Qui a tué Bobby Smiley - Ne me dites jamais que j'ai eu tord.

3 minutes de lecture

Antonia fronça les sourcils et s'abîma une minute dans la contemplation du visage couvert de sueur du détective. Il semblait littéralement se liquéfier de peur. De ses tempes à son menton, pas un centimètre carré n'était sec. Et sa bouche tremblait tant qu'elle semblait prête à se détacher de son visage. Les hommes. Réprimant un sourire, la femme croisa ses bras sous sa poitrine.

« Très bien, M. Burman, vous avez mon attention pour encore trente secondes, avant que vous ne décédiez d’un très rare accident de cirrhose explosive qui nous laissera tous choqués et raisonnablement attristés le temps que la police prenne nos dépositions. Je veux savoir. Vous n’êtes pas venu ici pour nous arrêter. Le fait que vous ayez découvert notre stratagème prouve que vous êtes trop intelligent pour avoir cru nous pouvoir nous interpeller avec seulement l’aide de votre ridicule complice »

Avec un sourire entendu, Dick sortit un mouchoir de sa poche, s'essuya sommairement, et se laissa tomber sur la scène, où il s'assit en tailleur. Puis, désignant Widjet d'un vague geste, il jeta :

« What ? Lui ? No one cares, il veut mourir ».

Sa main tenant le mouchoir esquissa un mouvement vers arrière laissant entendre que l'existence même de Widjet le laissait indifférent. Sans plus d'ailleurs lui accorder d'attention, il se pencha en avant, tendant au maximum son cou pour la rapprocher d'Antonia. Ses mains s'accrochèrent violemment au sol devant lui. Ses yeux brillaient d'une lueur folle.

« Non, articula-t-il en une plainte rauque. Je veux savoir le mobile... Professiionnal pride, » ajouta-t-il avec un clin d'œil qui aurait paru exagéré même par un ivrogne de soap opéra des années quatre-vingt.

Antonia haussa les épaules, mouvement aimablement accompagné par sa sculpturale poitrine. Elle ne prit même pas la peine de cacher le sourire sardonique qui venait de se dessiner sur ses lèvres

« J'aurais dû m'en douter, soupira-t-elle, mi amusée, mi atterrée. Vous ne lâchez jamais l'affaire, hein ?

- J'ai été créé comme ça, répondit humblement Dick

- Eh bien pas moi, voyez-vous ? » D'un geste brusque, elle sortit une cigarette de sa poche, qu'elle planta sur ses lèvres avant de l'allumer d'un doigt rageur et de lancer en direction de Dick :

« Figurez-vous que quand j'ai été imaginée, dans les années 40, j'étais une jeune fille pure, et innocente. Tout ce que je voulais, c'était faire régner la justice. J'ai même passé un moment dans les brigades héroïque. Mais au bout d’un temps, les courses poursuites de trois jours sans se laver pour coincer un savant fou forcément égocentrique finissent par lasser.

Elle retira un instant la cigarette de ses lèvres en un geste éloquent.

- Alors je me suis réorientée. Je suis devenue agent d'accueil pour les enfants en déshérence. Ceux qu'on ne peut pas confier à l'orphelinat. Ceux qui veulent se faire oublier pour commencer une nouvelle vie.

Elle inspira une bouffée de tabac, faisant rougeoyer le bout de sa cigarette, et recracha un long ruban blanc, son regard de nouveau planté dans les yeux de Dick.

- Ma première pensionnaire s'appelait Mary Sue, reprit-t-elle d'une voix rauque. C'est une histoire qui avait fait du bruit, à l'époque. Elle avait tué ses parents, mais le juge avait conclu à la légitime défense vu ce que ces pourris lui avaient fait. Tout ce que voulait la petite, c'était recommencer à zéro.

De nouveau, Antonia s'arrêta et inspira profondément. Délogés par les légers tremblements qui agitaient maintenant ses lèvres, les cendres au bout de sa cigarette tombèrent en pluie sur sa robe. Elle les chassa d'un revers de la main, sans même les regarder.

- Elle a passé les trois premières années prostrées dans sa chambre parce qu'elle avait peur d'être reconnue par un journaliste, murmura-t-elle. Elle pleurait, elle hurlait la nuit à cause de ses cauchemars, et moi je ne pouvais que la prendre dans mes bras en lui promettant que ça irait mieux un jour.

Sa poitrine s'agita, comme en proie à un hoquet silencieux, mais Antonia continua : « Et puis petit à petit elle a réussi à sortir, un peu. Je l'ai accompagnée. Quand elle m'a dit qu'elle était prête, j'ai fait les démarches pour l'inscrire à l'école".

Cette fois, le bout de la cigarette frissonna violemment, et la femme baissa la tête.

« C'est là que ce pourri est apparu, souffla-t-elle d'une voix soudain rauque. Un apprenti journaliste ambitieux, spécialité dans les histoires sanglantes. Il a fait un reportage où il montrait le quartier, la maison, et même une photo de Mary avec sa nouvelle coupe de cheveux. Quand elle a vu ça, elle est montée dans la salle de bains, et elle s'est tranché les veines. »

Relevant son visage, Antonia darda vers Dick un regard brûlant de souffrance.

- Ne me dites pas que j'ai eu tort.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Gobbolino ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0