Chapitre 6 - Partie 2

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Julia se remet péniblement de l’assaut de l’Ange Déchu. Il s’appelle Uriah. C’était un ange bien avant Adelan. Après sa renaissance, il l’avait pris sous son aile et lui avait enseigné son rôle de protecteur. Ils étaient alors devenus amis, mais Uriah avait eu d’autres ambitions pour son avenir, il avait choisi la nuit. Quand il était tombé, Adelan avait essayé pendant de nombreuses années de retrouver son ami, de le convaincre de ne pas continuer dans cette voie, même s’il savait que c’était irréversible, il avait espéré un miracle. Et un jour, témoin d’un crime commis par son ancien ami, il avait abandonné et oublié Uriah ; il était définitivement perdu.

Ils se trouvent dans une immense salle à la lumière tamisée. Les murs sont recouverts d’une peinture bleutée, l’atmosphère est saine et détendue, une chaleur diffuse et généreuse emplit la pièce. Dans un angle, le tronc d’un arbre s’intègre parfaitement à la pièce, on peut voir le sol bosselé à l’endroit où les racines de ce cèdre centenaire se frayent un chemin à travers le sol. Ses branches clairsemées au feuillage dense filent à travers l’unique fenêtre alors que d’autres reposent paisiblement contre les murs. C’est absolument fabuleux, l’harmonie avec la nature est bouleversante tellement elle semble naturelle et belle. Par moment, le doux son d’un carillon au gré du vent se fait entendre au loin, ce qui rend le lieu encore plus mystique. Une odeur boisée mêlée à la camomille flotte dans l’air, la fumée de l’encens semble danser à la lueur des bougies éparpillées à chaque recoin de la pièce. Une majestueuse table de chêne se trouve au centre de la pièce, recouverte elle aussi de bougies aux teintes différentes. Assis autour de la table, Anedora, Davia et Adelan discutent, attendant l’arrivée de la Grande Prêtresse. Julia, quant à elle, reste muette, elle est très perturbée par cet Uriah. Elle n’ose pas en parler, mais elle a ressenti une attirance incontrôlable et sait qu’elle n’aurait pas résisté s’il lui avait demandé quoi que ce soit. Ce sentiment de soumission avait été horrible et pourtant, à cette seconde, elle ne parvient pas à effacer son visage de son esprit. Sa voix l’a totalement ensorcelée et son regard, pourtant terrifiant, la hante. Son Protecteur lui avait expliqué que cela faisait partie des pouvoirs des anges déchus ; leur charme et leur beauté les aidaient à séduire et envoûter leur victime. En revanche, ce qui paraît plus inquiétant d’après lui, c’est le fait qu’elle l’a vu comme elle l’a d’ailleurs vu lui aussi quelques heures plus tôt. C’est certainement dû à sa particularité, mais il est tout de même inquiet.

— Je ne comprends pas, demande-t-elle.

— Nous ferons des recherches, mais en attendant, nous avons d’autres chats à fouetter, réplique Davia.

— Prêtresse. Si nous sommes venus, c’est pour quérir votre aide. Gabriel ne nous a malheureusement pas éclairés sur la manière dont l’Élue doit sauver notre monde. Le compte à rebours est lancé, il ne reste maintenant que quatre-vingts-dix jours et nous ne savons pas par où commencer…

— Qu’est-ce qui te fait croire que je peux t’aider ? demande gentiment Bakène.

La Grande Prêtresse est une femme charismatique et généreuse. Elancée et vêtue d’une longue robe bleue scintillante comme une nuit étoilée, ses longs cheveux couleur de jais noués par une tresse retombent gracieusement au creux de ses reins. Elle porte à sa main droite une bague surmontée d’une obsidienne noire, une pierre protectrice et essentielle pour la communauté magique. Une chaînette relie la bague à son poignet par un bracelet argenté et étincelant. Représentant son grade, dessiné sur sa peau métissée, un tatouage absolument magnifique attire le regard de Julia. Fait de plusieurs arabesques d’argent entrelacées, il se prolonge de son épaule droite jusque dans le creux de son dos sculpté. Elle est vraiment très impressionnante et splendide.

— Vous êtes une Prêtresse, enchaîne Anedora. Vous avez donc le pouvoir de voir l’avenir.

— C’est exact.

— Julia, les créatures de la nuit sont invisibles aux humains, à tous les humains sauf au moment où ils les tuent. Ils apparaissent à leur victime pour se nourrir de leur peur, continue Anedora.

— Il voulait la tuer, c’est pour cette raison qu’elle l’a vu, réplique Davia.

— Nous étions encore dans la voiture quand il lui est apparu, coupe Anedora, comprenant exactement où le Protecteur désirait en venir.

— Je ne vois pas où est le problème, intervient alors Julia.

— Seuls les humains enclins à pencher du côté du mal peuvent voir les créatures de la nuit.

La révélation de Bakène fait l’effet d’un coup de poignard à Julia.

— Quoi ? Mais je ne suis pas mauvaise ? Jamais, je n’ai fait de Mal à personne, je n’ai même jamais tué une araignée ou une mouche… je suis bonne… je suis gentille…. Je….

