Passant

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Il flânait dans les rues ensoleillées, profitant de l’éternel beau temps qui semblait régner ici. Il aimait voyager dans les pays de ce coin du monde, cela le changeait agréablement de certains lieux pluvieux qu’il avait pu visiter. Les rues étaient plus ou moins encombrées car c’était jour de marché. Les étals des négociants débordaient sur l’espace dévolu à la foule, qui se déversait dans tous les axes où se trouvaient des commerçants. Un carillon résonna au loin. C’était bientôt l’heure. Il commença à se diriger vers les rues plus fréquentées, celles qui menaient à la place principale de la ville. Lorsqu’il y arriva, il s’arrêta un instant afin de vérifier les informations qu’on lui avait données. Toutes les cités de cet État avaient beau être construites relativement sur le même modèle, il lui fallait quand même prendre ses marques. Il repéra, à l’autre bout de la place, une grande maison d’apparence peu engageante.

Eh bien, pensa-t-il, on pourrait presque croire que c’est une prison. Si on ne m’avait pas dit que l’intérieur n’avait rien à envier à un palais, je n’aurais jamais pensé à m’y rendre un jour.

Il remarqua que la porte s’ouvrait. Comme il s’y attendait, deux silhouettes quittèrent la bâtisse, bientôt suivies par une troisième. Deux femmes, et un discret garde du corps. Enfin, discret, on avait vu mieux. Ce devait être un nouveau. Il laissa le trio s’éloigner un peu, puis traversa la place, à peine retardé par les multitudes de gens qui y évoluaient. Il les rattrapa presque, mais garda un peu de distance entre eux et lui. Si le garde était effectivement un nouveau, il devait être nerveux, et mieux valait éviter de se faire remarquer. La scène à laquelle il assistait était assez ordinaire : la jeune fille faisait son marché, chaperonnée par sa suivante, et protégée de loin par un homme en armes. À présent qu’il avait analysé la situation, il pouvait agir. Un détail attira son attention. Un peu plus loin dans la rue, un attroupement s’était formé et des éclats de voix se faisaient entendre.

Cela pourrait se révéler fort intéressant. J’ai trouvé la part d’imprévu de mon plan. Enfin, sachant que je ne fais qu’improviser…

Comme il l’avait calculé, les forces de l’ordre ne tardèrent pas à arriver. Au moment où le trio qu’il suivait passait devant l’attroupement, il y eut un mouvement de foule qui sépara la jeune fille de ses protecteurs. Elle tenta de les rejoindre, mais le désordre s’amplifiait, et l’éloignait davantage, si bien qu’elle finit par les perdre de vue. Elle parut, après avoir hésité, décider de se rendre à un endroit plus calme, probablement afin d’attendre qu’ils la rejoignent. Le jeune homme, ayant observé de loin, choisit une autre rue pour rejoindre l’endroit où il pensait qu’elle allait. Il arriva assez rapidement à une petite esplanade peu fréquentée au centre de laquelle se trouvait un bassin d’eau claire. Il repéra presque immédiatement la jeune fille. Elle était assise sur un banc de pierre en bordure de la place. Elle paraissait un peu perdue, tout en essayant de se donner l’air détaché de quelqu’un n’ayant besoin d’aucune assistance. Il s’approcha d’elle, affectant de ne pas avoir spécialement l’intention de la rejoindre, et une fois devant la jeune fille lui demanda s’il pouvait prendre place sur le banc. Elle ne parvint pas à dissimuler sa défiance, mais n’osa pas refuser. Il s’assit donc, prenant garde de ne pas être trop proche d’elle. Il engagea la conversation.

« Attendez-vous quelqu’un ? »

Elle hésita. Finalement elle opta pour une réponse neutre :

« Pas spécialement.

- Vous profitez du beau temps, alors. C’est également mon cas. J’aime particulièrement cette saison, et vous ?

- … Je l’apprécie plutôt.

- Je trouve que c’est le meilleur moment de l’année pour voyager.

- Vous voyagez ? »

Il remarqua qu’il avait attisé sa curiosité.

« Oui, c’est mon activité principale. J’aime découvrir de nouveaux horizons. Pas vous ?

- Je ne sais pas. Je n’ai jamais quitté cette ville. »

Elle laissa passer un temps, puis s’enhardit à lui demander :

« Ne faites-vous rien d’autre que voyager ?

- C’est déjà beaucoup, sourit-il, mais en effet, je suis en perpétuel déplacement.

- Mon père m’a dit qu’il fallait se méfier des voyageurs, car ce sont des gens inconstants.

- Lui est-il déjà arrivé de se rendre dans une autre ville pour ses affaires ?

- Plusieurs fois ; mais il préfère rester ici. Comment savez-vous qu’il est négociant ?

- Pure déduction. Vous m’avez l’air de venir d’une famille aisée, et dans cette cité la plupart des aristocrates sont des marchands. Et quant à son opinion sur les voyageurs, je ne suis pas sûr de l’apprécier, car je pense au contraire être fidèle à mon mode de vie, qui est de constamment changer de lieu.

- Vous ne paraissez cependant pas offensé par son avis. fit-elle remarquer.

- Non, en effet. Je peux le comprendre, et j’ai l’habitude de ce genre de préjugés. Mais vous, quel est votre point de vue sur la question ?

- Oh, je ne sais pas trop… À dire vrai, vous êtes le premier voyageur que je rencontre. »

Il y eut un silence. Voyant qu’elle était plus détendue, il se risqua à lui poser une autre question.

« Quel est votre nom ?

- Mon père m’a dit de ne jamais donner d’informations sur moi à un inconnu.

- Et il a bien fait.

- Vous lui donnez raison ?

- En tenant compte de la bienséance, oui.

- Vous êtes assez déconcertant.

- Je prends cela comme un compliment. »

Elle parut à nouveau indécise, puis le questionna en retour :

« Et vous, comment vous appelez-vous ?

- Vous ne m’avez pas dit votre nom, s’amusa-t-il, je ne vais pas vous donner le mien. »

Elle sourit. Puis reprit :

« Je me prénomme Ishtar.

- Un nom chargé de signification. apprécia-t-il.

- Et vous ?

- Mon nom est Sem.

- Et d’où êtes-vous originaire ? osa-t-elle demander. Vous avez un très léger accent que je ne parviens pas à identifier.

- Oh, je viens de si loin que j’ai presque oublié ma patrie, et je ne pense pas que vous puissiez la connaître.

- Depuis quand voyagez-vous ?

- Des années. »

Tous deux remarquèrent à ce moment la suivante et le garde du corps qui arrivaient sur l’esplanade.

« Ah, je crois qu’on vous a retrouvée. fit-il observer.

- Qui vous dit qu’ils me cherchent ?

- Inutile de mentir, ils viennent vers nous.

- Comment savez-vous qu’ils m’accompagnaient ?

- Pure déduction. » plaisanta-t-il.

Les deux autres arrivèrent, et le jeune homme se leva. Il s’adressa à son interlocutrice :

« Ce fut une conversation fort agréable, mais je me vois dans l’obligation de vous rendre à vos protecteurs. Mes hommages, mademoiselle. »

Il s’inclina avec un charmant sourire, et s’éloigna. Il eut le temps d’entendre la suivante demander :

« Maîtresse, qui était-ce ? Une de vos connaissances ?

- On peut dire cela ainsi. » répondit la jeune fille.

Première manche gagnée, pensa-t-il, et la suite me paraît prometteuse.

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