9 – 3 Veux-tu tuer pour moi ?

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Le lendemain matin, elle était dans sa chambre avec Mylène. Utilisant son lit comme siège assis-debout, elle procédait aux exercices servant à améliorer la motricité fine de ses mains. Yahel était là aussi, venue en visite. Cela palabrait sérieux entre les deux, extasiées devant ses progrès. Elle n’y faisait plus attention. Elle s’ennuyait, se demandait si elles allaient enfin comprendre que tout cela était devenu inutile.

Elle ne fut pas surprise quand il se dévoila sur le pas de la porte. Toujours la même flamme dans ses yeux et ce même sourire assuré. Ce qui l’étonna, c’était ce que Mahdi tenait dans sa main. Elle aurait dit une sorte de bâton de combat, mais constitué de métal, d’un blanc lumineux, moins long qu’un bô.

Elle rendit nonchalamment son outil de torture à Mylène. Ses compagnes du moment s’écartèrent, comme par instinct. Il s’avança, charisme majestueux, imposant, se plaça devant elle. Il lui tendit solennellement l’objet, le lui présentant à deux mains, à l’horizontal.

Tara fixa l’arme qu’il lui offrait. Elle lui rappelait quelque chose.

— Je sais que ce que je te demande est sale et cruel, un sacrifice. Mais j’ai besoin de gens comme toi. J’ai besoin de toi. Je t’entraînerai moi-même, je te forgerai…

Le roi suspendit son discours un moment. Deux paires d’yeux écarquillés attendaient la suite. Pour Tara, c’était comme si elle savait ce qui allait venir.

— Alors dis-moi, veux-tu bien devenir mon arme ?… Veux-tu tuer pour moi ?

Le tout devant les deux spectatrices médusées.

Respirant profondément, elle leva les yeux de l’arme vers lui, le fixant d’un sourire carnassier sur les lèvres. En guise de réponse, elle avança sa main droite, la posa sur l’objet avec assurance, pile au centre, entre les mains du roi, la referma sans aucune hésitation. Ils restèrent ainsi quelques secondes, scellant leur accord. Des secondes qui parurent une éternité pour Yahel, puis il lâcha.

Il recula.

— Retrouve-moi demain, je t’attendrai.

Elle savait où.

Alors qu’il reprenait la direction de la sortie, elle jouait déjà avec son arme. Elle la frôlait de la main, la jaugeant, testant son poids en la balançant plus ou moins brutalement, cherchant ses secrets… Là, des commandes. Elle se doutait que ce n’était pas qu’un simple bâton.

Le tenant à la verticale, elle appuya sur l’un des boutons. Il s’agrandit. Un autre. Une lame surgit à son extrémité.

Bien sûr.

Elle rabaissa l’objet, le tint dans sa main dominante, lame vers le sol.

— L’heure.

Il stoppa.

— Mmm ?

— Tu as oublié l’heure.

Le roi éclata de rire.

— 9h, ça te va ?

Et il sortit.

***

Yahel, stupéfiée, avait suivi cette scène dont le fil s’était déroulée devant elle, prise du sentiment d’avoir loupé quelque chose. Mylène lui demanda en chuchotant si elle avait compris quelque chose à ce qui venait de se passer. En réponse, Yahel lui demanda gentiment de la laisser seule avec Tara.

Mais qu’est-ce qu’il se passe entre les deux-là ? Qu’est-ce qu’ils trament ? Depuis quand ?

L’impression d’une main étranglant son cœur.

— C’était quoi, ça ? demanda-t-elle, une fois que la parole lui fut revenue. Qu’est-ce que vous complotez, tous les deux ? Tu m’expliques ?

— N’est-ce pas évident ? lui répondit Tara d’un ton doucereux, tout en scrutant de près le fil de la lame, le caressant, le testant du bout du doigt.

— Attends ! Tu ne vas quand même pas…

— Apprendre à me battre ? Et pourquoi pas ? On ne m’a pas greffé cela pour éplucher des patates ! lui fit-elle remarquer en brandissant sa main droite. Et puis… Il est temps que je mérite mon médaillon… Tu ne crois pas ?

Qu’est-ce qui la gênait le plus ? Le fait de n’avoir rien vu venir, ou l’expression sur le visage de Tara ?

Il fallait qu’elle en ait le cœur net.

Tard le même soir, Yahel décida de suivre leurs moindres faits et gestes. Elle le surprit finalement alors qu’il se dirigeait vers la chambre de Tara. Tout était calme, tout le monde cherchant sûrement le sommeil à cette heure tardive. Elle attendit un long moment. Comme il ne ressortait pas, elle décida d’ouvrir la porte sans bruit.

Par la douce lumière du couloir, elle les vit.

Tara était couchée dans son lit, en chien de fusil, sa position préférée, du côté où son bras était mort auparavant, emmitouflée sous sa couverture, détendue, le visage tendre d’un enfant endormi.

Lui aussi avait les yeux clos, le corps dans la même position, épousant le dos de Tara, protecteur, par-dessus la couverture, le museau enfoui dans ses cheveux défait. La main de Tara s’extirpa de son abri et prit la sienne.

Deux enfants perdus, qui s’étaient trouvés, se tenant l’un contre l’autre, comme pour se protéger l’un l’autre. Voilà ce qu’elle vit.

Cela calma son cœur.

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