Chapitre 11 - Partie 2

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Julia

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Plus que quelques mètres et je serai arrivée. J’ai fait de mon mieux pour éviter Matthew ces jours-ci. Depuis notre premier rendez-vous, il y a cinq jours et cet horrible cauchemar il m'étais impossible de le revoir. Quand je pensais à lui, je voyais systématiquement l’horrible tête du loup apparaître. C’était affreux. Je suis passée par plusieurs phases : ce n’est qu’un rêve après tout. Les loup garous n’existent pas. Les anges et les sorcières non plus il y avait encore quelques jours. Les loup garous existent donc. Mais mon petit copain...puis-je dire petit copain après seulement un café et quelques baisers ? Oh les baisers de Matthew… il m’a vraiment manqué ces jours-ci pourtant nous n’avons passé qu’une seule soirée ensemble. Mais quelle soirée ! Concentrée sur ce soir-là au café, je prends mon courage à deux mains et m’avance dans l’allée. Je frappe. Pas de réponse. Je crois entendre des pas derrière la porte alors je recule un peu. Matthew ouvre la porte. « Qu’est-ce qu’il est beau ! » Ça me fait l’effet d’une claque. Il est encore plus beau que la dernière fois que je l’ai vu. Je le dévisage quelques secondes. Il a même l’air plus grand, plus fort. C’est étrange. Il ne dit rien. Il se contente de me regarder, le visage fermé. Je tente un sourire timide.

— Tiens une revenante !

« Et prends ça dans les dents Julia ! » Que pouvais-je lui répondre après des jours à avoir évité ses appels et ses tentatives prétextant des révisions, des courses avec ma mère ou un gros coup de fatigue. Je m’étais contentée de simples textos. Il m’invite à entrer. Pas de bisous ? Mais où est passé le garçon plein de fougue qui m’a embrassée dans le café ? Je le suis, un peu vexée tout de même.

— Tu veux boire quelque chose ?

Quelle atmosphère glaciale ! Il me punit sûrement. Je l’ai bien mérité il faut dire. J’acquiesce et le regarde sortir deux verres du meuble au-dessus de l’évier puis prendre un pichet de citronnade dans le frigo qu’il pose sur le comptoir. Je me hisse maladroitement sur un des tabourets et le regarde nous servir à boire. Je suis très, très mal à l’aise. Son attitude est tellement étrange. Bon, oui, je l’ai évité, mais… et puis après tout, je ne l’ai quasiment pas vu au lycée. À bien y réfléchir, je ne l’ai pas vu une seule fois. Étrange, non ? Je range ça dans la case « comportement étrange de petit ami ». Quoi qu’il en soit, il va falloir que je clarifie les choses et que je trouve une explication logique et plausible. Il boit une gorgée de son verre pendant que je triture mes doigts sans savoir quoi faire. Il continue de me fixer. Il va parler oui ou non ? Puis il fait le tour du comptoir, fait pivoter légèrement le tabouret de sorte que je me retrouve face à lui. Il prend mon visage dans ses mains. Elles sont douces et chaudes. Ce contact me rassure. Il s’approche et pose délicatement ses lèvres sur les miennes. Je pourrais mourir tellement ce baiser est tendre. Je soupire. Il ne m’en veut pas. Je suis enfin tranquillisée.

— Tu m’as manqué.

— Toi aussi.

Je me blottis contre son torse. J’écoute son cœur battre extrêmement vite. Je suis tellement heureuse qu’il n’y ait absolument rien de lupin chez lui. Quelques minutes encore dans ses bras puis il m’entraîne jusqu’au salon. On s’installe sur le canapé. Il m’ouvre ses bras dans lesquels je me blottis avec plaisir, la tête posée contre son épaule. On discute longtemps. Il m’embrasse à plusieurs reprises. J’ai eu quelques petits copains. Bon pas mille non plus, je n’ai pas trop de points de comparaison, mais je dois avouer que Matthew se défend plutôt bien de ce côté-là. Si ses baisers étaient sauvages et fougueux à notre premier rendez-vous, ils sont plus tendres et romantiques ce soir. J’ai l’impression de retrouver le Matthew que j’ai rencontré cet été. Et je le préfère largement. Près de deux heures se sont écoulées. Je suis si bien ici, je pourrais y rester toute la vie.

— Veux-tu que je te ramène ? La nuit commence à tomber.

— Non. C’est gentil. Je vais marcher.

Il me raccompagne jusqu’à la porte. Me serre dans ses bras. Comme j’aimerais rester ici avec lui, oublier toute cette histoire de Prophétie et reprendre le cours normal de ma vie. Mais j’aperçois déjà Adelan de l’autre côté de la rue. Matthew m’embrasse une dernière fois en me souhaitant bonne nuit et referme la porte.

Adelan me rejoint près du portail.

— Tout va bien ?

— Oui. Ce n’est pas un loup-garou.

Il me sourit. Il est si gentil. Au début de toute cette histoire, j’ai trouvé très étrange de savoir que quelqu’un veillait sur moi depuis que j’étais enfant, peut-être m’espionnait-il ? Je n’y avais jamais vraiment pensé. C’est vrai ça ! Oh la la si ça se trouve il me voyait sous la douche ! Mon Dieu !

— Adelan ?

— Oui.

Bon comment lui demander s’il a passé seize ans à se rincer l’œil ?

— Est-ce que… enfin… j’aimerais savoir… hum… tu as vu ce que je faisais avec Matthew ?

— Quoi ?

Il paraît offusqué. Les anges seraient-ils aussi prudes ?

