35e jour de Yosha

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Ça fait trois jours que le siège a commencé. Il ne durera pas un de plus.

Les crêtes autour de la vallée m’apparaissent maintenant comme des prisons ; impossible de s’enfuir. Nos soldats meurent par dizaines chaque jour. Peut-être serai-je le prochain, lors de mon tour à garder la palissade.

Les Garde-morts ont été aperçus peu après ma dernière entrée dans ce journal, le 31e jour. La corne a sonné depuis la vigie de la crête est. J’étais à la palissade ce jour-là, je les ai vus approcher, une ligne noire indéfinie remontant la vallée, seul endroit accessible depuis les terres plates de Kerth.

Les ordres ont fusé tout le reste du jour et la nuit. Les Garde-morts ne dorment pas, à ce qu’on dit. Lorsqu’ils se sont arrêtés, à plus de 200 mètres de nous, hors de portée de nos arcs, ils sont restés debout, immobiles, comme des statues.

Ils ne sont pas aussi monstrueux que je l’avais raconté à Valturas, pour le taquiner. En vrai je n’en ai jamais vu, et je n’ai jamais été à Trenika. Les Garde-morts font peut-être deux mètres, ou plus, d’après ce que j’ai pu voir. Le reste, je n’ai pas tardé à le découvrir.

Le premier assaut a été porté juste avant l’aube. Le pire moment pour les soldats humains qui dormaient ; un réveil avant le début du jour, au plus froid de la nuit, quand l’esprit ne voit pas encore Solpa pour lui donner du courage, ni Sha sur qui reposer.

Nos armes les transpercent, leur sang coule, et leurs corps s’écroulent. Ils ont défoncé la première palissade en fonçant dessus, juste avec le poids de leurs corps, comme on défoncerait une porte. Des rondins de la taille d’un petit arbre, juste pulvérisés en trois assauts. Lorsque le premier a traversé, il a eu le temps de tuer trois hommes avant d’être abattu. Ses coups étaient démentiels ; d’une puissance inouïe. Le corps du premier soldats vidé s’est envolé au coup de massue, sur plusieurs mètres, et est retombé dans la poussière, inerte. Celui-ci avait une massue de fer aux pointes acérées, mais les armes des autres étaient aussi hétéroclites que ce que j’avais entendu dire, mais aucun ne combattait avec des os.

Nous avons réussi à ce qu’il n’y ait pas de nouvelle brèche ; les lanciers se sont sacrifiés pour en empaler plus d’un. Deux de plus ont suivi le premier, derrière la palissade. Cinq hommes de plus ont perdu la vie face à lui.

Le matin, nous avons apporté des rochers pour renforcer la palissade à sa base et empêcher les charges. J’ai tenu ma première faction le soir-même. Derrière le rempart précaire de bois taillé, des brindilles pour des colosses pareils, je voyais les archers tirer, et les lanciers repousser les Garde-morts à travers les meurtrières. Mon épée à la main, comme 100 de mes camarades, je tremblais en attendant une percée, en craignant la brèche.

L’assaut se poursuivit toute la nuit. Tous les soldats, sans exception, tournèrent sur le rempart, derrière la palissade, en renfort, selon leurs compétences.

Hier, une nouvelle brèche a été créée. Un rocher, gros comme ceux qu’on a disposé en renfort de la palissade, a finalement eut raison du rempart de rondins. Les Garde-morts ont envoyé les rochers sans discontinuer jusqu’à ce que la palissade cède, et Nelis a eut le torse broyé sous la pierre qui est tombée sur lui. L’épée à la main, j’ai renoncé à ma vie et j’ai tourné ma volonté vers les humains de Kerth, vers Panium, vers le capitaine et vers tous les civils qui comptent sur nous. Le Garde-mort a contré mon épée avec son avant-bras. La lame s’est enfoncée comme dans du bois ; j’ai tiré pour l’en ressortir. J’ai vu le sang sur l’acier, et puis la masse du colosse, celle-ci que je reconnaissais. Une masse de facture mehdacin, ornée à l’origine, à cet instant souillée et déformée. La masse frappa mon épaule gauche et m’envoya au sol. Mon corps tomba, rebondit aux dires de Bartos, tourna sur lui-même sur cinq mètres.

Je me suis réveillé le soir, assailli par la douleur, dans un des chariots de blessés. Le bras gauche tout entier, depuis l’épaule, serré dans un bandage.

Les Garde-morts reste à bonne distance, mais ils n’ont pas l’air nombreux. À peine plus d’une centaine, selon nos éclaireurs. La chose positive est qu’ils ne semblent pas vouloir attaquer durant la journée, ce qui semble, après coup, évident. Ces créatures tirent leur pouvoir de l’Être Obscur, le faiseur de nuit. Autre chose inexplicable, les Garde-morts n’ont pas tenté de prendre les crêtes d’assaut pour nous contourner par les flancs. Marshe n’a toujours pas demandé aux troupes envoyées sur place de revenir, peut-être se méfie-t-il, malgré tout.

Il devient plus urgent que jamais que les Caverneux nous écoutent. Le capitaine est retourné à leurs portes au moment où j’écris. Nos effectifs sont réduits à 50 archers, autant de lanciers et une infanterie de moins de 100 soldats ; nous ne tiendrons pas, s’ils restent sourds cette fois.

Je n’ai pu porter qu’un coup. Un coup inutile, et j’ai été rendu moi-même inutile. Valmina aurait honte de moi.

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