Partie 6 : Thalas

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Les mâchoires de la douleur relachèrent enfin leur pression sur le bas de son dos depuis tant d’année… Le roi faillit en perdre son souffle. Il avait oublié ce que cela faisait d’avoir un corps sain, un corps qui ne hurlait pas chaque seconde de son existence. Un autre que lui en aurait pleuré. Thalas était trop renfermé, voire paranoïaque, pour relâcher ainsi ses émotions.

La douleur allait bientôt revenir… Il le savait. Mais il était heureux de ce petit moment de paix. Lorsque Fray le questionna, sourire aux lèvres, Thalas releva son regard confus vers lui. Puisque les mots ne lui venaient pas, il agrippa le poignet du jeune homme pour le tirer vers lui. Ce dernier tomba sans résistance dans les bras du roi qui le serra fort contre lui en guise de réponse.

Fray se raidit de surprise face à ce remerciement silencieux. Puis le roi le sentit peu à peu se détendre et se blottir contre lui. Thalas ferma les yeux et resta silencieux. Il voulait profiter de chaque seconde de ce court instant de liberté. La douleur reprenait lentement ses droits. Le roi relâcha progressivement son étreinte à mesure que l'étau se resserrait dans son dos. Dans le même temps, Fray se laissa glisser aux pieds du lit où il resta à genoux. L’expérience semblait l’avoir vidé de ses forces.

— Ce pouvoir est incroyable, s’exclama le roi en passant la main dans ses cheveux blonds. Je ne savais pas qu’une telle chose pouvait exister. Dommage que ça ne puisse pas être permanent. Mais bon, je ne peux pas me permettre d’être trop difficile. Surtout qu’user de ce pouvoir doit t’épuiser, je me trompe ?

— Je sais, sanglota Fray, ce n’est pas suffisant... Vous souffrez trop...

Thalas ne put cacher sa surprise en voyant le blondinet passer du sourire aux larmes. Il ne s’attendait clairement pas à cette réaction. Il sentait son envie de donner son maximum pour soulager ses souffrances.

— Tout va bien, Fray, dit-il d’une voix douce. Ce n’est pas ta faute.Tu n’as pas à être autant affecté, ce que tu sais faire est déjà fantastique, dit-il en essayant de consoler le jeune homme.

Thalas voulait remonter le moral de son jeune serviteur. Après tout, il venait de lui offrir une très belle expérience… Tournant son attention sur Xylo, occupé à lisser son pelage, le roi décida de changer de sujet.

— Comment l’as-tu eu ?

— Je… J’ai prié, bafouilla le jeune homme en séchant ses larmes. Ma mère était enceinte de jumeaux et l’accouchement se passait mal… Elle hurlait et elle n'arrêtait pas de saigner... J'ai prié notre dieu de toutes les forces de soulager sa souffrance. C’est ainsi que Xylo est apparu. Lorsqu’il s’est lié à moi, j’ai tout de suite su que je devais poser mes mains sur le ventre de ma mère. Sa douleur s’est calmée. Ainsi, les jumeaux sont nés mais… elle avait perdu trop de sang... Elle n’a pas survécu. Je n’ai pas pu la sauver. Cependant, grâce à notre dieu, elle est partie en paix.

C’était visiblement un échec. Ce changement de sujet n’avait pas du tout amené leur discussion sur des terrains plus joyeux. Il eut alors un soupir.

— Excusez-moi, bredouilla Fray.

— Non non. Tu m’as dit la vérité. C’est la seule chose que je souhaite entendre. Ce n’est point ta faute si tu as vécu des choses horribles. C’est à moi de m’excuser de t’y avoir fait repenser.

Il vint caresser doucement sa joue humide. Thalas était très peu expressif mais, en réalité, il avait une certaine empathie. Il comprenait bien la détresse du jeune homme face à la souffrance d'autrui. Et, par extension, son envie folle de venir à son secours pour contrecarrer cette douleur qui lui ruinait la vie.

— Messire, s’enquit Fray dans son désir de soulager le roi, prenez-vous quelconque forme de traitement ?

— Evidemment. Ma guérisseuse, Deyidra, me donne toutes sortes de potions et remèdes. C’est grâce à elle si je peux marcher.

Le roi n’exagérait pas en disant cela. Avant que ses gardes ne trouvent Deyidra dans leur campagne de recrutement de guérisseurs, le roi restait cloué au lit. Il ne pouvait pas faire le moindre mouvement sous peine de perdre connaissance, tant ses douleurs étaient insupportables. Il pouvait affirmer sans exagération devoir la vie à Deyidra. Evidemment, pour retrouver une telle mobilité il avait dû suivre une rééducation intensive en plus des remèdes de cette femme, considérée comme une sorcière par beaucoup.

— Pourrais-je rencontrer votre guérisseuse ? demanda Fray après un moment de silence. Je m’y connais un peu en antalgiques, je serais intéressé d’en savoir plus sur les remèdes qu’elle vous donne…

— Bien sur. Elle est partie tôt ce matin en forêt avec ses apprentis pour trouver de nouvelles plantes médicinales mais je pense qu’elle devrait bientôt être de retour au château. Tu pourras donc faire sa connaissance à ce moment là..

Fray s’inclina légèrement tout en remerciant le roi d’accepter sa demande. Thalas observait chaque petit mouvement, chaque mimique du blondinet. Il était si délicat, si doux. Tout en lui plaisait au roi. Il s’arrêta de le dévorer du regard lorsque Fray lui présenta ses paumes marquées du sceau qui le liait à Xylo. La source du pouvoir qui lui permettait de soulager ses souffrances.

— Voulez-vous… réitérer l’expérience, majesté ?

Le roi ne put masquer sa surprise. Il ne s’attendait pas à avoir de nouveau cette occasion si tôt.

— Si j’en abuse, je pense que je ne pourrai pas en profiter très longtemps, je me trompe ? Fray, je ne sais pas trop quels effets cela te fait, mais tu avais l’air fatigué après le premier essai.

En effet, Thalas n’avait pas manqué de remarquer les traits tirés et les jambes tremblantes de Fray juste après qu’il lui ait lâché les mains. De plus, il n’avait pas l’air au sommet de sa forme au moment de leur rencontre. Le roi n’avait aucune envie de vider le jeune homme de son énergie dès son premier jour à ses côtés. Il voulait profiter de ses services le plus longtemps possible… Mais aussi profiter de sa simple présence.

Le roi baissa malgré tout son regard sur les mains de Fray. Malgré son inquiétude, il avait très envie de renouveler l'expérience. Il ne s'était jamais senti aussi bien depuis des années. C'était si bon...

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