42 – Je suis ton passager

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Tout s’éclaircit. Un voile qui se retire.

Le visage peiné de Mahdi, presque désespéré, s’était enfin décidé à disparaître. Toujours aveuglée, elle entendait la voix son bourreau, mais aussi une autre voix, particulière, bien étrange. Et cette odeur !

C’est celui qui pue comme ça qui vient de parler ?

Cou encerclé, soulevée. Bruits des chaînes qui pendent, inutiles.

— Tara, respirez !

— J’étouffe ! On m’étrangle…

— Rappelez-vous, c’est votre corps qui a mal, pas vous. Vous êtes juste là en spectatrice.

Qu’est-ce qu’il dit l’autre ? Il veut essayer quoi ? Laissez-moi, je ne suis plus là !

C’était étrange, ce qu’elle sentait autour de son cou. Cela se relâcha un peu, la maintenant toujours suspendue en l’air.

Quelque chose, des choses, centaines de serpents l’encerclant, l’emprisonnant, l’enserrant de partout, le cou, le corps, les jambes… Pas des mains, pas humain, indéfinissable. Ça tâtait, ça cherchait, caresse malsaine, nauséabonde, suintante, rampant sur sa peau, sur son visage, sa joue, sa tête, et ailleurs sur son corps, partout en même temps. D’autres encore cherchant sur son ventre, ses bras, ses jambes, ses cuisses, tirant, dégageant un corps étranger dans un flot de sang, trouvant sa bouche, ses oreilles, la cavité de son œil. Ça entra, ça pénétra, partout où ça pouvait.

Non !

Dégoût insurmontable, nausées, et cette voix étrange. Elle l’entendit. Dans sa tête ou par ses oreilles ?

— Oui… C’est ça, reviens !

Ce qui était rentré en elle, partout, ça bougea, ça pulsa, ça était vivant, interminablement.

Non !

— Vas-y, résiste ! C’est encore mieux.

La voix résonna, entêtante. Dans sa bouche, ça alla encore plus loin. Ses tripes s’en retournèrent, voulurent sortir d’horreur.

— Tara !

— Tara, reviens !

— Tara, écoutez-moi, retournez sur l’île !

Les voix lointaines de Yahel et de l’homme étaient à peine audibles. Elle savait qu’elle était dans cette salle avec eux, mais plus dans le fauteuil moelleux. Elle était au sol, à quatre pattes par terre, la gorge lui brûlait, sentait le vomi.

— Allez, amuse-moi encore !

Elle était encore là-bas aussi.

— Sort de ma tête !

— Tara, je suis là, accroche-toi à moi !

Elle se tint la tête d’une main, agrippant son crâne et son œil artificiel. Elle entendait Yahel, la cherchait, éperdue.

— Tara !

Les mains de Yahel la saisissant par les épaules, la guidant. Elle la trouva, s’accrocha, bouée de sauvetage, point fixe, immuable dans cette folie.

— Tara, allez sur l’île !

— Non ! Je ne peux pas… pas encore. C’est pas fini.

C’est quoi, d’ailleurs ?

Ça sortit d’elle, mais ça serra, étrangla, étouffa. Ça la tint par les bras et ça broya la chair, ça brisa les os, ça plia les jambes, les tordit, les cassa, les pulvérisa. Ça pressa son corps, ses côtes, qu’elle entendit se fendre et céder sous la pression.

— Allez, réagis ! Ne me dis pas que tu es repartie !

Ça la souleva, la tira par le cou, ça libéra le reste de son corps. Ça l’envoya voler, valdinguer, emportée d’un coup. Elle cogna, percuta, heurta, le sol ? Un mur ? Un meuble ? Vulgaire poupée de chiffon balancée, jetée, cassée entre les mains d’un enfant lassé de son jouet.

Elle allait mourir, ça y est.

— Mais non, je ne veux pas !

Ça revint partout, ça la ramena elle ne sait comment. Ça fit passer quelque chose dans son corps ? Ça répare ? Pas vraiment. Ça recommença le même cycle surtout, plusieurs fois, chaque fois que ça décela une réaction de vie venant d’elle, la fouillant par tous les trous, la broyant, la brisant, insistant pour la ramener à la vie, trouvant une autre méthode à chaque fois.

— Oui, encore, bats-toi contre moi !

Impossible, trop vite, trop partout, trop violent, trop mal, trop…

Assez ! Inutile d’assister à tout, d’ajouter de l’horreur à l’horreur. Passons à la suite.

Un dernier choc, son crâne, paquet informe balancé, éjecté dans un coin.

