7 – 3 Se sentir vivante

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Un lion recouvrait la peau de son torse, prenant vie avec le mouvement des muscles. Le tatouage trônait pile devant son nez. Même avec sa vision unilatérale, elle ne pouvait en manquer la beauté. Elle se fit un petit plaisir. Elle s’approcha encore plus près, posa un instant son front contre cette poitrine sauvage.

Il lui souleva à nouveau le visage vers le sien.

— Cela ne comblera pas le vide que je ressens en toi, mais je veux que tu te sentes bien.

— Alors nous sommes sur la même longueur d’onde. C’est tout ce à quoi j’aspire.

Il passa derrière elle, sans se presser. Elle resta attentive, sans regarder, prête à tout. Il posa une main sur son épaule droite, presque à la base de son cou. Nouveau frémissement. De l’autre main, il repoussa ses cheveux, posa ses lèvres dans son cou. Il passa ses mains sous ses aisselles, en glissa une jusque sous un sein, l’autre simplement sur le bas de son ventre. Il serra doucement, resta immobile. Son cœur s’accéléra, son souffle s’approfondit, appréciant l’instant. Puis ses mains avancèrent, voyagèrent, toujours aussi lentement, explorant les courbures de son corps, sa taille, ses hanches, le velouté de ses fesses, le contour de ses seins. Il continua ses caresses, même lorsqu’une de ses mains retourna entre ses jambes, ses doigts en titillant les parties charnues. Preuve qu’elle était en forme : cela lui fit bien plus d’effet que la dernière fois.

Il embrassait toujours son cou, par petites touches, toujours un peu plus loin. Il atteignit le coin de sa mâchoire. Elle détourna la tête. Ne pouvant aller plus loin, ses lèvres retrouvèrent le cou offert. Elle se cambra.

Elle ne sut comment il fit. Elle sentit son pantalon tomber en bas de ses jambes, elle le repoussa de ses pieds, puis une main à l’intérieur de sa cuisse, un basculement… Elle se retrouva sur le sol, le cœur côté ciel. Sa crinière lui chatouilla la peau entre les cuisses, avant que…

— Oh, bon sang…

Riant et gémissant de plaisir, ses jambes s’écartèrent sous l’effet de son souffle sur son sexe. Elle le laissa jouer, alors qu’il utilisait sa bouche pour archet. Ses mains caressaient ses jambes. Il chercha avec ce nouvel outil les bons contacts, les trouva, enclencha au fur et à mesure réactions sur réactions dans son corps. Elle qui craignait de regretter ce choix d’avoir des membres mécanisés, elle se dit que finalement, le corps humain était déjà en lui-même une belle machine. En trouvant les bonnes touches, les bonnes commandes, il réagissait selon une programmation mystérieuse, extraordinaire. Et cet homme était capable de décoder son programme.

Une main remonta sur son ventre, la fit basculer sur le dos. Elle observa cette main qui contrastait sur sa peau si pâle, ce corps qui s’entremêlait avec le sien, rappelant un lointain ying-yang orné du rose de ses mamelons surgissant entre les doigts de la main enveloppante, et du rouge incendiaire du feu qu’elle ressentait sur ses joues. Elle aima cela.

La main continua son chemin, suivie de sa compagne. Elles firent la paire pour la pétrir tout en douceur et subtilité, déclenchèrent d’autres réactions viscérales. Elle ne contrôlait plus rien. Car il n’y avait rien à contrôler. Tout fonctionnait parfaitement.

— Ça va ? demanda-t-il en redressant brusquement la tête.

Elle hocha la tête, plusieurs fois, en saccade, lui intimant par là de continuer. La crinière remonta à son tour, caressa sa peau, le contact des lèvres sur son ventre, entre ses seins, électrisait tout son être, accompagné de la sensation de mille mains sur son corps.

Une pause. Elle tremblait, haletante, en attente. Son visage face au sien, il se tenait au-dessus d’elle. Sa mâchoire marquée, ses pommettes saillantes, ses yeux magnifiques encadrés de l’énorme masse de mèches retombant de chaque côté de ce visage… Elle le trouva beau. Invitation à continuer, elle lui offrit encore son cou. De nouveau cet interrupteur sur lequel il appuya de ses lèvres. Elle crut que son cœur allait s’arrêter. A peine, car il entra en elle. Elle céda au plaisir.

