Chapitre 31 - 30 avril, West Hollywood & Pacific Palisades

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Charlie et Joe roulaient vers le poste de police de West Hollywood pour rendre compte au capitaine et organiser la fouille méthodique de la propriété des Page. Charlie se dit que leur chef allait sûrement leur reprocher de ne pas l’avoir planifié plut tôt. Les deux détectives laissèrent leur voiture banalisée sur le parking en plein soleil, pensant au moment où ils devraient la reprendre pour se rendre à Pacific Palisades. Le capitaine Lamb les fît entrer dans son bureau immédiatement pour entendre leur rapport.

— La victime était nue dans la piscine et vous n’avez pas pensé à chercher ses vêtements ? Venant de Cardoni je peux comprendre, il n’était pas en état, mais vous Mortansen ? Ça ne vous ressemble pas. Trouvez-moi ces verres et cette robe et envoyez tout ça au labo en urgence, s’il a des empreintes exploitables ou de l’ADN, je veux le savoir au plus vite. Identifiez le play-boy à la voiture blanche, ça ne doit pas être trop difficile s’il venait régulièrement, on le verra sur les vidéos. Demandez au poste de Pacific Palisades de s’en charger et si au passage vous trouvez ces deux motards, ce sera du bonus.

Revenus à leur bureau, Joe s’adressa à sa collègue.

— Qu’est-ce qu’il a contre moi le capitaine ?

— Il faut que tu te reprennes en main mon vieux, tu es sur une mauvaise pente. Il faut reconnaître qu’on n'a pas été très bons hier. Programme l’équipe technique, demande leur de nous retrouver à Pacific Palisades vers deux heures, on va passer par la brigade du secteur et manger un morceau en route.

Au poste de Pacific Palisades, Charlie demanda si le sergent Yates, qu’ils avaient rencontré la veille, était de service. Par chance, il rentrait juste de patrouille et il leur proposa de partager un café. Charlie et Joe refusèrent la boisson mais s’installèrent avec lui dans la salle de permanence.

— La femme que vous avez trouvée dans la piscine ne s’est pas noyée. Elle a probablement été assassinée et le corps a ensuite été jeté dans l’eau. Est-ce que vous-même ou quelqu’un d’autre est entré dans la maison hier ?

— Ça explique pour les vêtements. Je suis rentré pour parler à la femme de ménage qui nous avait appelés. Je n’ai touché à rien. Je crois que personne d’autre n’est entré avant vous. Ensuite, on a mis les rubans jaunes et les scellés et on est partis. On n’avait pas d’instructions particulières.

— Oui, je sais, répondit Joe agacé, on aurait dû fouiller tout de suite. On y retourne d’ailleurs. On aimerait avoir accès aux enregistrements des caméras du quartier, je suppose qu’il y en a pas mal dans le coin. Vous pourriez nous obtenir ça rapidement ?

— Bien sûr, pas de problème. Vous cherchez quelque chose en particulier ?

— Oui, une voiture de sport blanche, qui venait sans doute assez régulièrement chez Madame Page, ainsi que deux motards qui seraient eux aussi venus à la villa il y a une semaine. Et bien entendu, tous les véhicules qui auraient pu se présenter entre samedi après-midi et dimanche matin, avant votre arrivée.

— Je m’en occupe tout de suite, le quartier est surveillé par une société privée, je vais aller leur rendre visite immédiatement.

— Merci Sergent, appelez-nous dès que vous aurez quelque chose.


Le véhicule noir de l’équipe technique attendait devant la propriété Page lorsque Charlie arrêta la voiture. Joe leur donna les instructions, leur expliquant ce qu’ils recherchaient : à l’étage, une robe de soirée rouge ainsi qu’un string, sûrement déposé avec le linge à laver ; dans la cuisine, les verres ayant été utilisés le samedi. Charlie de son côté se concentra sur l’extérieur, afin de rechercher des traces éventuelles du transport du corps de la malheureuse Samantha Page. Il ne fallut pas longtemps pour retrouver la pièce de lingerie sur le dessus d’un panier, dans la salle de bain. Il y avait plusieurs robes rouges dans le dressing. Joe prit quelques photos qu’il soumit par SMS à Soledad Alvarez. La réponse lui arriva presque immédiatement. Le vêtement n’était pas de ceux que l’on porte dans la rue, décolleté profond sur le devant, dos nu et longue fente sur le côté droit. Joe se fit une représentation mentale de la défunte ainsi vêtue et fût convaincu qu’elle avait nécessairement un rendez-vous galant pour porter cette tenue chez elle.


Le lave-vaisselle ne contenait que les verres, tel que décrit par la femme de ménage. Un verre à pied portait une trace de rouge à lèvres, probablement celui de Samantha Page. Joe demanda à un technicien d’aller chercher à l’étage s’il y avait la couleur correspondante. Les deux autres étaient des gobelets larges, correspondant à la description de verres à whisky. Les techniciens n’eurent aucun mal à repérer des empreintes nettes. Joe continua à visiter les différentes pièces, cherchant des objets ou des traces mais ne trouva rien de particulier. La maison était bien tenue. Il trouva un sex-toy dans un tiroir près du lit, un modèle élégant et sophistiqué, mais pas de panoplie révélant des pratiques extrêmes ou déviantes. Sam Page aimait le sexe, mais de façon « classique ».