— Ça y est, je dois être au bout. Quel dommage, elle avait l’air prometteur, pourtant. Un potentiel.

— C’est tout de même pas mal pour un humain. Elle est dans les meilleurs scores.

Étrange, tu as l’air dépité, désabusé, mon bourreau.

— Vraiment, quelle déception. J’attendais plus d’elle…

Voilà ce que son corps a voulu oublier. L’abjecte, l’insoutenable, l’innommable. Et c’était donc cela que voulait Mahdi. Il ne criait pas non contre son souhait d’aller vers la mort. C’était pour la stopper, avant qu’elle n’ouvre cette porte, pour bloquer son passage vers l’autre côté, pour l’empêcher d’y retourner, de se rappeler l’indicible horreur.

Le voilà donc, mon passager. Ennemi caché derrière mon ennemi, celui qui m’a toujours hanté. C’est toi que je dois trouver, c’est toi que je dois amener à se dévoiler… Quoi que tu sois.

— Tara !

Elle revint, mais cela lui était difficile, son corps engourdi pris de crises de tremblements incontrôlables. Elle peinait à reprendre son souffle, à calmer les battements de son cœur. Elle se laissait guidée par l’odeur de Yahel qui ne l’avait pas lâchée, et qu’elle n’avait pas lâchée non plus, ses mains toujours accrochées à elle, sa tête réfugiée dans son giron.

— Tara, reviens, je t’en prie !

— Je… Je suis là… Je suis revenue…

Elle essaya de se redresser. Yahel ne vit qu’un regard dément, allant en tous sens. C’était comme si tous ces ça grouillaient encore sur elle, encore en elle…

— Aide-moi… Je dois… Autre joueur…

Yahel la soutenait. Tara semblait l’utiliser, grimpant sur elle comme pour se relever, mais par des gestes sauvages, incontrôlés, désordonnés, emprunts de folie.

— Tout va bien. Tu es avec moi. Respire.

— Appelle Marc. Appelle Simon. Il faut…

— Calme-toi !

Elle y était presque. Presque debout. Mais les souvenirs l’assaillaient encore, ces choses grouillant sur elle, cette voix à la fois dans et hors de sa tête.

— Il faut que je… Je dois…

Elle craqua, céda, tentant de s’agripper plus fort à Yahel pour ne pas tomber.

Ma raison, je vais la perdre !

— Aide-moi !

Yahel essaya de freiner sa chute, de la diriger, se servit de son corps pour la stopper, lui servir de tremplin. Elle la laissa atterrir sur elle, l’entoura de ses bras, prenant contre elle son corps tremblant.

— Chut… Je suis là. Calme-toi… Chut…

Elle la sentait toujours raide et tremblante, ne pouvant réprimer des gémissements plaintifs en essayant d’attraper son air, comme si son esprit vacillait vers la folie. Elle-même ne savait plus quoi faire pour l’aider, ni quoi en penser.

— Mais qu’est-ce qui lui arrive ?

— Elle est en état de choc.

L’homme qui avait voulu l’aider s’activait. Il lui fit une piqûre pour soulager son corps. Marc, arrivé entre temps, attiré par les cris, les aida à la remettre dans le fauteuil. Tara s’était saisi la tête à deux mains, toujours agitée à regarder en tous sens, continuant à lutter pour s’accrocher à la réalité.

Ils lui parlèrent tous doucement.

— C’est terminé, tout va bien…

— Tara, tu es avec nous, tu es avec moi, c’est terminé… Regarde-moi.

En suivant la voix de son amie, elle la trouva. Ses bras retombèrent. Elle essaya de lui parler mais son corps s’ankylosait, s’alourdissait. Ses tremblements se calmèrent, ne reprenant que par à-coup, chaque fois qu’elle luttait pour bouger ou parler. Yahel restait face à elle, tentait de lui sourire, pourtant trahie par ses larmes. Elle l’avait saisie par les épaules, la tenait fermement, comme un appel.

— Oui, c’est bien, calme-toi, concentre-toi sur moi.

Elle libéra ses épaules pour lui caresser la joue d’une main. Tara frémit, s’écarta malgré elle.

Pardon. Je sais que mon supplice est terminé. Je sais que je suis là avec vous, avec toi. Mais mon corps réagit malgré moi. Je ne contrôle plus rien. Je dois apprendre à vivre avec ça, avec ces souvenirs. Je dois en faire ma force… Mais c’est dur…

Tara insista, réussit à repositionner son visage, venant s’appuyer contre la précieuse chaleur de cette paume amicale. Elle y resta, se concentra sur l’image de Yahel.

