Chapire 33 - 1er mai, West Hollywood

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Dix jours déjà, pendant lesquels Philippe n’avait pas baigné dans l’ambiance particulière d’un bloc opératoire, et bientôt dix ans qu’il n’avait pas travaillé avec son ami John. Le chirurgien français était heureux de renouer avec cette camaraderie et de découvrir l’établissement dans lequel l'Américain évoluait aujourd’hui. Philippe n’avait jamais eu une grande affinité pour la chirurgie à but esthétique. Même s’il lui arrivait de pratiquer des interventions de reconstruction avec des collègues plasticiens, c’était toujours dans un cadre thérapeutique, souvent vital. Il avait du mal à accepter que l’on fasse pratiquer une intervention sur son corps, sans nécessité absolue. Un geste chirurgical n’était jamais anodin, et une anesthésie générale n’était pas une simple sieste.


John présenta son ami à l’équipe médicale. Outre lui-même, deux autres praticiens devaient opérer ce même jour, Ana Polina, une femme au visage fin et au sourire charmeur ainsi que Steve McLay, au physique de play-boy et au teint hâlé. Philippe se demanda, comme il saluait ce dernier, s’il pouvait vraiment avoir un rôle dans la mort brutale de Samantha Page. Après cette rapide introduction, les deux hommes allèrent rendre visite aux patientes inscrites sur le programme de la journée. Par chance pour le Français, pas de liposuccion au planning.  La première visite était pour une jeune femme, plutôt menue, venue pour une pose d’implants mammaires. Bien qu’amateur de poitrines généreuses, Philippe trouvait les seins de la jeune femme tout à fait harmonieux, mais il comprit que la patiente se sentait sous-estimée, du fait de sa silhouette. John valida ses attentes et prit quelques notes.  Les deux autres interventions concernaient des femmes plus âgées, dont les seins étaient inéluctablement victimes de l’âge et de la pesanteur. Le Dr Freeman expliqua à son confrère qu’il allait procéder à une réduction mammaire pour l’une et un simple remodelage pour la seconde. John passa les consignes à son équipe pour préparer les patientes avant de mener son ami vers le plateau technique. La clinique Sunny Vale comptait trois salles équipées pour les interventions. Dans chacune s’affairait une petite équipe aux gestes précis. Dans la première pièce, une patiente était déjà installée et Philippe reconnut la silhouette d’Ana et son regard derrière le masque.  Steve McLay était dans le box voisin, en train de se laver les mains. Philippe se promit d’interroger son ami à son sujet dès que les circonstances seraient favorables. Une infirmière en tenue verte sortit de la troisième pièce pour les accueillir. Elle confirma que la patiente était arrivée et dans les mains de l’anesthésiste avant d’aider les deux hommes à s’habiller.


Après les deux premières opérations, ils firent une pause et croisèrent Ana Polina qui avait terminé son programme. Pendant que John réglait quelques problèmes administratifs, Philippe prit le temps de bavarder un peu avec elle. Après avoir étudié la médecine en URSS, elle avait profité de l’ouverture de son pays pour émigrer aux Etats-Unis. Philippe calcula qu’elle devait donc approcher la soixantaine, sans que cela se voie sur son visage. Il se dit qu’elle pourrait vanter les mérites de son art en utilisant sa propre image. Cette pensée le ramena à la soirée passée chez Sam, une semaine plus tôt, d’autant plus que le regard de sa consœur exprimait un intérêt certain. Dans d’autres circonstances, il aurait sans doute joué le jeu de la séduction réciproque, mais pour l’heure, il se contenta de répondre aimablement à ses œillades sans plus s’engager. Il fit plutôt discrètement glisser la conversation vers l’équipe de Sunny Vale, et plus particulièrement sur le séduisant Docteur McLay.

Ana lui prit le bras pour lui glisser à l’oreille :

— Je n’aime pas Steve, c’est un bon chirurgien mais il est « nekulturny », dit Ana avec mépris. Il se comporte comme un mafieux tchétchène. Il aime les voitures de sport et les night-clubs, ainsi que les grosses chaînes en or. Je sais aussi qu’il séduit les femmes riches, comme cette pauvre Samantha Page.  Philippe se dit que le portrait se faisait plus sombre. Il essaya d’en savoir un peu plus.

— Vous voulez dire que Mme Page et Steve avaient une liaison ?

— Je ne sais pas exactement depuis quand, mais ils se voyaient en privé quand elle venait à la clinique, alors que c’était une patiente de John. Ce n’était pas la seule d’ailleurs. Tout le monde sait ça ici.

— Et ça ne dérange pas le conseil d’administration ?

— Et bien, personne n’est venu s’en plaindre jusqu’à présent et le Dr McLay nous a dit qu’il souhaitait augmenter sa participation, pour financer une partie des travaux d’agrandissement. En ce moment, c’est plutôt bienvenu car, à mon âge, je ne veux pas m’engager plus, et le Dr Sullivan a de grosses pensions alimentaires à payer.

— En effet, vu sous cet angle, il apparaît indispensable, répondit le Français.

— Dites-moi Philippe, vous m’êtes très sympathique, ça ne vous dirait pas de passer une soirée avec moi avant votre retour en France ?

— Ce serait un plaisir, mais je ne suis pas seul ici. Je voyage avec ma femme et un couple d’amis.

— Mais ce n’est pas un problème, vous pouvez venir tous les quatre. J’habite sur les hauteurs, à l’intersection de Mulholland et de ColdWater Canyon. Vous verrez, c’est très agréable.

— Et bien, dans ce cas, je vais en parler à mes amis.

— Parfait, pourquoi pas demain soir ? Voici mes coordonnées personnelles.

Ana fouilla un moment dans son sac et en sortit un bristol imprimé.

— Je vous attends vers sept heures. Pas la peine d’apporter le vin, j’ai tout ce qu’il faut !

Philippe la regarda s’éloigner avec assurance. Il mit la carte de visite dans sa poche avant de rejoindre son ami pour la dernière partie du programme.

— Ana est vraiment charmante, elle vient de nous inviter pour demain, alors qu’on vient juste de faire connaissance.

— Oui, c’est une femme très intéressante, et très agréable à fréquenter. Tu verras, on ne s’ennuie jamais avec elle. D’une culture incroyable, littérature, musique, peinture, rien ne lui est inconnu. Cependant, préviens Brigitte et tes amis, elle peut aussi être surprenante sur d’autres plans, si tu vois ce que je veux dire, mais je ne pense pas que ça vous pose de problème. Bien, allons-y, ne faisons pas trop attendre cette jeune personne qui s’attend à sortir d’ici avec des seins d’actrice porno.

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