— Oui. Je veux dire, tu es là, tout le temps. Même à la maison, tu es sur l’arbre et…

— Oh… je vois…

Ben oui, il faut dire que ça commence à m’inquiéter un peu. C’est vrai que depuis ma rencontre avec Uriah, je suis rassurée de savoir que j’ai un protecteur qui est prêt à intervenir. Cela dit, je ne suis pas spécialement emballée par le fait qu’il puisse me voir quand j’embrasse mon petit copain. Petit copain ? Deuxième « presque-rendez-vous », je peux peut-être dire, petit copain.

— Je ne vois pas à travers les murs si c’est ce que tu veux savoir.

« Ouf ! Je suis soulagée ! » Il n’a pas ce pouvoir-là. Il a dû le voir, car il se met à rire. Après plusieurs coups de coude à mon cher Protecteur, il arrête enfin de rire.

— Je n’en sais rien moi ! Tu dis que tu es toujours là, sur la branche, alors bon…

— Julia. Je suis connecté à toi de telle sorte que je sais ce que tu ressens quand tu le ressens.

Vu mon air dubitatif, il se voit dans l’obligation de poursuivre son explication.

— En fait, je n’ai pas la capacité de voir à travers les murs, ça, c’est sûr, mais je peux ressentir le danger ou si tu as mal par exemple.

— J’avoue que je ne comprends toujours pas.

— C’est difficile à appréhender à vrai dire. Si tu te piques en ramassant une rose, je ne vais pas le ressentir, d’accord ? Mais si tu tombes dans l’escalier, là je vais ressentir ta douleur.

Ce n’est pas très clair. Petite blessure il s’en fiche, gros gadin, il le ressent. Bon, Ok, pourquoi pas.

— Je peux sentir ta peur quand tu es en danger, ton stress quand tu dois passer un examen important.

— Tout ce que j’éprouve donc.

— Je suis capable de faire le tri. Ce soir, par exemple, je n’ai pas cherché à savoir ce que tu ressentais, ce serait impoli et c’est ta vie privée. Mais si tu avais été en danger, je l’aurais tout de suite su. Tu comprends la nuance ?

— Je crois.

En tout cas me voilà rassurée, si un jour les choses deviennent plus sérieuses avec Matthew, il ne verra rien. Je n’aurais plus l’impression d’être dans une émission de télé-réalité !

En rentrant à la maison, le plus discrètement possible afin d’éviter de réveiller ma mère qui doit se lever très tôt demain matin, je file dans ma chambre. Je n’ai pas trop envie de dormir pour le moment. Je tire mon rideau. Adelan est là, assis sur sa branche. Il me fait un sourire que je lui rends avec plaisir. Je décide de surfer un peu sur le net. Ça fait longtemps que je ne me suis pas accordée ce petit plaisir.

***

Quand il rejoint sa chambre, Matthew explose de colère, frappant après la porte, les murs, jetant à terre tout ce qui se trouve sur son bureau puis lorsque la douleur se fait trop intense, il hurle. Chaque parcelle de son corps le fait souffrir, il sent la bête en lui tellement présente qu’il s’imagine déjà se transformer. Il sait pourtant que rien ne se passera. Il est resté enfermé ces derniers jours dans sa chambre, prétextant auprès de ses parents une grosse grippe. Ces seuls moments de répit ont été les messages que lui envoyait Julia chaque jour. Bien qu’elle n’ait pas le temps de venir le voir, savoir qu’elle pensait à lui le réconfortait. Pourtant, la douleur est inimaginable. Il tombe à genoux, en pleurs.

— Pourquoi ? trouve-t-il la force de dire.

— Je n’ai jamais dit que ce serait facile.

Uriah est assis sur le rebord de la fenêtre. Il attend que Matthew déchaîne sa colère pour lui parler.

— C’est une douleur constante et insupportable.

— Tu deviens un loup. Croyais-tu que ce serait une partie de plaisir ?

Il rit.

— Au prochain cycle, tu te transformeras.

— Et en attendant ?

— Tu vas souffrir.

Matthew hurle de nouveau, mais cette fois de colère pas de douleur. Il se jette sur Uriah pensant pouvoir se défouler sur lui, mais ce dernier le stoppe d’une main. Il n’a même pas bougé d’un millimètre. Assis sur le rebord de la fenêtre, il tient désormais Matthew par le cou.

— Qu’essaies-tu donc de faire ?

— Dé… dé… so… lé, parvient à souffler Matthew alors que l’air commence déjà à manquer.

Uriah lâche sans plus de ménagement le jeune homme qui s’effondre bruyamment sur le sol.

— Je t’ai trouvé bien…

Il réfléchit.

— … gentil avec la fille ?

— C’est un des rares moments où j’ai pu occulter la douleur. J’ai remarqué que le désir amplifie la douleur.

— Oh pauvre petit loup.

— Pour l’instant, je ne suis pas un loup comme tu me l’as promis, lance-t-il sentant la douleur revenir de plus belle.

— Ça viendra.

Il se relève et se laisse tomber sur son lit. Uriah le rejoint près du lit.

— Tiens.

Il lui lance une fiole remplie d’un liquide verdâtre.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Si tu passes encore des jours enfermé chez toi, ta « petite-amie » va se poser des questions et ce n’est pas dans notre intérêt. Bois ça. Demain, tu seras sur pied et tu pourras reprendre le cours de notre plan.

Matthew ne se fait pas prier et boit d’une traite la fiole. Le liquide a un goût de citrouille. Il veut remercier Uriah, mais celui-ci a déjà quitté sa chambre, il ne l’a même pas entendu. Cette capacité à passer inaperçu est vraiment un atout. Il espère qu’en devenant un loup-garou, il aura aussi ce genre de don. Et alors qu’il sent la mixture s’infiltrer dans ses veines, il ferme les yeux et s’endort, pour la première fois depuis des jours.

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