Chapitre 14 - Partie 1

9 minutes de lecture

Aby et Ric’ arrivent 5 minutes plus tard. Ils se dirigent tous les trois sans un mot vers la cabane de Julia. Il leur est, depuis plusieurs années maintenant, impossible d’entrer autrement qu’à quatre pattes à l’intérieur, celle-ci étant devenue trop étroite avec le temps. Assis en tailleur, formant un petit cercle dans ce qui avait été leur lieu de jeux favori, leur cachette, leur refuge. Chacun tient un tube argenté dans ses mains.

— Je commence, proclame Abigaïl avec enthousiasme.

Elle ouvre précautionneusement le tube et sort une feuille rose qu’elle déplie lentement. Elle s’éclaircit la voix.

— Alors heu… la 17e chose sur ma liste était... elle regarde ses amis laissant le suspense s’installer comme l’aurait fait le présentateur d’American Idol à l’ouverture de l’enveloppe contenant le nom du gagnant, je devais passer mon permis et acheter ma première voiture.

— Tu as passé ton permis, enchaîne Adaric.

— Mais tu n’as pas de voiture… poursuit Julia.

— Ça n’a pas été facile, mais… elle sort de sa poche un porte-clés rose bonbon en forme de cœur au bout duquel pend une clé.

— C’est ce que je crois ? demande Ric en lui arrachant la clé des mains.

— Oui. Je l’ai achetée hier ! dit-elle ravie, ma première voiture.

Julia et Adaric bondissent de joie, autant que possible vu l’étroitesse de la cabane.

— Oh c’est génial, génial, génial, fini le bus, fini les parents sur le dos, à nous la belle vie !!! crie Ric’ surexcité.

— C’est super, déclare Julia plus calmement.

— Carrément, elle est trop belle, c’est une vieille coccinelle, elle est jaune, très abimée, mais elle roule et elle est à moi. Et dès que nous aurons fini, nous irons faire un tour, tous les trois.

— C’est troooooop bien, insiste Ric.

Julia tend un feutre rouge à son amie.

— Je crois que nous pouvons dire que tu as réussi, tu peux barrer l’avant-dernière chose de ta liste, annonce-t-elle solennellement.

— À moi.

Ric’ ouvre le tube argenté et lit à voix haute.

— Je devais avoir passé une audition et obtenir un rôle.

Julia et Aby regardent Ric qui ne dit rien.

— Alors ? L’audition tu l’as passée j’étais avec toi.

Julia ne peut s’empêcher de se sentir mal à l’aise, car elle n’avait pas été là pour son ami ce jour-là et elle s’en voulait beaucoup.

— Ric »… commence-t-elle.

— Ce n’est rien, tu étais occupée, tu n’es pas venue ce n’est pas grave.

— Je suis désolée.

Abigaïl enchaîne, sentant le malaise s’installer.

— Alors ? Accouche ! Vas-y, dis-nous, tu l’as eu ce satané rôle ou non ?

— Et bien… il hésite puis tend la main en direction de Julia, tu peux me donner le feutre, car vous avez devant vous le premier jeune garçon d’écurie qui se fera tuer dans une toute nouvelle série que vous allez adorer les filles !

Nouveaux hurlements de joie et embrassades.

— Je suis si fière de toi, reprend Julia à Adaric en l’embrassant sur la joue.

— J’espère que tu ne nous oublieras pas quand tu seras une star, demande Aby qui n’était pas très démonstrative.

— Ce n’est qu’un minuscule rôle de quelques minutes, je ne suis pas encore une star.

— Ça viendra, assure Julia, j’en suis sûre.

Ils se regardent un instant, Adaric est si important à ses yeux, elle l’aime tellement. Il est son meilleur ami, son confident. À cet instant, elle aurait aimé tout lui raconter, tout lui dire sur la Prophétie, le rôle qu’elle doit jouer dans cette histoire, car elle sait qu’elle pourra toujours compter sur lui, quoi qu’il arrive.

— À toi, dit Ric’ à l’attention de Julia.

Celle-ci prend le tube et l’ouvre, tremblante, elle sait qu’elle va devoir mentir à ses deux meilleurs amis et ça lui brise le cœur. Mais pour leur sécurité, elle n’a pas le choix, il le faut.

— Alors… j’avais prévu de… d’aller faire ma dernière année de lycée en France, chez mon père.

Julia retient sa respiration, elle savait que la nouvelle leur causerait un choc, car cela signifie une année passée loin d’eux.

