Raconter la vie d'une pomme

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Mon père s'appelle Elstar, ma mère s'appelle Gala. Moi, c'est Rubinette. Je suis née une soirée de fin d'été, lorsque les moissonneuses battaient le blé, laissant derrière elle une traînée de volatiles affamés. Le temps était sec et le soleil se couchait à l'horizon pour offrir une journée de répit aux animaux, plantes et hommes. Je ne poussai pas de cris. Elle est déjà très sage, disait ma mère. C'est une petite pomme très calme, disait mon père.

Je fus un petit bourgeon irréprochable. Je n'arrivais jamais en retard à l'école, j'étais très polie avec les pommes plus âgées et gentille avec les autres bourgeons de mon âge. J'obtenais de bons résultats, pour le plus plus grand bonheur de mes parents, et me pris d'affection pour les cours de sciences naturelles.

Je grandis sans aucun problème. Ma branche semblait être la plus éclairée des branches. Je n'aurais pu avoir plus parfaite enfance que celle que j'eus.

Lorsque je devins une jolie fleur, peu après le début de l'automne, un terrible malheur arriva. Un étranger, une bête étrange, un monstre épouvantable s'introduisit chez moi. Il entra tout d'abord dans mon appartement, puis grimpa les quelques étages qui le séparait de notre nid douillé. Il crocheta la porte et s'engouffra dans l'entrée. Dans la pénombre, il chercha son chemin, à tâtons, il traversa les pièces, une à une, jusqu'à arrivé dans la chambre parentale. Sans une seule hésitation, il attrapa ma mère puis mon père, les arranchant de la chaleur leur drap. Je me retrouvai seule et notre cocon, si accueillant et chaleureux autrefois, n'étais plus que froid et lugubre. C'est en ce dimanche que je me retrouvai orpheline.

La police avait enquêté, évidemment. Ils ne trouvèrent le fin mot que bien plus tard. Car mon cas n'était pas isolé. De nombreuses fleurs et même quelques jeunes bourgeons avaient perdu leur parents. Chaque enlèvement suivait le même procédé. On s'infiltrait silencieusement, on emportait les parents et parfois les tantes, oncles puis on repartait aussi sournoisement que l'on était arrivée. Aucune trace de lutte, aucun bijou disparu. Tout restait à sa place, à part les adultes.

Ma vie ne s'arrêtait pas ici et je continuais donc de grandir et m'épanouir malgré l'absence parentale qui me pesait, parfois m'étouffait. Je devins une jolie pomme et fus diplômée de l'Ecole des Pommes. Le gouvernement, pour calmer les foules en colère, avait mis en place un système de bourse pour que les pommes victimes de cette sombre affaire puissent accèder à des études. Ca ne ramenait pas les parents ni ne résolvait les disparitions, mais c'était déjà ça.

Je travaillai dans un laboratoire et fondai ma petite famille. Je décidai de croquer la vie à pleine dent.

Aujourd'hui, je suis toujours là. La police a fini par trouver le coupable et des mesures ont été prise. Je suis arrière-grand mère, frippée et je pense que mon heure est venue.

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