Oui, une bien belle machine que le corps. Ils se complétèrent, ventre conte ventre, faisant s’emballer les niveaux d’énergie jusqu’à ce que la puissance s’élève, enflammant sa chair. Elle vibra, son cœur battit dans sa poitrine, au bord de l’explosion, un flot d’émotions lui arracha des sanglots sans larme. Elle aima cela.

Croyant qu’il était impossible d’aller plus loin, tentant de reprendre son souffle, elle eut pourtant l’heureuse surprise de le sentir toujours en elle. Il continuait. Il cherchait encore, à un autre rythme, différent. Il explorait plus profondément, plus intensément. Et elle l’accompagna, car elle comprit aussi qu’il y avait autre chose, un contact secret, jalousement bien gardé et qui se méritait. Elle l’aida, il l’aida, à deux ils cherchèrent…

Une déflagration, partant d’un point précis, se répandit dans son ventre, dans ses tripes, tétanisant son bassin, ses jambes… Une fusion, une énergie électrique, primale. Elle s’entendit rire. Elle aima cela.

Elle aima le poids de son corps sur elle quand il céda à l’épuisement. Il l’enveloppait comme une couverture à la chaleur soyeuse. Et il sentait bon.

Et il lui avait fait tout cela sans qu’elle n’ait jamais mal à ses membres.

Ils reprirent leur respiration ensemble, en harmonie. Puis il s’écarta. Elle en profita pour basculer sur le côté, il s’installa contre son dos, comme pour lui servir de soutien, et il les recouvrit avec la cape. Elle se retrouva la tête bien calée sur son bras, apprécia son corps contre le sien. Elle vint s’y coller, dos contre torse, jambes contre jambes, s’emboîtant parfaitement dans l’espace qu’il lui avait créé, alors qu’il consolidait leur position en plaçant son autre bras le long de son ventre. Elle s’y sentait à l’abri, sereine. Elle sut que quoi qu’il arrive, en cas de besoin, ce cocon, elle pourrait venir s’y ressourcer.

— Tu es bien ?

— Mmh, approuva-t-elle… Dis-moi, tu es musicien ?

— Hein ? Pourquoi tu demandes ça ?

— Pour quelqu’un qui voulait juste que je me sente bien, objectif plus qu’atteint !

— À ce point-là ? Ne me dis pas que c’était ta première fois ?

— Non, mais quelque part, oui. Comme tu as joué avec mon corps… Même en cumulant toutes mes expériences, jamais je n’ai été autant caressée, cajolée, stimulée, titillée… À côté, les autres se contentaient juste de rentrer dans le trou et d’y aller jusqu’à ce qu’ils aient fini. C’est la première fois que je me sens redevable.

— Il ne faut pas… Ce que j’ai fait, c’est normal. Te voir si bien, en harmonie avec ton corps, si j’ai pu te donner du plaisir, un peu de joie, alors j’en suis heureux… J’ai même été un peu trop vite, non ?

— C’est que… J’aurais aimé être plus participative… Te rendre la pareille.

— J’ai remarqué. Tu les as gardés quasi immobiles de chaque côté, sans oser les utiliser.

Il passa ses doigts sur sa main gauche, remonta un peu le long du bras, comme une caresse sur les tiges métalliques. Encore ce doute qui l’envahit : sentait-elle vraiment quelque chose, ou était-ce son cerveau qui traduisait ce que la vue lui transmettait ? Marc avait bien évoqué des microcapteurs sensoriels, mais…

— Ben… Comme je ne les contrôle pas encore, une fausse manœuvre est vite arrivée. Sachant que cela ne fait pas longtemps que je suis des vôtres, si j’avais atteint à la dignité du roi… Tu imagines, ça l’aurait foutu mal.

Il éclata littéralement de rire. Elle le suivit de peu.

— Dis-moi, est-ce la seule raison ? lui demanda-t-il une fois le rire éteint, apaisé.

Silence.

— Chaque geste, chaque mouvement… j’ai mal.

Son bras recouvrit le sien.

— Ils font partie de toi, maintenant. Tu dois les accepter. C’est la première étape. Mais je ne m’inquiète pas, je sais que tu y arriveras.

— Mon ami… dit-elle tout doucement. Merci…

***

En revenant dans sa chambre, elle retrouva Yahel installée dans le fauteuil repoussé depuis peu dans un coin de la pièce. Assoupie, croyait-elle devant ses yeux clos et l’angle de sa tête. À cette vue, elle avait stoppé net, pas seulement à cause de sa pâleur. Les indices étaient flagrants. Exactement ce qu’elle craignait. Alors qu’elle avait cédé à une petite sieste, inévitable dans le confort du corps de Mahdi après s’être amusée avec lui, Yahel étaient entre les mains des médics.