— Bien, elle est enfin plus calme, dit l’homme un moment plus tard, soulagé. Il faut qu’elle dorme. Le calmant va l’y aider. Vous devriez l’emmener s’allonger. Et restez auprès d’elle. Il risque d’y avoir un contrecoup. Son corps et son esprit ont été mis à rude épreuve.

Elle laissa Marc et Yahel lui mettre les bras sur leurs épaules et l’aider à marcher jusqu’à sa chambre.

— Marc, va chercher sa couverture.

Elle lui expliqua où.

— Je reste là en cas de besoin, dit le médecin… Je n’aurais peut-être pas dû…

— Ne vous inquiétez pas. La connaissant, elle n’est pas de cet avis.

Elle avait chaud, très chaud, trop chaud. Sa respiration lourde, laborieuse. Si ses sensations ne la trompaient pas, elle était couchée, la tête et le haut du corps surélevé.

Elle entendait quelqu’un tousser. Elle avait mal dans la poitrine. En même temps, elle avait froid. Quelque chose de collant, humide, glacé contre son corps. Elle s’affola, voulut l’enlever, repoussa tout ce qu’elle sentait sous ses mains, mais le froid suintant persistait.

— Ma pauvre, tu es trempée de sueur. Calme-toi, je te l’enlève.

On la souleva, le lui retira. Elle trembla à ce contact, ne comprenant plus où elle était, ni avec qui. Elle n’avait pas la force d’ouvrir les yeux. Au cas où, il fallait qu’elle se défende.

— Non, tu vas avoir froid… Tu grelottes déjà. Regarde, je te mets ta couverture.

Un tissu plus chaud vint la recouvrir. Pas du tissu, de la peau, de la fourrure.

Sa couverture ? Mais j’entends la voix de Yahel…

— Tu ne t’en rappelles sûrement pas, mais je te l’ai jurée : tu n’auras plus jamais froid.

Ça toussa encore. Une sensation de piqûre. Un masque posé sur son visage. Elle le repoussa.

— Respire, c’est pour t’aider.

Des odeurs de plantes médicinales. On le lui laissa juste au-dessus, le temps qu’elle s’habitue, qu’elle n’y voit plus comme un danger. Ses poumons se rebellèrent lorsque les vapeurs y arrivèrent, les quintes se succédant sans répit au début.

— Tuez… moi ! Mahdi, je ne te vois plus… Emmène-moi !

Un appel désespéré. Il fallut un moment avant qu’on puisse lui laisser le masque en place. Elle se débattait toujours contre un ennemi invisible.

— Sort de ma tête. Sort de moi !

Tu sais, tu peux mourir là, maintenant… Si tu le veux toujours.

Comme c’est cruel ! Je ne peux pas. Pas maintenant. Ce n’est plus possible. Avant, je dois… Ne me tente pas.

— Elle délire. On devrait l’emmener…

— Non Marc, elle va s’en remettre, je le sais. Tu entends, ma belle ?

Son visage suivit la voix.

— Accroche-toi, je suis là. Tout comme lui, je crois en toi. Tu es forte.

Ses mots l’apaisèrent. On lui remit les bras, les mains sous la couverture qu’on resserra contre elle. Contenue dans cette couverture douce et chaude sur sa peau, rassurée par la présence toute proche de son amie, par sa main protectrice sur son torse, elle se laissa enfin gagnée par la torpeur qui l’envahissait.

Elle se réveilla recroquevillée sur elle-même, pelotonnée sous sa couverture, enveloppée dans un pull qu’elle ne se rappelait pas avoir mis. Encore raide, ankylosée, elle eut envie de tousser un peu, ses poumons encombrés la gênant. Ses jambes repliées contre elle, deux poids morts comme cela ne lui était plus arrivé depuis longtemps.

Quelque chose de froid et humide posé avachi sur son visage. Elle l’attrapa, le repoussa de sa main. Elle profita du cocon de laine et de fourrure pour somnoler encore un peu avant de se décider à sortir vers la réalité. Elle se trouvait dans sa chambre doucement éclairée. Elle entreprit de masser ses jambes, déjà une première en la frottant de haut en bas et inverse, la cuisse, les mollets, pour faire circuler le sang, tenter de réveiller ses muscles. Elle se doutait que cela n’allait pas être simple. Elle y alla progressivement, et comme elle s’y attendait, son genou cria, l’obligeant à faire de même. Elle lâcha un autre cri, plus bref, surprise pas une silhouette ayant surgi, comme si elle provenait de sous le lit.

