Mission accomplie

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Au petit matin, Pierre le chasseur se réveilla dans la forêt. Il n'avait que de très vagues souvenirs de ce qui s'était passé la veille, mais une chose cependant était certaine, il n'avait pas accompli la mission que la Reine lui avait confiée et sa vie ne tenait désormais plus qu'à un fil.

D'un autre côté, les instructions de la reine étaient terribles: non seulement elle lui avait demandé de tuer Blanche-Neige avec un poignard en argent, mais elle avait également exigé qu'il lui arrache le coeur et le lui ramène dans un coffret, autant pour prouver qu'il avait accompli sa tâche que pour éviter qu'elle ne revienne à la vie par dieu sait quel maléfice... Or le coffret était toujours là, et il était bel et bien vide.

Pierre le chasseur devait trouver une solution... partir à la recherche de Blanche-Neige dans la forêt ? C'était envisageable, mais il avait peu de chances de la retrouver et encore moins d'en triompher maintenant qu'il avait une idée de ses capacités. Il fallait trouver autre chose. Puis il eut une idée: prendre un coeur de biche et le mettre dans le coffret.

Voilà la solution.

C'est alors qu'il entendit chantonner:


Qui a peur du vilain loup noir ? - qui a peur chaque soir ?

Qui a peur du vilain loup noir ?  - tralala-lala

Je n'ai pas peur du vilain loup noir - qui s'cache dans les fougères

Je n'ai pas peur du vilain loup noir - tralala-lalère


— Blanchelune ! s'écria-t-il.

Il se précipita sur la route et tomba nez-à-nez avec une jeune fille... mais ce n'était pas Blanche-Neige. Elle était vêtue d'une cape à capuchon rouge.

— Oh ! fit-elle, vous m'avez fait peur.

— Je vous demande pardon, répondit-il. En entendant chanter, je vous ai pris pour quelqu'un d'autre et... j'avoue que je suis un peu désorienté.

— Je comprends, fit la jeune fille. Vous avez été victime des androgynes et j'imagine que ce n'est pas une rencontre agréable.

— Qu'est-ce qui vous fait croire que j'ai été victime des androgynes ?

— Pour commencer, le fait que vous n'ayez plus vos vêtements.

Et c'était vrai. Pierre le chasseur s'en rendit subitement compte: il était nu comme un ver.

— Je vous prêterais bien un manteau pour vous éviter de vous enrhumer, mais j'ai bien peur que mon petit chaperon rouge soit trop petit pour vous.

— Je vais retrouver mes vêtements ! s'exclama Pierre en retournant dans les buissons. Je ne les ai pas perdu, j'ai dû simplement les enlever parce que...

— Vous aviez trop chaud ?

— Oui c'est ça ! j'avais trop chaud.

Il retrouva rapidement ses vêtements, se rhabilla et retourna sur la route ou la jeune fille l'avait attendu.

— Que faites-vous donc toute seule dans cette forêt ? demanda-t-il. Ne savez vous pas que s'y promener est terriblement dangereux ?

— Beaucoup moins dangereux que d'y dormir tout nu, répliqua-t-elle en riant. Oui je sais, il y a des loups-garous, des fantômes. On prétend même qu'il y a au coeur de la forêt une cabane remplie de nains qui passent toutes leurs journées dans une mine de diamants, mais personne ne les a jamais trouvé. C'est pour gagner un pari que vous avez passé la nuit seul dans la forêt ?

— Non, répondit-il d'un ton hésitant. Je suis chasseur et... je cherche des biches. En temps normal, je n'aurais aucun mal à trouver, mais j'avoue qu'aujourd'hui, je suis un peu désorienté.

— Dans ce cas venez avec moi, proposa la jeune fille au chaperon rouge. Je passe tous les jours dans cette forêt pour porter à ma mère-grand une galette et un pot de beurre, je connais ces lieux comme ma poche. Je peux bien faire un détour pour vous rendre ce service.

Il la suivit, et après une demi-heure de routes, ils arrivèrent aux abords d'une clairière ou un rayon de soleil éclairait un lac magnifique.

— C'est un des principaux point d'eau de la forêt, murmura la jeune fille au chaperon rouge. Tous les animaux viennent boire ici. Si vous êtes patient, vous verrez passer une biche.

— Je vous remercie beaucoup jouvencelle, vous m'avez rendu un grand service.

— Mais c'est dommage de tuer une biche, reprit-elle. Pourquoi voulez vous le faire ? Vous pourriez chasser le cerf ou le sanglier...

— Oui c'est dommage, répéta le chasseur. Mais voyez-vous, j'y suis obligé. La Reine est une personne cruelle, elle m'a demandé de tuer sa belle-fille et m'a ordonné de lui ramener son coeur dans un coffret pour prouver que j'avais bien obéi à ses ordres. Mais je ne l'ai pas tué, je l'ai laissé partir dans la forêt.

Elle se mit à rire.