— Tu es revenue ? lui demanda Yahel presque joyeusement, comme si tout était normal. Je me demandais où tu étais passée ?

Tara déglutit avant de lui répondre.

— J’étais avec Mahdi.

— Ah… oui, j’aurais dû m’en douter.

Silence.

— Yahel, qu’est-ce qui s’est passé ? finit-elle par lui demander, ne pouvant réprimer un ton atterré.

— Hein ? Rien de bien méchant. La routine, pourquoi ?

— La routine, vraiment, avec une magnifique entaille sur la joue, une lèvre explosée, un joli cocard pour orner le tout, sans parler des estafilades et va savoir quoi d’autre sous ces bandages que tu peines à cacher sous tes manches…

— Quoi ? Ça ? Juste un plus récalcitrant que les autres…

Tara n’avait toujours pas bougé d’un pouce. Elle ferma son œil valide, voulu se déconnecter, ignorer, renier le brouillard envahissant son cerveau. Pas de visage sur celui qui s’en prenait à son amie, juste une ombre, une main tenant un couteau, une hachette ou un hachoir, l’abaissant, frappant, assenant sa relâche. Voilà ce qu’il y avait sous la brume. Ainsi que l’angoisse, le désarroi, la culpabilité, l’impuissance…

Non…

Elle aurait aimé serrer le poing, quitte à en pleurer de douleur, la secouer pour qu’elle avoue, qu’elle parle de ce qu’elle vivait là, dehors, taper dans les murs pour soulager la colère. Mais tant qu’elle ne pouvait faire le moindre geste sans que l’effort ne marque ses traits…

— Dis donc, à ce que je vois, ça a été la fête, ici.

Elle voyait à quoi Yahel faisait allusion, et ne fut donc pas surprise de la voir reluquer les débris de vaisselle et de nourriture au sol.

Yahel, en voulant détourner la conversation, tu vas de Charybde en Scylla.

— Oh, c’est rien, juste une petite erreur de manipulation. Je ramasserai.

Plus tard, pas devant toi.

— Si tu le dis… Au fait, on a récupéré quelques livres, surtout pour les gosses qui passent ici. Cela ne pourra que leur faire du bien, les distraire un peu en retrouvant un instant de vie, un semblant de normalité avec les autres, leurs parents, que sais-je. Et j’en ai trouvé un pour toi, j’espère qu’il te plaira.

Elle sortit un ouvrage de sous son gilet, le lui tendit. Tara le fixa sans bouger. Le temps s’écoula.

— Pose-le, je le lirai plus tard, finit-elle par lui répondre, se détournant enfin, ne voulant pas rentrer dans le piège, si cela en était un. Au fait, si tu veux mon lit, profites-en… Tu es blanche comme un linge, insista-t-elle, c’est ton tour, de te reposer. Moi, j’ai à faire. Grâce à toi, je viens de me rappeler que j’ai encore faim.

— C’est bon, t’inquiète, j’ai le mien. Je voulais juste… Voir si tu allais bien.

Qu’est-ce qui me prend ? J’allais fuir, et la laisser seule comme ça, dans cet état ?

— Tu veux un doudou géant, c’est ça ? demanda-t-elle à son amie avec une moue malicieuse, faussement renfrognée, ayant enfin compris l’objectif de sa venue. C’est bon, inutile de me faire ce regard de cocker.

Tara rejoignit Yahel devant le fauteuil. Cette dernière rejeta le haut de son corps vers l’avant, les bras dans la même direction, fourra son museau dans le ventre de laine formé par sa cape et referma le cercle, étreignant sa vieille amie.

— Je sais que tu n’es pas très câlin, Tara, et c’est idiot, je sais mais… ça me rassure. Ça fait du bien de voir, de sentir que tu vas bien.

Elle se trouva bête, inutile, les mains suspendues dans le vide, sans oser ne serait-ce que les poser sur son amie. Comment réagir à de telles paroles ? Quoi répondre, alors qu’elle ignorait tout du quotidien de Yahel tout ce temps, ne pouvant qu’imaginer l’enfer sur terre alors qu’elle végétait à l’abri dans sa chambre. Sans possibilité de faire plus pour le moment, voilà le minimum qu’elle pouvait lui offrir : du réconfort.

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