— Tara, tout va bien !

— Bon sang, Yahel, tu m’as fait peur !

Son amie eu un petit rire. Elle soupira, presque en souriant devant son incorrigible amie.

— Excuse-moi, j’ai cru que tes cauchemars recommençaient…

— Ne me dis pas que tu as dormi par terre !

— Je me suis installée… C’est toi qui nous as fait peur, tu sais. Tu es rarement malade, mais quand tu l’es… Tu nous as fait une de ces fièvres !

— Je vois… J’ai dormi combien de temps ?

— Tu ne vas pas aimer la réponse.

— Alors encore un trou de plus dans ma vie…

Son regard s’assombrit.

— Tu te souviens toujours ?

Tara reprit le gant humide, se le passa sur le visage, en profita pour tousser dedans et cacher un frémissement. Et comment qu’elle se souvenait. Bien qu’elle soit incapable d’exprimer quoi. Une fois le cerveau reconnecté, tout était remonté. Impuissante dans une obscurité impénétrable, tout n’était que dégoût, douleur, un tourment d’une puissante sans précédent, un tourbillon insensé, inimaginable, le pire impossible après la barbarie des jours précédents, et pourtant aussi réel qu’inexplicable. Et c’était quoi toutes ces images dans sa tête ? Et d’où venaient toutes ces pensées malsaines ? Cette joie sadique ? Et c’est quoi qui la touchait, qui la broyait à l’étouffer ?

Bon sang, qu’est-ce que c’était ?

— Oui… Ça va, rassure-toi.

— Qu’est-ce qui t’es arrivé ? Qu’est-ce qui s’est passé là-bas ? Tu étais dans un tel état de panique !

— Je ne sais pas… Je ne saurais pas t’expliquer. Pas encore… Il faut que je me lève.

Sa tentative se solda par une nouvelle grimace.

— Va me chercher la crème d’Adama s’il te plaît.

— Tu as mal ?

— Mes jambes, entre autres… Partout en fait.

— Alors on va faire autre chose avant.

Avec Marc venu à la rescousse, ils l’emmenèrent prendre un bain chaud. Elle crut au départ regretter la souffrance induite par cette petite balade de quelques pas, la sensation de l’eau sur son corps éveillant d’abord de mauvais souvenirs, lui provoquant des spasmes de dégoût. Mais elle se calma vite, rassurée par la chaleur du bain et la main soutenant sa tête hors de l’eau.

— C’est bien. Laisse-toi aller.

Elle en sentit les effets bénéfiques, ses muscles se décrispant, se détendant. Cela la relaxa, la reposa. Les vapeurs humides ouvrirent sa respiration encore gênée. Au final, elle se sentit plus propre, comme lavée de l’atrocité.

— Ne t’endors pas !

— T’inquiètes, dit-elle d’une voix lasse, ça veut dire que tu as eu une bonne idée.

— J’ai eu de précieux conseils…

Ils la ramenèrent dans sa chambre, la recouchèrent en laissant la tête de lit relevée. Elle eut droit à un en-cas léger. L’homme qui lui avait fait la séance d’hypnose vint la voir à ce moment-là. Elle le rassura.

Oui, elle pouvait le rassurer. Son esprit et son corps ne faisaient qu’un, deux associés se faisant mutuellement confiance. Avoir ouvert la boite de pandore qu’était son esprit aurait pu le lui faire perdre définitivement. Alors, en bon ami, son inconscient avait laissé la maladie se propager dans son corps. Bonne idée, ce repos forcé. Cela lui laissera du temps. Du temps pour tout remettre à plat, pour prendre calmement du recul, pour essayer de comprendre. Sans ça, vers quoi se serait-elle précipité sans réfléchir.

— Je vais bien. Je vais mieux, grâce à vous.

Il la laissa alors, l’invitant à le rappeler en cas de besoin.

— Oui, j’y vois plus clair maintenant…

Yahel et Marc restèrent attentifs.

— Dites-moi, cet homme, celui qui m’a capturé, celui avec cette épée d’apparat, c’est quelqu’un d’important, là-bas. Je me trompe ?

Ses deux amis se regardèrent.

— Très important. C’est leur général. C’est lui qui dirige tout, lui expliqua Marc.

— Je vois… J’ai vraiment eu droit aux honneurs dès le début, dit-elle ironique. Et est-ce qu’il a été pris ?

— Tu penses bien que non. On le cherche depuis des mois, mais pas moyen de le localiser. La résistance n’a pas dû arriver jusqu’à l’endroit où il réside. Ou alors il se cache.

Tara réfléchit.

