Règle #19

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Règle #19 : utiliser des coïncidences pour mettre les personnages dans des situations problématiques, c’est génial. En utiliser pour les sortir de ces situations problématiques, c’est tricher.

Utiliser le hasard pour mettre les personnages en péril, c’est bien. L’utiliser pour les en sortir, c’est mal ! La règle est assez claire en soi. Les explications de Bugaj sur ce sujet sont particulièrement brouillonnes, je trouve.

Le fait de laisser le hasard décider de la réussite d’un personnage lui retire tout mérite.

« […] un drame fonctionne mieux si les motivations, les choix et les actions d’un personnage le mettent en péril puis l’en sortent. Les coïncidences ont beaucoup moins d’impact que les choix. »

Le lien affectif entre le lecteur et le héros risque de se trouver amoindri si vous laissez le hasard agir à sa place et nouer les ressorts de l’intrigue. Sauf dans le cas d’une parodie ou d’un personnage comique.

« Des coïncidences néfastes à l’égard du personnage [...] trop maladroites, appartiennent au domaine de la parodie. »

Cette règle rejoint le point concernant la passivité des personnages. Des péripéties dictées par le hasard et non par les actions des héros donneront l’impression que ces derniers n’ont pas de volonté, qu’ils sont les jouets du narrateur et n’ont pas d’existence propre. Il en va de la crédibilité des héros et de l’histoire. Plus le lien entre les coïncidences et les actions des personnages est faible, plus cette impression de passivité sera forte. Un hasard né d’une action décidée par le héros sera plus facile à accepter qu’un événement sans aucun lien direct. Les seules exceptions à cette règle tiennent au jeu des « préparations » (ou « préfigurations » selon les théories) : si le héros découvre par hasard un point faible du méchant au début de l’histoire (même s’il ne sait pas encore que c’est LE méchant ;-)) et qu’il s’en sert ensuite volontairement, la préparation efface le côté coïncidence chanceuse :

« Prenons par exemple un thriller policier dans lequel on a établi qu’une convention d’apiculture se tiendra au centre-ville le week-end suivant. Par hasard, le héros découvre que le méchant est allergique aux piqûres d’abeilles. Plus tard, alors que l’antagoniste semble prêt à rattraper le héros, ce dernier se rappelle de la convention et dans un effort désespéré pour échapper à une défaite certaine, il redirige l’action vers la convention d’apiculture. Il renverse les ruches et laisse les abeilles faire le travail à sa place. Le fait que des abeilles se trouvent au même endroit qu’un antagoniste qui leur est allergique, témoigne bel et bien d’un coup du sort. Et que dire du fait que l’action se déroule le week-end de la convention ! Malgré tout, si le tout est ficelé avec assez de finesse, le public le percevra comme de l’intelligence plutôt que de la chance parce que c’est le choix du personnage qui a bouclé la boucle. »

Bugaj parle des « postulats » (ce que j’ai appelé plus haut « préparations ») et « dénouements » (ou « paiements ») comme des plus puissants outils du dramaturge. Il invite donc les auteurs à bien préparer leurs coïncidences, si possible en amenant le protagoniste à faire des choix qui vont l’amener directement à générer le hasard autour de lui. Tout en signalant qu’il est tout de même préférable de lier les événements de manière logique, en suivant les actions des héros, plutôt qu’en les soumettant aux coups du sort.

Pour ce qui est des coïncidences salvatrices, Bugaj s’en prend au fameux Deus ex machina, qui signifie qu’un acteur invisible et externe (en l’occurrence le narrateur) résout toutes les emmerdes des héros à leur place.

« Le drame se construit justement sur l’idée que les protagonistes règlent la situation quand Dieu ne le fait pas (ou meurent en tentant de le faire, s’il s’agit d’une tragédie), pas l’inverse. »

« En définitive, ce qu’il faut extraire et retenir de cette règle, est que tout ce qui peut mettre les personnages en péril, ou les en sortir, se construit fondamentalement sur les décisions de ces personnages. Le seul hasard qui peut intervenir au sein d’une histoire, est un hasard influencé par ces décisions. »

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