Paul repensa à l’étrange phrase jusqu’au soir où il en fit la remarque à sa femme pendant qu’ils discutaient de la Grande Décision. Deviendraient-ils propriétaires du 25 route des B…, situé dans la campagne de V…?

— T’as pas trouvé étrange que l’agent ait dit pièce où tout est jalousie ?

— Bof, c’est rien qu’un lapsus. Tu penses trop ! Tu t’inquiètes toujours pour pas grand-chose. On a d’autres choses à penser, tu crois pas ?

— Pas grand-chose, c’est quand même quelque chose, répliqua-t-il vexé. Il s’abstint pourtant d’insister. Il n’aimait pas les pertes de temps en disputes.

C’est vrai que je pense beaucoup. Trop des fois. Je sais que c’est pas toujours bon mais j’y peux rien. Je sais aussi écouter et je me souviens très bien de ce que j’ai appris à la fac. Lapsus révélateur.

Selon la psychanalyse, ces semi-révélations faisaient généralement partie de la catégorie de celles qu’on n’avait pas vraiment envie de dévoiler aux autres. Encore moins à soi-même. Paul aimait cette théorie quoi qu’elle le terrifiait.

S’auto-déclarer coupable. On passe de criminel à juge, puis vient le temps de la punition qui nous place en position de bourreau et de victime. Et qui d’autre que nous pourrait nous accorder grâce ? Ouais, non, c’est clair je pense…

— Alors, qu’est-ce qu’on décide finalement ?

Paul s’était perdu dans ce que sa femme appelait affectueusement ses contemplations. Elle trouvait cela adorable quand il se mettait à rêver. Ses beaux yeux nuageux s’assombrissaient et elle le savait parti.

— Tu es toujours parmi nous ?

— Pardon mon coeur. Je t’écoutais à moitié mais je suis partant si tu l’es. On est une équipe après tout.

C’est ainsi qu’ils achetèrent une maison avec une pièce où tout est jalousie.

Une tumeur cancéreuse venait également de faire l’acquisition d’une partie du corps de Paul. Et elle comptait bien profiter du terrain jusqu’à épuisement des ressources.