— Mais…

— Mon visa est prêt, mon père m’a inscrite dans une des meilleures écoles françaises, je n’ai plus qu’à partir.

— Quand ? se contente de dire Ric’ l’air maussade.

Mais il n’a pas le temps d’entendre la réponse, car le sol se met à trembler, la cabane vacille.

— Qu’est-ce que…

Puis un bruit assourdissant résonne et la porte de la cabane vole en éclat projetant des bouts de bois en tous sens. Abigaïl en reçoit un qui se plante dans son bras, Ric’ a plus de chance, un énorme morceau lui effleure le torse déchirant sa chemise avant de s’enfoncer dans le mur du fond. Julia rampe hors de la cabane. La nuit est tombée, mais tout cela ne paraît en rien naturel. Le vent souffle fort créant un brouhaha incessant. Les arbres vacillent, les lumières des lampadaires de la rue éclatent un à un, le sol tremble ce qui empêche Julia de se tenir complètement droite. Elle est bientôt rejointe par ses amis qui l’attrapent chacun par un bras.

— Viens, on doit se mettre à l’abri, hurle Adaric par-dessus le bruit du vent.

Elle acquiesce, mais elle le voit. Il est là, à quelques mètres d’eux, il la regarde.

— Uriah.

— Quoi ? demande Aby.

— Rentrez, leur hurle Julia, tous les deux entrez et enfermez-vous dans la cave.

Uriah s’approche lentement.

— Mais toi ? Tu ne viens pas ? demande Aby.

— Non. Ayez confiance. Courez ! Maintenant ! hurle-t-elle plus fort.

Aby recule de quelques pas, mais n’a pas le temps d’ouvrir la bouche, elle ne voit que le regard rouge d’Uriah avant d’être projetée dans les airs pour aller s’écraser contre la cabane, la détruisant en partie.

— Aby ! hurle Julia.

Ric se rue vers son amie alors que Julia se dirige vers Uriah en courant pour le stopper.

Elle se jette sur lui, elle ne sait pas ce qu’il en résultera, car il est bien plus fort, mais l’effet de surprise joue en sa faveur. Il est déséquilibré et le vent cesse de hurler, le sol arrête de trembler et le silence s’installe. Elle a roulé par terre alors qu’Uriah est toujours debout. Elle essaie de se relever, mais elle ressent une douleur horrible. Elle porte la main à son cou et voit qu’elle saigne. Uriah fait volte-face et la redresse sans ménagement.

— Bon anniversaire… mon ange.

Elle porte son amulette, quoi qu’il tente elle est protégée. Elle jette un œil apeuré à ses amis, Aby est inconsciente, Ric essaie de la réveiller jetant des regards affolés partout.

— Ne leur faites pas de mal.

Uriah fait un demi-tour pour regarder les deux adolescents.

— Ces deux-là ? Et qui va m’en empêcher ? Toi ?

Il se retourne vers elle et lui attrape le bras pour la rapprocher de lui. Elle peut sentir la chaleur de son corps contre le sien, son odeur l’enivrer, comme à chacune de leur rencontre, c’est envoûtant, elle veut le frapper et s’enfuir, appeler au secours, mais elle ne peut pas. S’il se rend compte qu’il n’a pas d’emprise sur elle, qui sait ce qu’il ferait à ses amis et c’est hors de questions.

— Ne leur faites rien. Je vous en prie, supplie-t-elle.

Il la regarde fixement. Elle respire fort, son cœur bat très vite, il peut sentir son sang pulser à travers ses veines.

— Julia Julia Julia, mon petit ange… crois-tu être en mesure de me donner des ordres ?

Il attrape ses mains qu’il serre dans son dos pour coller son corps un peu plus à lui. De sa main libre, il repousse ses cheveux laissant sa blessure au cou à nue. L’envie est forte, tentante, elle est tellement terrorisée que même son sang sent la peur, cette peur enivrante dont il pourrait se nourrir. Il renifle son cou.

— Oh, Julia, tu as l’air si… tendre… si délicieuse.

Il approche sa bouche de son cou pour lécher sa blessure. Elle hurle, la douleur est atroce, son sang bouillonne littéralement, la brûlure est insoutenable. Uriah frissonne de plaisir. Puis la fixe, une goutte de sang coule du creux de sa bouche.

— Encore plus délicieuse que je le pensais.

— Tuez-moi si c’est ce que vous voulez, mais laissez mes amis tranquilles.

— Te tuer ? Mais je n’ai aucun intérêt à te tuer, je te l’ai dit, il la fixe de ses yeux rouge sang étincelants.