Anedora s’approche de la jeune fille et pose sa main sur son avant-bras pour l’apaiser. Julia sent le calme l’envahir aussitôt. Elle la remercie et boit une grande gorgée du thé au parfum inconnu, mais délicieux que lui ont préparé les sorcières.

— Ne nous égarons pas. Il ne faut pas oublier qu’elle est la Clé, reprend Anedora, elle a forcément des capacités que les humains n’ont pas. De plus, nous partageons notre âme. Et je suis l’Élue, continue Anedora, refusant l’hypothèse que Julia puisse être mauvaise. Il va falloir tirer ça au clair.

— Alors qu’avez-vous vu ?

— Vous le savez, vous l’avez vu aussi.

— C’est vrai. Mais ce n’était pas l’avenir.

— Ça le deviendra si vous échouez, Élue.

— Ça, je le sais. C’est pourquoi nous vous demandons votre aide. Si vous avez eu cette vision, vous en avez peut-être eu d’autres qui pourraient nous être utiles.

— La seule vision que j’ai eue, c’est lors de votre mort, et je n’ai vu que les conséquences de la Prophétie, pas le moyen de la contrer. Je suis désolée. Je ne peux rien pour vous.

— Mais vous connaissiez cette Prophétie ! Tous les Êtres Magiques la connaissent, ajoute Davia, peut-être avez-vous entendu ou lu quelque chose qui pourrait nous aider ?

— Pas à ma connaissance. Je suis navrée, jeune Davia, je ne vous serai d’aucune aide.

Anedora perd alors son calme.

— Mais c’est terrible ça !!! Je suis morte pour rien alors !!! Je suis morte pour déclencher la Prophétie et c’est tout ! Je dois sauver le monde, mais personne n’est capable de me dire comment. Je… Je ne vois pas de quelle manière je peux accomplir ma Destinée… le monde est perdu.... dans ces conditions, je ne peux pas aller plus loin, déplore-t-elle les larmes au bord des yeux.

— Bakène… je vous en prie… supplie Davia.

La Grande Prêtresse ferme les yeux un instant, semblant faire le point avec elle-même. Elle se lève, prend un bout de papier jauni par le temps et inscrit deux lignes. Son écriture est fluide et constante, à son image. Elle le donne à Davia lui demandant de lire à voix haute ce qui est écrit.

— George Templeton. New Jersey.

Le papier s’enflamme aussitôt et disparaît.

— Je ne vous dirai rien de plus.

Elle sort de la pièce sans un mot. C’est Adelan qui coupe court à cet instant étrange.

— On sait au moins où aller et qui aller voir.

— Il faut nous y rendre. Le plus rapidement possible. Nous devons passer chez Julia chercher des affaires et….

— Vous avez fini ? coupe Julia.

— Qui y a-t-il ? demande Anedora.

— Il y a que je m’inquiète un peu, moi. Je vous rappelle que vous avez débarqué chez moi en me disant que j’étais la Clé qui devait être protégée pour éviter la fin du monde. J’ai failli être tuée par un ange fou furieux parce que je vous ai crus et suivis dans votre aventure, suicidaire si vous voulez mon avis. Et maintenant, une sorcière vous donne un nom et il faudrait que je vous suive là-bas sans rien dire ? Non. Je refuse. Je ne veux pas risquer ma vie pour ça. Je ne suis même pas certaine de vous croire, comment voulez-vous que j’aille dans le New Jersey ? Non, je n’irai pas.

Elle se rassoit en croisant les bras sur son ventre telle une enfant boudeuse. Adelan sourit. Il l’a vue faire cette moue tellement de fois depuis son enfance. Attendri, il s’approche de la jeune fille.

— Écoute, je comprends que tu aies peur. Mais tu es en sécurité avec nous.

— J’ai vu oui, merci.

— L’ironie ne te va pas, sourit Adelan. Uriah nous a surpris, nous ne savions pas qu’il te cherchait, mais maintenant oui et nous serons plus à même de te protéger pour qu’il ne t’arrive rien. Seule, tu n’as aucune chance.

Elle se détend un peu. Davia s’approche à son tour.

— Je vais te fabriquer un collier, un collier avec une pierre protectrice. Ainsi rien ne pourra t’arriver tant que tu le garderas sur toi. Il ne pourra pas t’éviter les dangers, bien sûr, mais les créatures de la nuit n’auront pas le dessus sur toi et cela te sera d’une grande aide.

— Il n’est pas nécessaire qu’elle vienne avec nous, intervient alors Anedora.

— Elle sera en danger seule, et tu le sais.

— Ce que je veux dire c’est que nous ne sommes pas obligés de tous aller dans le New Jersey. Toi et Julia pouvez rester ici pendant que j’irai voir ce George Templeton avec Davia.

— Ça me semble correct, approuve Davia.

— Merci, souffle doucement Julia à l’attention d’Anedora.

— Très bien. Rentrons, souffle Adelan à Julia. Il ne t’arrivera rien, je te protégerai. Je suis né pour ça après tout.

Elle l’embrasse sur la joue, affectueusement, faisant rougir le Protecteur.

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