Chapitre 2 - 19 février, Buttes-Chaumont, Paris

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Confortablement installée dans la petite chambre qu’elle avait aménagée à l’usage exclusif de bureau, Julie ajustait les paramètres de sa webcam pour la vidéo-conférence prévue avec le rédacteur en chef d’un magazine. Elle souhaitait lui soumettre l’idée d’un reportage sur la corrélation entre les changements climatiques et les grands incendies en Californie.

Julie avait déjà une vingtaine d’années d’expérience dans le métier et après avoir travaillé trop longtemps à son goût comme journaliste salariée, elle avait opté pour un statut indépendant lui offrant plus de liberté dans le choix de ses sujets. La contrepartie était qu’il lui fallait maintenant vendre ses talents avant de partir sur le terrain. Heureusement, elle était assez douée pour pouvoir vivre confortablement de son travail, alors que nombre de ses anciens collègues continuaient à trimer pour des salaires de misère.

Julie était propriétaire d’un appartement coquet, bien qu’assez exigu, dans un immeuble ancien situé à proximité des Buttes-Chaumont. Dans une petite rue très pentue, quelques maisons avaient conservé un petit jardinet et le calme convenait parfaitement à ses aspirations bucoliques.

Elle ne vivait plus vraiment à cette adresse depuis qu’elle partageait la vie d'Ange Ségafredi mais elle avait tenu à conserver cet endroit comme lieu de travail. Bien qu’utilisant surtout Internet comme source d’informations, elle avait néanmoins conservé une grande quantité de guides et ouvrages de référence de toutes origines, qui s’accumulaient un peu partout, mais elle se sentait bien dans cette ambiance et pouvait se consacrer totalement à ses tâches professionnelles.

Julie utilisait bien entendu un ordinateur portable ultraléger pour ses voyages mais elle avait installé une configuration plus sérieuse dans son bureau pour pouvoir préparer ses missions, trier ses photos et rédiger ses articles dans de meilleures conditions. Elle avait de moins en moins de rendez-vous réels avec ses nombreux clients répartis dans différents pays et avait également de ce fait soigné les éléments vidéo de sa configuration. Pour le moment, alors qu’elle attendait la connexion de son correspondant, le grand écran mural lui renvoyait l’image agréable d’une femme séduisante, confiante en ses qualités professionnelles et à même de convaincre le plus rétrograde des Rédac ’Chef de lui confier des missions aventureuses.

Née à Fort de France d’une mère ultramarine et d’un père fonctionnaire métropolitain, elle avait assez tôt été confiée à son oncle et sa tante résidant dans le sud de la France pour suivre des études secondaires au lycée Lapérouse d’Albi. Elle avait débuté des études de droit à Toulouse mais après deux années, elle avait choisi de continuer à Paris, à la Sorbonne. Après quelques mois de vie en résidence universitaire près de la Porte de Gentilly, elle avait emménagé en colocation avec une autre jeune femme suivant le même cursus, Brigitte, qui était restée son amie intime.

Brigitte était aujourd’hui une avocate pénaliste connue pour ses succès dans quelques affaires médiatisées alors que Julie avait renoncé au barreau pour le journalisme.

Un ping lui annonça l’arrivée imminente de son interlocuteur. Elle jeta un dernier coup d’œil à sa tenue, passant ses doigts dans sa chevelure bouclée, toujours un peu sauvage. Ses yeux verts vifs accrochaient le regard et son chemisier de soie beige contrastait avec sa peau hâlée. Sachant que la camera ne renvoyait que l’image du haut de son buste, elle portait un confortable jean usé jusqu’à la trame et ses pieds étaient nus sous le bureau.

— Bonjour Julie, comment vas-tu aujourd’hui ?

— Très bien merci, toujours un peu à la bourre mais c’est le métier ! Je sais que tu n’as pas beaucoup de temps mais je voulais te présenter un projet de reportage. J’ai pensé que ça correspondait bien avec votre ligne éditoriale.

Julie entreprit d’introduire le pitch de son sujet, s’appuyant sur la catastrophe sans précédent de Paradise, en Californie, où l’incendie avait tué plus de cinquante personnes et détruit totalement la petite cité du nord de l’Etat. En outre, deux cents habitants n’avaient plus donné signe de vie. Elle souhaitait mettre en parallèle les risques accrus ces dernières années par les modifications environnementales et le déni total de la nouvelle administration fédérale depuis l’élection de son fantasque président.

— En effet, le sujet est intéressant et correspond bien à ce que nous publions mais je ne peux pas m’engager seul. Je vais en parler au Directeur et essayer de t’obtenir un budget. Peux-tu me garder l’exclusivité pendant, disons une semaine ?

— Nous sommes jeudi, si je n’ai pas de nouvelles de toi lundi matin, j’appelle Marceau.

— C’est du chantage !

— Non, je suis désolée, c’est mon business !

—OK, OK, je vais voir ce que je peux obtenir, avant lundi.

Plutôt satisfaite de ce début d’accord, Julie se concentra sur ses emails et entreprit d’envoyer quelques messages pour réveiller ses contacts en Californie et à Washington. Après plus de dix ans de missions free-lance aux quatre coins de la planète, elle avait développé un important réseau d’amitiés, professionnelles pour la plupart, un peu plus intimes pour quelques autres.

Il était maintenant presque dix-huit heures à Paris, neuf heures à Los Angeles, midi à Washington.

Elle choisit de rester encore un peu pour voir si elle avait des premiers retours rapides et consulta quelques sites de réservations pour se faire une idée du budget qu’elle aurait à engager pour couvrir les inévitables frais de voyage. Elle eut une agréable surprise en constatant que les tarifs aériens étaient assez bas à cette période pour les Etats-Unis, sans doute un effet de la baisse des prix du pétrole. Elle se dit avec cynisme que les rivalités entre états producteurs avaient finalement aussi de bons côtés.

Une heure plus tard, elle avait déjà reçu deux réponses lui laissant espérer quelques collaborations locales et elle choisit de mettre un terme à sa journée de travail.

Elle envoya un texto à Ange pour lui proposer de le retrouver et dîner en ville.

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