Chapitre 30 - 30 avril, Downtown Los Angeles

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Soledad Alvarez n’était pas habituée à la liberté que lui procurait ce jour de repos forcé. Elle s’était réveillée tôt, comme tous les jours, pour préparer le petit déjeuner de la famille. Elle avait, bien entendu, annoncé à son mari, Luis, le décès de leur patronne Samantha Page, mais Luis avait plusieurs employeurs, et il avait juste modifié son programme pour aller s’occuper d’un autre jardin. Il pourrait sans mal trouver d'autres travaux d’extérieur. Soledad, comme Luis, était née au Mexique mais était venue très jeune rejoindre sa sœur aînée à Los Angeles où elle avait toujours travaillé depuis. Sa situation administrative était en règle et elle se sentait parfaitement chez elle en Californie. Elle avait donc décidé de profiter de son jour de loisir pour aller flâner dans le centre commercial voisin, en attendant de se mettre en quête d’un nouvel employeur. À l’heure convenue, elle était devant le Starbucks quand les deux policiers vinrent la retrouver.

  • Hola, ¿cómo está usted?
  • Muy bien, gracias.

Joe continua en anglais.

  • Merci de nous accorder un peu de votre temps. Nous aimerions vous poser quelques questions à propos de Madame Page, si vous le voulez bien.
  • Oui, bien sûr. Que voulez-vous savoir ?
  • Depuis combien de temps travailliez-vous pour Madame Page, demanda Charlie ?
  • Un peu plus de cinq ans, je crois. Ma fille Violetta était encore à l’école primaire et elle va bientôt finir le collège.
  • Et vous étiez satisfaite de votre travail ?
  • Oh oui, Madame était très gentille avec moi. Bien sûr, il y avait beaucoup de travail après les fêtes, et parfois elle me demandait de rester le soir pour aider, mais elle me payait très bien pour ça.
  • Madame Page organisait souvent des soirées ?
  • Oui, au moins une fois par semaine, parfois deux.
  • Et qui venait à ces fêtes, demanda Joe ?
  • Il y avait beaucoup de monde, des personnes bien habillées, avec de grosses voitures. Les dames avaient de très belles robes, très chic, comme à Hollywood pour les Oscar, et il y avait aussi des gens que l’on voit à la télé ou dans les films.
  • Comment se passaient ces soirées, insista Joe ?
  • Moi je n’étais la qu’au début, pour accueillir les gens et aider un peu au buffet et après je partais. Mais le matin, c’était le bazar partout. Madame, elle dormait très tard, mais moi je rangeais tout. Je crois qu’ils faisaient parfois des choses pas très propres.
  • De quel genre, demanda Charlie ?
  • Des fois je trouvais des petites culottes dans les chambres d’amis, vous voyez ? Et des verres, des cigarettes, partout. Et ce n’était pas toujours du tabac.
  • Vous arrivait-il de trouver aussi des traces de poudre blanche ?
  • De la coca ? Bien sûr, il y en avait, dans toutes les fêtes il y en a.
  • En dehors des fêtes, y avait-il beaucoup d’autres visites ?
  • Si on enlève les gens qui venaient pour faire des travaux, non, pas beaucoup. Quelques amies, comme la dame que j’ai vue samedi, qui venait souvent.
  • Recevait-elle des hommes ?
  • Au début, pas beaucoup, mais ces derniers temps, il y avait un bel homme, plus jeune, pas plus de quarante ans, qui venait le soir. Il a une voiture de sport blanche. Un médecin, je crois. Quelque fois Madame l’appelait Docteur, pour rire. Et puis il y a eu les deux hommes à moto, ils étaient étrangers je crois, l’un des deux avait un drôle d’accent.
  • Vous vous souvenez de la date ?
  • C’était il y a une semaine à peu près. Madame est rentrée avec eux, et après elle a dit que je pouvais partir.
  • Hier matin, demanda Charlie, qu’avez-vous fait précisément en arrivant chez Madame Page ?
  • Et bien, comme d’habitude, j’ai fait le tour de la maison pour ranger. Il n’y a pas eu de fête samedi soir, j’ai juste ramassé les verres.
  • Combien de verres ?
  • Trois, dans le salon. Un verre pour le vin, le verre de Madame, avec du rouge à lèvres dessus, et deux verres pour le whisky. La bouteille était restée sur la table.
  • Qu’avez-vous fait de ces verres ?
  • Je les ai mis dans le lave-vaisselle.

Charlie imagina les empreintes et l’ADN sur les verres.

  • Vous avez lancé le programme de lavage ?
  • Non, il n’y avait presque rien à laver. J’ai continué, pour voir si je trouvais d’autre vaisselle.

Charlie eut un long soupir de soulagement. Les verres étaient sans doute toujours exploitables.

  • Avez-vous ramassé des vêtements ou d’autres objets ?
  • Oui, j’ai trouvé les vêtements de Madame dans le salon, je les ai ramassés et je les ai montés à l’étage pour les ranger. C’est là que j’ai vu que la chambre de Madame était ouverte et le lit n’était pas défait. Alors je l’ai cherchée et j’ai trouvé le corps dans la piscine. C’était horrible.
  • Je comprends, Soledad, c’est toujours difficile à revivre, répondit doucement Charlie. Les vêtements que vous avez ramassés, c’était ceux que Madame Page portait quand vous êtes partie samedi après-midi ?
  • Non, elle s’était changée. C’était une robe rouge, une robe qu’elle portait pour recevoir. Et une petite culotte, un string plutôt, rouge aussi. Il y avait ses chaussures par terre près du canapé, des chaussures avec des hauts talons. Dans l’après-midi, elle avait une tenue de sport, noire.
  • Merci Soledad, vous nous avez beaucoup aidés. Appelez-nous si vous vous souvenez d’un détail que vous auriez oublié de mentionner.

Charlie lui tendit une carte de visite.

Lorsqu’ils se retrouvèrent dans la voiture, elle résuma la conversation.

  • Je pense que la femme qui est venue samedi n’est pas directement impliquée. Deux personnes sont venues après elle. Des visiteurs que Samantha Page attendait puisqu’elle a pris le temps de s’habiller. Ils ont bu un verre et ils ont très probablement eu une relation sexuelle consentie et protégée. Il faut faire analyser les verres qui sont dans le lave-vaisselle et retrouver cette robe rouge. On y trouvera peut-être des traces.
  • Il faudrait aussi identifier le beau médecin qui avait pris ses habitudes chez Madame Page, dit Joe.
  • Et les deux motards étrangers, mais là, ça risque d’être plus difficile. Il faudrait chercher du côté de la vidéo-surveillance, il y a une semaine, ce n’est pas si loin. Appelle une équipe technique, on retourne à Pacific Palisades.

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