Elle sait qu’il tente de la soumettre, car la chaleur du pendentif sur sa poitrine s’intensifie, signe qu’il était en train d’agir. Alors elle se tait et attend tentant de ralentir son souffle pour se calmer. Elle lui sourit.

— Huuum je préfère ça… tu es si jolie pour une humaine.

— Je ne suis pas une simple humaine, se contente-t-elle de répondre essayant d’être la plus convaincante dans le rôle de soumise.

Adaric, bien que ne comprenant pas ce qui se passe, voit que Julia est maintenue et s’adresse à quelqu’un qu’il ne voit pas, il fallait qu’il intervienne. Il prend alors un bout de bois qu’il trouve près de la cabane et se rue vers Julia en priant pour que son intuition soit la bonne et qu’il ne tuera pas son amie en lui enfonçant un pieu dans le cœur. Uriah se met soudain à hurler lâchant les bras de Julia qui tombe sur le sol. Adaric court vers Julia pour la relever.

— Viens, ordonne-t-il en la prenant dans ses bras.

Ils tentent de s’enfuir, mais Uriah est plus rapide et se matérialise devant eux.

— Où croyez-vous aller comme ça ? d’un geste, il griffe le torse d’Adaric qui tombe sur le sol, inconscient.

— Ric. Non !

Il attrape ensuite Julia par les cheveux et la traîne sur plusieurs mètres avant de la jeter à terre. Il fond sur elle et la plaque sur le sol pour qu’elle ne bouge plus.

— Lâchez-moi !!! Lâchez-moi !! hurle-t-elle.

— Cesse de t’agiter jeune fille, il appuie son corps contre le sien, et resserre son emprise sur ses bras pour l’immobiliser.

— J’ai dit cesse !!!! hurle-t-il.

Julia stoppe net toute tentative.

— Je vous en prie… pleure la jeune fille.

— Tu sais, dit-il sur le ton de la conversation, j’ai une envie viscérale de te tuer. C’est vrai, te voir souffrir le martyre dans tes derniers instants de vie serait pour moi tellement libérateur.

— Alors, allez-y, le défie-t-elle.

Il lui sourit.

— Non… murmure-t-il puis il attrape son cou qu’il se met à serrer.

Surprise, Julia commence à s’agiter tentant de se libérer, mais il est trop fort. Le tiraillement de sa blessure est alors encore plus grand. Plus que le manque d’air, elle souffre d’une douleur qu’elle ne connaît que trop bien. C’était la brûlure qu’elle avait ressentie lorsqu’il avait transpercé leurs mains avec le poignard dans son rêve. Il doit lui aussi s’en rendre compte, car il cesse de serrer.

— Qu’est-ce que…

Mais avant qu’il ne comprenne quoi que ce soit il est projeté en l’air libérant ainsi Julia qui se précipite sur Adaric, toujours inconscient.

— Ric’ ? Ric’ ? réponds-moi.

Davia passe près d’elle les mains levées vers Uriah prononçant des mots qu’elle ne comprend pas. Uriah se met à hurler en se tenant la tête, puis son bras se tord dans un angle inhabituel et Julia peut entendre l’os se casser, puis c’est au tour de sa jambe de se briser. Il hurle toujours quand Ric’ ouvre les yeux.

— Jul… chuchote-t-il.

— Oh Ric’ ! dit-elle en lui caressant le visage, est-ce que ça va ?

— Jul…

— Ne t’inquiète pas. Ça va aller maintenant, nous ne sommes plus seuls.

Julia voit Adelan et Anedora arriver et se jeter sur Uriah. Il se débat alors qu’Adelan lui inflige plusieurs coups de poing. Davia a cessé sa litanie. Uriah puise dans ses dernières ressources et dans un cri inhumain se relève en envoyant valser Anedora et Adelan à plusieurs mètres devant lui. Il court en direction de Julia et Adaric, fou de rage, mais ils disparaissent avant qu’il ne les atteigne.

— Mais…

Il se retourne vers Davia qui a la main posée sur la poitrine de l’amie de Julia. Elle claque des doigts et disparaît emportant Abigaïl avec elle. Il se retrouve seul dans la nuit. Il hurle de rage.

— Pauvre Uriah, une fois de plus terrassé par une gamine.

— Qui es-tu ? dit-il à l’homme qui se tient debout devant lui.

— Ton unique espoir d’atteindre ton véritable but.

— Ah oui ? Et quel est-il ?

— Régner sur le monde mon ami.

***

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Vireluba ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0