A case for Dick

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Dick hocha la tête avec lenteur. Plus qu’une appréciation de l’horreur de la situation, il s’agissait d’une de ses stratégies destinées à cacher combien l'affreux accent du nain le hérissait. Il savait pourtant bien que ce n'était pas la faute du capitaine si le type qui l'avait imaginé avait une idée hautement fantaisiste de la façon dont des personnages censés habiter sous terre devaient s'exprimer (et ce n’était que la partie émergée de l’iceberg, un passage dans le bureau du capitaine avait appris à Dick tout ce qu’il n’avait jamais voulu apprendre sur les collectionneurs compulsifs de calcaires). Pas plus que ce n’était celle de Dick si le collectif « d'écrivains » sensés donner naissance au privé le plus classe de tous les temps avaient pensé que vraiment, glisser des mots en anglais toutes les trois phrases était trop edgy et cool.[1]

« - Qu’est-ce que c’est que ce bordel, bloody hell ! lâcha-t-il, sa troisième (plus que 17) cigarette frémissant d'une rage qui n’était pas que due au massacre.

- Ze qu’il rezte de la rifière ondoyante et de zez habitants, lui répondit IronHelm de sa voix minérale.
- Ca je vois bien, mais what happened ?

- Za ze zera à fous de me le dire.

Le nain eut un petit rire sans joie et lui fourra une lourde enveloppe de papier kraft entre les mains.

- Ovviziellement, il z'achit d'un trachique acczident dû à la polluzion. Le Maire ne feut pas entendre parler d'autre choze. Les meurtres mazzivs ne zont pas très bien fus, zi près des éleczion. Auzzi che me zuis dit que fous pourriez fous rendre utile, pour une vois. Il zerait zependant bien que, contrairement à fotre habitude, fous rézolfiez zette avaire afec la même dizcrézion que l'aigle qui vend l'onde zans la troubler pour attraper za proie.

Sa dernière remarque raisonna dans le vide. Dick avait déjà tourné les talons. Il s'éloignait d'un pas lourd. Ses talons claquaient contre les pierres du chemin, et son imperméable flottait derrière lui tandis qu’il maudissait à haute voix l’imbécile heureux qui avait eu un jour l’idée d’imaginer des nains poètes. « Et les détectives privés fumeurs », ajouta-t-il pour lui-même quelques rues plus loin, l’enveloppe coincée sous son bras, alors qu'il allumait une de ces fichues allumettes quantiques d’une pichenette du pouce. L'extrémité de la quatrième cigarette à ses lèvres se teinta d’un mauvais rouge, et, par pur réflexe mécanique, Dick aspira une longue bouffée de tabac goudronné. Quel dommage quand même que ses créateurs n’aient pas pensé à le doter de poumons à l’épreuve du cancer.

[1] Le privé aurait adoré les rencontrer pour leur donner sa vision des choses (notamment sur le fait de mettre et "edgy" et "cool" à la suite dans une phrase), de préférence à l’aide de quelques diagrammes et d’une batte à clous. Hélas, ses auteurs ne faisaient pas partie de ceux qui se créaient des avatars dans leurs propres ouvrages. L’introduction de l’un d’entre eux sous les traits d’un cadavre au début de sa quatrième aventure n’avait été qu’une malheureuse exception liée à la vindicte d’une stagiaire un peu trop au fait des loi concernant l’exploitation salariale pour ne pas avoir envie de se venger.

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