minutes, des heures sans doute, ils s’agrippent l’un à l’autre comme si leurs vies en dépendaient. Sa main brûlante caresse son ventre quelques instants puis s’accroche de nouveau à sa hanche, l’obligeant à se serrer un peu plus contre lui. Ses yeux sont clos. Il ne veut pas la regarder, il ne tient pas à lire la vérité son sur visage. Il se concentre. Il essaie de tout sauvegarder dans un coin de sa tête. Son parfum sucré aux essences de vanille. Sa chaleur. Son rire. Le vrai. Celui qu’elle n’offre qu’à lui, quand ses mains chatouillent son corps et qu’elle oublie toute retenue. Sa peau. Sa peau contre la sienne.

  Ses yeux à elle scrutent le plafond recouvert d’une peinture jaunâtre qui devait être blanche à l’origine. Impossible de les poser sur lui ne serait-ce qu’une seconde. Elle ne peut pas prendre le risque. Alors elle promène son regard autour d’eux. Le papier peint vert à grosses fleurs orange se détache sous la fenêtre. Les vieilles appliques murales lui rappellent la maison de sa grand-mère. Depuis quand ce n’est plus drôle de s’enfuir pour s’envoyer en l’air dans des hôtels miteux ? Elle avait pourtant aimé cela, au début. C’était amusant de venir s’y retrouver comme un couple illégitime. Transgresser des interdits qui n’existaient pas. Pouvait-elle être devenue si pathétique ? Non. Ils sont là parce qu’ils savent tous les deux. Ce combat a eu raison d’eux. Pas d’elle, non. Juste d’eux. Elle est plus forte que tout ça. Elle est capable d'avancer seule. Elle le doit. Cela ne peut pas continuer ainsi. Ses sourires la crispent et sa fumée de cigarette l’étouffe. Elle n’accepte plus ses absences et ses baisers enflammés en guise d’excuse. Elle ne supporte plus cette passion qui la dévore de l’intérieur et l’empêche d’être honnête. Ses yeux quittent le plafond pour s’évader jusqu’à la fenêtre. C’est exactement ce dont elle a besoin. Respirer à nouveau. Prendre une grande bouffée d’air frais et aller de l’avant.

  Il la sent lâcher prise. Elle n’y est plus. Elle est déjà trop loin de lui. Ca lui fait mal. Un peu. Mais il ne se battra pas. Il ne peut pas. Il est au-dessus de ça. Il doit l’être. Il ne se mettra pas à ses pieds pour la supplier de lui donner encore du temps. Non. Il n’en a pas besoin. Il savait comment ça se terminerait de toute façon. Ils auraient mal, c’était écrit.

  L’heure du doute est passée. Elle va partir, il en est persuadé. Son corps tout entier se tend, sa respiration est trop prononcée. Ses doigts s’enfoncent dans sa peau. Il veut un véritable au revoir. Un au revoir à leur manière. Violent. Passionné. Incertain.

  Ils font un, encore une fois. Dans cette chambre minable qui était devenue leur refuge, leur bulle hors du temps. Un endroit pour fuir le quotidien. Fuir la vie banale dont ils empruntaient le chemin. Fuir ce qu’elle se déteste de désirer en secret. Fuir ce qu’il ne veut pas se voir devenir.

  Leurs corps glissent l’un contre l’autre dans un rythme parfaitement décousu. C’est la dernière bataille. Mais cette fois, pas de gagnant. Juste des peaux caressées et griffées par des mains qui refusent de déposer les armes. Personne ne veut s’avouer vaincu. Chacun savoure sa victoire personnelle. Ne rien dire. Ne rien montrer. Juste prendre possession de l’autre, une dernière fois.

  La fin est proche. Pas d’étreinte supplémentaire. Ils ne peuvent pas s’attarder. Elle a enclenché le processus. Dans des gestes mécaniques, elle quitte le lit et se rhabille. Il la regarde faire sans un mot. Ses mains s’accrochent aux draps sans qu’il n’en ait conscience. Elle retient les larmes qui menacent de dévaler ses joues. C’est plus dur qu’ils ne le pensaient. Mais il n’est pas question de craquer maintenant. Elle parcourt les quelques mètres qui la séparent de la porte sans même le regarder. Il ne bouge pas. La porte claque. C’est fini.

  Immobile, il reste là à respirer son parfum. Il pourrait essayer de la rattraper. Mais il ne le fera pas. Et elle ne reviendra pas. C’est fini.

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