— Qu'y a-t-il de drôle ? demanda-t-il.

— Voyons messire le chasseur, la reine n'est pas assez sotte pour confondre un coeur de biche avec un coeur de jeune fille.

Pierre le chasseur soupira de dépit. Bien sûr, elle avait entièrement raison, et s'il avait eu tout son bon sens à son réveil, une telle idée ne lui serait tout simplement jamais venue à l'esprit.

— C'est vrai ! souffla-t-il. Je suis perdu...

* * * * * *

Le soir venait de tomber, la Reine Maléfique faisait les cent pas dans la cour du château, visiblement rongé par l'inquiétude. « S'il ne revient pas avant qu'il fasse nuit, pensait-elle, c'est qu'il m'a trahi ou qu'il a échoué. En tout cas, il s'est certainement passé quelque chose, parce que Blanche-Neige n'est pas revenue au Palais. »

Elle fut sortie de ses réflexions par le grincement de la poterne. Pierre le chasseur était de retour. Sans dire un mot, elle lui fit signe de la suivre et ils se rendirent dans le laboratoire souterrain ou le miroir magique semblait les guetter.

— Alors ? demanda-t-elle après avoir refermé la porte derrière le chasseur. Tu en as mis du temps. Que s'est-il passé ?

— Je vous prie de pardonner mon retard, Majesté. La tâche dont vous m'avez chargé n'était pas facile et présentait, je dois bien l'avouer, un aspect quelque peu rebutant. Mais j'ai scrupuleusement obéi à vos ordres.

Il déposa un panier sur la table et en sortit le coffret qu'il remit à la Reine. Elle l'ouvrit et déposa sur sa table un coeur sanguinolent.

— Bon travail, fit-elle. Mais que fais-tu avec un panier aussi encombrant ?

— Je l'ai pris pour transporter mon dîner, votre Majesté, une galette et un pot de beurre. Maintenant si vous le permettez, je vais prendre congé.

— Pas encore, Pierre le chasseur...

Elle ouvrit un tiroir et y piocha une large poignée de pierres précieuses dont elle remplit le coffret qu'elle rendit au chasseur.

— Pierre le chasseur, répéta-t-elle. Quel nom étrange, n'as tu pas un patronyme légué par ta famille ? Un de ces noms imprononçable pour quiconque n'a pas été élevé dans les steppes de Moscovie ? En tout cas, tu ne partiras pas sans ta récompense

— J'ai un nom de famille Majesté, répondit-il en empochant le coffret. Et il est plus facile à prononcer que vous ne le craignez puisque ma famille vient de Hollande. Je m'appelle Pierre Van Helsing.

* * * * * *

— J'ai pas compris ! demanda Firelyne en levant le doigt.

— holala ! soupira Fradj. Qu'Est-ce que tu n'as pas encore compris ?

— Ben d'abord, pourquoi Est-ce que le chasseur a le panier du petit chaperon rouge ? La grand-mère n'aura rien à manger. Et puis, comment ça se fait que la Reine ne voit pas que c'est un cœur de biche ?

— Et bien...

— J'peux lui dire! s'exclama Mordred. C'est tout simple, il a découpé le chaperon rouge en rondelles, il a mis son cœur dans le coffret et il a pris son panier, parce qu'il n'allait pas aller chez la grand-mère pour lui dire: "Bonjour Madame, j'ai tué votre petite fille pour mettre son coeur dans un coffret alors je vous apporte moi-même le panier."

— C'est pas vrai ! protesta Firelyne. C'est un gentil, il ne peut pas avoir fait ça !

Il fallait intervenir, je me penchai à l'oreille de Fradj.

— Je ne veux pas qu'elle se mette à pleurer, débrouille-toi !

— Heu... oui, balbutia Fradj. Je veux dire non ! Ça ne s'est pas du tout passé comme ça. Comme le chasseur n'avait rien mangé depuis la veille, le petit chaperon rouge lui a donné son panier et la Reine était très pressé d'en finir avec cette histoire, et du coup elle n'a pas vérifié, voilà ! Comme ça tout va bien ?

— Oh zut ! fit Mordred.

— Et la grand-mère alors ? demanda Firelyne. Elle ne reçoit rien à manger ? Elle va mourir de faim.

— Et bien la grand-mère... heu... elle s'est fait manger par le loup qui a pris ses vêtements pour essayer de manger le petit chaperon rouge ensuite, mais le chasseur l'a sauvé et elle lui a donné son panier pour le remercier, comme ça c'est logique.

— Oui, c'est parfait ! s'exclama Firelyne en tapant des mains.

— Oh non ! Ça ne tient pas debout fit Mordred. Une forêt avec des drogynes qui attirent les gens dans les buissons et les loups qui se travestissent, ça ne peut pas exister.

— Pas chez nous, expliqua Fradj, mais n'oublie pas que ça se passe dans un autre monde, un monde bizarre ou il se passe des choses qui ne peuvent pas se passer dans le vrai monde, voilà.

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