Charlie, de son côté, avait eu moins de chance. On accédait à la piscine depuis la maison par un chemin dallé, et par ce temps sec, aucune trace de pas n’était visible. La zone avait de toute façon été polluée par toutes les personnes qui s’étaient succédées depuis la découverte du corps. Rien ne traînait autour de la piscine, les parasols et les meubles étaient soigneusement alignés, les coussins bien arrangés. Il ne s’était rien passé à cet endroit le samedi soir, où alors on avait pris un grand soin pour tout remettre en place, mais dans ce cas, pourquoi avoir laissé les verres sur la table ?


Il était un peu plus de seize heures lorsque le sergent Yates rappela Joe.

— Je crois que l’on a quelque chose annonça-t-il. Vous devriez venir faire un tour ici.

— On arrive dans quelques minutes, envoyez-moi l’adresse.

Joe laissa les techniciens poursuivre leurs investigations et sortit retrouver sa partenaire. Il lui fît part de ses découvertes et lui proposa de rejoindre Yates. Il avait reçu entre temps les coordonnées, Ocean Security à Santa Monica. Il entra l’adresse dans Waze qui leur donna l’itinéraire. Une dizaine de minutes plus tard, ils se présentaient au siège de la société de gardiennage où ils furent reçu par le patron de l’entreprise, accompagné du sergent.

— Voici Derek Lanski, le patron ici. Venez jeter un coup d'œil. Je crois que nous avons ce que vous recherchez.

Derek les amena dans une salle remplie d’écrans, visualisant différents secteurs résidentiels. Trois personnes scrutaient les images qui changeaient régulièrement. Une radio crépitait, rapportant la situation d’équipes de terrain. Il se dirigea vers un poste de travail libre et fit quelques manipulations sur le clavier. Dans une fenêtre de l’écran apparut la vue d’une intersection. Le technicien précisa que c’était la vue de la caméra la plus proche de la propriété Page. Il fit défiler l’image, la date et l’heure apparaissaient en haut et à droite de l’image. À 16h02, on vit apparaitre une Mustang noire, capote baissée, conduite par une femme brune. La même voiture était visible, dans l’autre sens, à 16h29. Les deux enquêteurs identifièrent la voiture et la silhouette de Shaina Freeman, aux heures que la jeune femme avait indiquées. Yates demanda de passer la vidéo en accéléré jusqu’à 18h30. À ce moment arriva une Camaro blanche avec deux personnes à son bord. C’était un modèle coupé, au pare-brise teinté. Le conducteur et le passager n’étaient pas identifiables. La Camaro n’avait pas de plaque à l’avant. Le technicien accéléra de nouveau et à 19h19, la voiture passait dans l’autre sens. La qualité des images ne permit pas de lire la plaque.

— Voila qui confirme que la femme est sans doute hors de cause, il nous faut absolument identifier cette Camaro, ça colle avec ce que nous a dit la femme de ménage. Elle a parlé d’une voiture de sport blanche, dit Charlie.

— Et il semble bien qu’il y avait deux personnes, ajouta Joe.

— Avez-vous repéré la même voiture dans les jours précédents ?

— On n’est pas encore remonté très loin, mais en effet, elle apparait deux fois dans les 5 derniers jours, dit le sergent, et la non plus, on ne lit pas l’immatriculation.

— Et les deux motards, demanda Joe ?

— Regardez !

Le technicien ouvrit une nouvelle fenêtre. La date du 22 avril s’afficha. L’écran montrait la Porsche rouge de Sam Page suivie de deux motos. Les engins repartaient seuls deux heures plus tard.

— On ne les revoit plus dans les jours qui suivent, précisa Yates.


Charlie remercia Lanski et le sergent Yates et les deux équipiers reprirent le chemin de leur bureau.

— On a quand même quelques points solides. La voiture appartient sûrement au gigolo de Sam Page, le fameux « Docteur » cité par Soledad Alvarez. Nul doute qu’on retrouvera ses empreintes sur un des verres, mais s’il n’a pas de dossier, ça ne nous aidera pas beaucoup, dit Joe.

— En effet, Samantha Page était sûrement encore vivante à 18h30 car qui aurait ouvert ?

— Le gigolo avait peut-être le code.

— Possible, mais dans tous les cas, il a des choses à nous dire.

— Voilà comment je vois les choses, récapitula Joe. Sam était une sacrée baiseuse, elle aimait prendre les hommes par deux, comme les motards. Elle a fait venir son petit ami du moment, accompagné. Ils boivent un verre et se font une bonne petite partie à trois. Elle avait envie de se faire prendre par les deux côtés. Là, quelque chose tourne mal et les deux hommes balancent le corps dans la piscine en espérant faire croire à une noyade.

— C’est une hypothèse plausible, et on va attendre les résultats de toxico pour savoir si elle était ivre ou droguée. Si elle a eu un malaise, ou fait une overdose, ils auraient pu appeler les secours. Ça semble quand même organisé, sauf pour les verres. Une grosse erreur.

— Qui pouvait en vouloir à cette femme, demanda Joe, au point de monter un tel scénario ?

— Rappelons-nous qu’il y a des affaires financières pas très claires dans cette histoire. J’espère que nos collègues vont nous trouver des informations sur la société de Page et sur son dirigeant, Phil Blankart. Je pense que nous devrions reparler des finances de Sunny Vale. Même si Shaina Freeman n’a pas tué son amie, elle encore des choses à nous expliquer.

— Ça peut attendre demain, remarqua Joe, elle ne va pas s’envoler.

— Oui, je suis d’accord. De toute façon, on manque d’éléments pour une confrontation.

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