Mes souvenirs, ce que j’ai appris, serait-ce une clé ? Mon envie de vengeance pourrait-elle avoir une utilité ?

— Je ne sais pas si… Il n’était pas seul… Marc, est-ce qu’il y a moyen de lancer un appel là-bas ? De transmettre un message sur leur réseau ?

— On pourrait. Mais par sécurité, il vaut mieux le faire de l’autre côté de la frontière. On préfère pour ne pas être repéré.

— Bien. Alors j’irai.

— Tu n’y penses pas ! s’exclama Yahel.

— Je crois que je tiens le moyen de faire sortir le loup du bois.

Si ce n’est plus…

— Il le fera peut-être rien qu’en me voyant, mais je pense tenir un argument de taille.

Sous son regard sombre, elle souriait avec assurance, le sourire qu’elle arborait lors des combats.

— Tu me fais peur.

— Je sais, mais… Il est temps que le soldat au dragon réapparaisse.

— C’est de la folie…

— Je sais que c’est risqué. Mais je veux qu’il me voie… Après tout, je lui ai promis quelque chose… Nous verrons avec Simon, Élie et tous les autres. Ils trouveront comment faire. Je leur fais confiance.

Yahel ravala sa salive, le temps de digérer l’information. Elle consulta son compagnon du regard, eut sa réponse, bien qu’elle ne pût s’empêcher de penser commettre une grave erreur.

— Très bien. Alors nous t’y emmènerons… Mais seulement lorsque tu seras complètement rétablie, ajouta-t-elle alors que Tara subissait une nouvelle quinte de toux.

Et en plus du traitement de sa peau et d’une ration supplémentaire de miel, elle eut enfin droit à son massage des jambes avec la fameuse crème. Baignant dans cette nouvelle assurance, elle ferma les yeux pour un sommeil sans rêve. Elle savait enfin où elle allait et ce qu’elle avait à faire, du moins pour commencer. Elle avait enfin un but. Elle savait qu’elle allait reprendre la route.

Patience. Moi qui n’avais pas encore réussi à me relever complètement de mon épreuve, cela m’a rejeté à nouveau à terre. Seul cet objectif me fait tenir. Pour cela, je me relèverais.

Elle s’endormit, terrassée par l’épuisement de son corps malade d’avoir trop souffert.

Elle avait utilisé les temps suivants pour marcher, marcher et marcher encore, arpentant les couloirs de long en large, le tunnel menant à l’extérieur, puis plus loin encore, pour remettre ses jambes au meilleur état possible. Elle soupçonnait de s’être trop écoutée, de s’être sous-estimée. Il fallait qu’elle trouve ses limites. Dans l’élan de cette motivation retrouvée, elle usa également d’une autre forme d’exercice.

C’est peut-être inutile, mais j’ai le sentiment que j’ai un dernier combat à mener. Il ne prendra probablement pas cette forme, vous me l’avez tous dit. Même toi, mon roi. Mais si tu as voulu que je vive pour cela, je dois être prête à tout, comme tu me l’as appris. Je ne suis même pas capable de pouvoir expliquer à quoi j’ai eu à faire, alors…

Et puis… Concentrée, j’oublie tout dans ces moments. J’ai l’impression de me retrouver. Je suis moi !

Elle était donc là, dans cette grotte, à bouger, à danser avec son arme de prédilection, son bâton de combat, adaptant sa gestuelle à ce nouveau corps qui pouvait la trahir à chaque instant, à la conquête d’une pratique différente qui lui conviendrait, s’efforçant de l’apprivoiser, lorsque Marc entra.

— Oups ! Prise en flagrant délit… Dis-moi qu’elle n’est pas derrière toi.

Il lui sourit.

— Non. Elle se repose. Tu veux que je ne lui dise rien, c’est ça ?

— S’il te plaît. Elle va s’inquiéter encore plus. Je lui cause déjà assez de soucis. Mais dis-moi, tant que tu es là, tu étais présent quand ils ont refait mon bras et mes mains ? Parce que je me sens… trop normale, si tu vois ce que je veux dire, dit-elle en ouvrant et fermant son poing face à son visage.

— Tout à fait. Oui, c’est le cas.

— Je vois. Comme cela avait été pensé pour mon œil… Marc, règle-les. Comme avant… Au moins.

— Bon sang, tu t’attends à quoi ?

— Comme d’habitude, au pire.

— Mmm… Et en toute discrétion, je suppose.

— Tu as tout compris.

— Et lui aussi, demanda-t-il en montrant son œil.

— Ça, c’est déjà fait.

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